Chapitre 13.

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Neha ouvre la porte et me saute dans les bras. Je rigole et pénètre dans l'appartement, un petit singe attaché autour du cou.

- Alice tu es là ! crie-t-elle.

Zora arque un sourcil en m'apercevant et je remarque le sourire qu'elle tente de cacher en nous observant, son frère et moi. Je rougis et tente de me cacher derrière mes cheveux. Neha s'affale sur les coussins au milieu du salon et Zayd me gratifie d'un sourire. J'ai envie d'agir comme la benjamine et de me jeter dans ses bras comme si de rien n'était mais je m'abstiens.

- On va voir la rediffusion de Toys Story 1. déclare Zora en attrapant son téléphone portable.

- Génial ! m'écrié-je.

Une fois de plus je fais mine de ne pas remarquer le clin d'œil de l'adolescente quand elle passe la porte d'entrée. Je suis muette, je ne sais pas du tout quoi dire et les deux jeunes filles comblent le silence en parlant trop fort dans la cage d'escalier.

Dans la rue, elles marchent devant nous. Zayd a un sourire délicieux scotché au visage et il m'est difficile d'en détacher le regard. Je vais finir par tomber à force de ne pas regarder où je mets les pieds. Il me frôle parfois, envoyant des décharges dans tout mon corps. Je voudrais glisser mon bras sous le sien et me coller un peu plus mais je n'en fais rien. Il m'enverrait certainement paître et je ne suis pas prête pour un rejet. Sa simple présence a le don de m'apaiser. Je tente toujours de me raisonner mais quand je l'observe ce n'est plus un arabe que je vois mais le plus bel homme qu'il m'est été donné de voir. J'ai envie de tout envoyer bouler, surtout les croyances de mes parents. J'ai beau respecter leur deuil, j'ai de plus en plus de mal à comprendre cette haine concernant la population magrébine. Je pense aux attaques à travers le monde, aux tours jumelles, aux Pentagone mais aussi à Paris, aux cafés, au Bataclan, Nice. Londres et j'en passe...Je songe à toutes les victimes que ces attaques ont fait et mon cœur saigne mais mon cœur saigne aussi pour la population arabe qui à présent est stigmatisée. On leur a collé une étiquette sur le dos, une étiquette d'assassins qui est totalement fausse. L'œuvre de dégénérés ne fait pas de tout le monde des meurtriers. Dieu est bon, Dieu est amour et ce, peut importe la religion à laquelle vous appartenez. J'imagine Zayd enfant, en Amérique, le pays de la liberté mais qui a sûrement dû lui en envoyer plein la figure. Je n'ai pas envie de penser aux insultes qui ont pu lui être dites à lui et à sa famille. Zora a tout d'une jeune femme, elle est belle et agréable et Neha est une enfant pleine de vie. Zayd a remonté ses manches dès le départ soudain de son père et vient en aide à sa mère. Comment pourrais-je expliquer à mes parents mon ressenti ? Comment pourrais-je évoquer les Mekki sans faire de vagues ? Je déclencherais un tsunami à la maison. Notre famille exploserait certainement et qui suis-je si ce n'est une étudiante de dix-huit ans ?

Le cinéma est accueillant et la majorité de la population n'est pas de la même couleur de peau que la mienne. J'ai été conditionnée pour rester dans les quartiers blancs et ne pas franchir la limite qui me séparait d'une quelconque de ses nuances. Blanc c'est blanc, voilà ce que l'on m'a inculqué. Je n'avais jamais vraiment pris conscience de tout ce racisme qui nous entoure. J'ai grandi comme l'un deux, j'ai grandi en me croyant supérieure, mieux que les autres alors que non, bien au contraire, diminuer des personnes en se basant sur une simple culture fait de moi une idiote. On ne définit pas quelqu'un par sa couleur de peau, son accent ou ses vêtements, on définit quelqu'un par sa personnalité et ce que cette personne a dans le cœur. Quand je pense à mon ancienne mentalité je pourrais me gifler. Je m'en veux d'avoir cru aux conneries que tout le monde me rabâchait. Quand je vois la famille de Zayd, je n'ai qu'une seule envie : Celle d'en faire partie.

Je ne laisse pas le temps à Zayd de sortir son portefeuille. Je tends quelques billets et je sens son regard peser sur moi. Zora ricane et lui donne un coup de hanche. Elle lui fait une grimace comme le ferait une enfant de cinq ans et cela m'égaye. J'aime l'avoir de mon côté. Neha trépigne à côté du stand à pop-corn et cette fois Zayd est plus rapide que moi et en commande deux grands. Un salé, un sucré. Je suis étonnée par son choix, personne n'aime le pop-corn sucré aux Etats-Unis – si ce n'est moi -. À peine sommes-nous servis que Neha à la bouche pleine. Je rigole et pioche dans celui que tient Zayd. Il sourcille.

Pas d'arabe à la maison.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant