Chapitre 2

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-Alors, tu as réussi à le terminer, ce devoir de français ? demanda sa mère quand Astrid descendit prendre son petit-déjeuner.

Astrid bailla, mais hocha la tête. Harold l'avait bien aidé. Elle n'arrivait toujours pas à comprendre comment il était né au dix-neuvième siècle et paraissait pourtant si jeune, mais n'avait pas posé de questions. Elle doutait qu'elle aurait obtenu des réponses de toute manière. Harold avait été très bavard quant à son devoir, sur ce qu'il savait et se rappelait, mais n'avait jamais abordé de près ou de loin la question de sa présence même dans la maison, ou bien de son identité de démon. Astrid n'avait pas insisté. Elle se sentait déjà suffisamment reconnaissante d'avoir pu finir ce devoir. Elle s'était vraiment préparée à rendre page blanche. Elle s'assit lourdement sur une chaise de la cuisine après avoir sorti les céréales du placard. Distraitement, elle se servit du lait dans un bol, ajouta les céréales et commença à manger. Elle avait beau être très contente d'avoir fini son devoir, elle s'était couchée tout de même très tard. Beaucoup trop tard par rapport à ce qu'elle avait prévu à la base.

Harold dormait encore. Il s'était endormi sur sa chaise la veille et n'avait pas bougé quand son alarme avait retenti. À croire qu'il était sourd. Astrid n'avait pas réfléchi très longtemps en remarquant combien il semblait inconfortable sur cette chaise. Pour y avoir passé de nombreuses heures assise, elle savait que le coussin n'était plus très moelleux. Autant s'asseoir sur du béton. Elle avait donc bougé Harold, pour l'étendre de nouveau sur lit. Puis, elle s'était stoppée. Pourquoi faisait-elle cela ? Elle commençait à éprouver de plus en plus de compassion pour ce démon blessé. Son sommeil ressemblait plus à un coma qu'autre-chose et le cataplasme de sel fumait de nouveau. Était-ce normal ? Elle n'avait pas osé réveiller Harold pour le lui demander. S'il s'était servi du sel, c'était qu'il savait ce qu'il faisait.

-Maman, je me demandais, est-ce que tu as déjà vu un démon en vrai ? demanda soudain Astrid, sans vraiment savoir pourquoi.

Elle releva tout de même le regard vers sa mère, qui l'observait avec une expression étonnée.

-Pas vraiment, avoua-t-elle. Pourquoi cette question ?

-Oh, rien, répondit Astrid en haussant les épaules. Je me demande juste à quoi ils peuvent bien ressembler.

-De nos jours, les seuls qui voient des démons et survivent pour en parler sont les exterminateurs, dit sa mère. Et encore, ils ne voient que des silhouettes sur les écrans de leurs capteurs. Ils ne parlent que de formes humanoïdes.

-Et toi, comment tu les imagines ?

Elle hésita un instant.

-Je ne sais pas trop, finit-elle par avouer. Je n'y ai jamais pensé. Il y a beaucoup de représentations. Mais la plus plausible est sûrement celle des films. Des démons qui ressemblent un peu à des vampires. La peau presque transparente, les pupilles rouges, de grandes dents. Et toi ?

Astrid se contenta d'hausser les épaules.

•••

En entrant au lycée, Astrid se demanda si le bâtiment était constamment sous les effets des ondes protectrices, comme la plupart des espaces publics. Évidemment, il y avait minimum un système à activer tous les jours, mais généralement, les lieux publics, dans les plus grandes villes plus riches, étaient sous l'effet d'ondes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Astrid jugeait que c'était un gâchis monumental d'énergie précieuse. Mais sa petite ville n'était pas vraiment très riche. Cela paraissait plus logique que le lycée soit équipé d'un système, certes puissant, mais à activer manuellement tous les jours. Elle stoppa soudain son train de pensée. Pourquoi se posait-elle seulement la question ? Cela ne l'avait jamais intéressé, le système de protection du lycée. Pourquoi maintenant ? Sûrement à cause du démon qui devait encore dormir dans sa chambre. Elle avait pris soin de bien fermer la porte, en priant pour que ses parents n'aillent pas voir à l'intérieur. Astrid ne savait pas vraiment si Harold était visible à tous ou non. Mais quel rapport avec le lycée ? Espérait-elle pouvoir l'emmener avec elle, le présenter à ses amis ? C'était ridicule. Non seulement, Harold partirait sûrement une fois complétement guéri et ensuite, le lycée était protégé par des ondes. Il ne pourrait pas approcher. Et puis de toute façon, elle n'avait pas l'intention de présenter un démon à ses amis ! Ils appelleraient une entreprise d'extermination sans même chercher à comprendre. Elle ne l'avait pas aidé à guérir pour le condamner quelques secondes plus tard. Est-ce qu'il pensait la même chose ? Allait-il se retourner sur elle une fois rétabli ? On disait souvent que les démons, n'ayant pas d'âmes, se nourrissaient de celles des humains pour compenser ce manque. Et que c'était donc pour cette raison qu'ils s'attaquaient aux gens. Astrid ne savait pas quoi en penser, elle n'y avait jamais vraiment réfléchi. Elle se rendit soudain compte qu'elle avait beau vivre dans un monde où les démons étaient courants et activement repoussés par des systèmes, un système qu'elle mettait elle-même en marche tous les soirs, elle ne savait pas grand-chose sur les démons en question. À part qu'ils aimaient le sel apparemment.

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