Chapitre 1.

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« Pas d'arabe à la maison. » Cette phrase, je la connais. Je l'ai entendue bien des fois depuis la préadolescence. Je suis étudiante en première année et vis chez mes parents, dans une banlieue New-Yorkaise agréable. J'ai dix-huit ans, ne suis pas une sale gamine. Je sors avec mes amies de temps à autres et depuis le début d'année scolaire - il y a un mois, - j'ai joint une association pour aider les jeunes des quartiers défavorisés. Je donne des cours à des enfants ou des jeunes ados dans le Bronx et les ghettos de la grosse pomme. Parfois j'appréhende, parfois j'ai peur d'être dans ces quartiers mais généralement tout se passe bien avec mes jeunes. Je suis là pour les aider à faire leurs devoirs mais aussi les aider à sortir de chez eux et à découvrir des choses qu'ils n'ont pas l'habitude de voir. Cela ne fait qu'un mois, mais je mets corps et âme dans ce projet qui me semble extrêmement important. Je n'ai que dix-huit ans, ne connais pas tout sur tout mais je tente de trouver la limite de leur savoir et d'y mettre un peu du mien. Eux aussi m'apprennent énormément, surtout sur la vie.

Mes parents ne sont pas surexcités à cette idée et s'inquiètent déraisonnablement. Ils m'ont toujours un peu trop protégée et le fait de me savoir dans les quartiers défavorisés leur fait frôler la crise cardiaque, alors je ne leur dis plus quand sont mes missions. Je n'ai pas besoin de recevoir des dizaines de coups de téléphones durant mes heures de bénévolat, tout ça pour satisfaire le besoin constant de mes parents de me savoir en sécurité.

J'ai eu jusqu'ici une belle vie, n'ai jamais manqué de rien. J'ai toujours mangé à ma faim, eu de quoi m'habiller et on m'a toujours donné trop d'argent de poche – Dont l'excédent finit sur un livret bancaire – je n'ai pas à me plaindre si ce n'est du contrôle que mes parents exercent sur moi.

Je ne doute pas de leur amour mais leurs craintes m'étouffent. Je ne m'envole pas, je reste clouée au sol en redoutant le futur. Leurs appréhensions sont devenues les miennes et m'empêchent d'évoluer.

J'enfonce les écouteurs dans mes oreilles en m'engouffrant dans le métro. Il est bondé et je me colle au maximum contre les parois du métro afin d'éviter tout contact avec les personnes présentes. Le métro à l'heure de pointe est une chose assez folle à faire. J'ai quelques arrêts avant ma correspondance pour le Bronx. Je tiens mon sac fermement contre ma poitrine afin de prendre le moins de place possible et me faufile jusqu'aux portes une fois arrivée à mon arrêt.

Quand j'arrive finalement dans ce quartier qui fut tant redouté durant une époque, je fais une halte dans une boulangerie Italienne et achète plusieurs pâtisseries. Depuis près d'un mois je me rends chez la famille Mekki et m'occupe des deux jeunes filles qui s'y trouvent. Je me suis prise d'affection pour elles toutes, surtout la maman qui approche la soixantaine et qui ne cesse de sourire dès qu'elle m'aperçoit. Shadan est une femme agréable, petite et légèrement voutée. Elle porte toujours des vêtements colorés qui rappellent sa culture pakistanaise. Elle est surtout d'une amabilité sans fin.

Je paye en liquide puis marche rapidement jusqu'à ma destination. L'immeuble n'est pas très bien entretenu et leur appartement se situe au quatrième sans ascenseur. Les murs de la cage d'escaliers ne sont ni peints, ni décorés. Ils sont grisâtres et le ciment s'ébrèche par endroits. Je me demande s'il est normal de faire vivre des familles dans de pareils bâtiments ? Je grimpe rapidement les étages qui me séparent de leur appartement puis frappe trois coups vifs contre la porte rouge.

C'est Shadan qui répond. Elle m'accueille chaleureusement et m'attire à l'intérieur en me tenant par le bras. Leur intérieur est totalement différent du hall glacial. Chez eux les couleurs se mêlent sur les murs et de grands tapis colorés jonchent le sol. J'ai toujours l'impression de changer de pays dès que j'y mets les pieds. J'adore le salon sans fauteuil et les coussins moelleux disposés sur le sol autour d'une table basse en bois vernis.

Pas d'arabe à la maison.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant