3.

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L'éclairage de la chambre d'hôpital fait ressortir les grands yeux cernés et le teint blafard de Daphnée. La jambe droite reposant sur un coussin, ma mère est allongée sur un lit médicalisé. Ses orteils laqués de rose vif émergent de la botte en résine bleue qui maintient sa cheville fracturée.

— Saleté de chaussure..., ronchonne-t-elle pour la millième fois au moins.

Je réprime un soupir et range rapidement la trousse de toilette dans le petit sac de voyage que je lui ai apporté. Un peu plus tôt, elle a échangé sa petite robe moulante de la veille contre une jupe ample et un pull ajouré. Et épuisée, elle s'est rallongée un instant.

Après la frayeur que j'ai eue lorsqu'elle m'a appelée tout à l'heure, je dois avouer que je suis plutôt soulagée qu'elle n'ait finalement eu — si je puis dire — qu'une fracture.

Heureusement, Ian est rentré relativement tôt de sa virée. Il n'a presque pas réagi lorsque je l'ai mis au courant pour notre mère et je lui ai dit que j'empruntais sa voiture. Si son regard voilé n'était pas une preuve suffisante du degré de sa biture, rien que le fait qu'il n'ait balancé aucun de ses commentaires habituels concernant l'attention que je devais porter à sa précieuse bagnole en disait suffisamment long.

— Tu te rends compte ?! reprend Daphnée. Putain de merde ! Ce satané talon s'est cassé juste au moment où je descendais l'escalier. Je n'ai pas eu le temps de réagir.

Je me contente de terminer stoïquement de ranger son sac.

— J'ai dégringolé les marches plus vite qu'un tonneau ! râle-t-elle encore. Dire que je me suis pété la cheville. J'en reviens pas ! Saleté de talon de merde...

— Tu sais combien de temps tu vas devoir garder ton plâtre ? l'interromps-je.

— D'après le toubib, au moins un mois. Peut-être un peu plus... Après, il y aura la rééducation... Oh ! Putain ! Quelle merde... !

Ma mère étant du genre à ne pas tenir sur place plus de quelques minutes d'affilée, je peux comprendre qu'elle envisage les prochaines semaines comme une galère totale.

— Mais, bon, reprend-elle après un long soupir, je m'en tire pas trop mal, en fin de compte. Une cheville pétée. Ça aurait pu être pire...

Je range les stilettos incriminés dans le sac de voyage avant de le refermer.

— Voilà, dis-je en calant machinalement une mèche de mes cheveux rebelles dernière mon oreille. Tout y est. Nous pouvons y aller.

Daphnée attrape ses béquilles et nous quittons la chambre.

Comme nous gagnons la sortie, j'aperçois à l'autre bout du couloir un mec beau à en tomber à la renverse. Il se dirige vers nous. Grand. Les épaules larges. La peau couleur caramel. Une petite trentaine. Il est sexy en diable dans sa tenue médicale. Son regard fait brièvement l'aller-retour entre ma mère et moi avant de se fixer sur elle.

— Alors c'est le départ ? lance-t-il en s'arrêtant à notre hauteur.

— Heureusement, ma fille a pu venir me chercher, confirme Daphnée qui du coup a retrouvé son sourire.

Une fugitive lueur de surprise passe dans le regard du jeune homme. Sans doute est-il frappé d'apprendre que je suis la fille de Daphnée. Ce genre de réaction ne m'étonne plus vraiment.

Mais il se reprend très vite et me gratifie d'un salut chaleureux. Puis, s'adressant à ma mère, il poursuit en lui prodiguant quelques conseils d'ordre médical. Je comprends alors qu'il est infirmier et qu'il fait partie de l'équipe qui l'a prise en charge durant ces quelques heures d'hospitalisation.

Pour toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant