*24 décembre 844*
Tout était fin prêt pour le grand jour. Julia pourra enfin commencer à présenter la surprise dans quelques heures, avec la complicité d'Annelies et Théa. Viktor leur avait envoyé une lettre, reçue l'avant-veille, où il annonçait qu'il arriverait en début d'après-midi avec Navin, et que tous deux resteraient en compagnie de Hannes (le père de Navin) et ses collègues de la Garnison jusqu'à l'heure de débauche de Madame Rosenberg, à cinq heures et demie de l'après-midi, pour ne pas éveiller les soupçons ; Viktor la pistera ensuite en toute discrétion jusqu'à la maison des Jäger, où ses sœurs attendraient. Comme ça, tous quatre pourraient lui montrer ce début de surprise : l'arrivée inattendue de Viktor en cette veille de Noël.
Mais, pour que ça soit parfait, il faudrait que les parents d'Eren soient mis au courant de cette partie du plan. Julia devait à tout prix les prévenir pour éviter toute confusion l'heure venue.
Elle en toucha deux mots à Théa et Annelies, qui étaient toutes deux d'accord, et quelques minutes plus tard les trois sœurs débarquèrent chez les Jäger, où elles racontèrent tout à Carla, la mère d'Eren. Ce dernier, qui écoutait non loin avec Mikasa, n'en croyait pas ses oreilles. Elles avaient tout prévu en peu de temps pour que ça soit prêt, et aucune n'avait rien dit... Carla Jäger en fut elle-même étonnée.
- Vous avez vraiment prévu toutes seules la surprise pour votre mère ? Ce sont vraiment de grandes responsabilités !
- Ça faisait des mois qu'on réfléchissait à ce qui pourrait la surprendre, assura Julia. On voulait quelque chose de grandiose. Et Viktor a finalement proposé de se déplacer à Shiganshina aujourd'hui, le 24 décembre, sans prévenir maman ; il tenait à être présent. Il s'en voulait de ne pas être venu les autres fois.
Le seul garçon de la fratrie Rosenberg avait en effet raté des anniversaires et des Noël, quand il faisait ses classes dans les brigades d'entraînement. Il travaillait d'arrache-pied pour réussir tous ses examens haut la main, et faire en sorte d'aider financièrement sa mère dès qu'il entrerait chez les Explorateurs, au point de passer à côté des choses importantes. C'est la raison pour laquelle Viktor souhaitait se rattraper cette fois ; il se reprochait de ne pas avoir répondu présent lors des périodes difficiles où la dépression de sa mère était au plus mal. Il avait donc fait promettre à ses sœurs de continuer à faire comme si de rien n'était, jusqu'à ce jour du 24 décembre, où il débarquera à Shiganshina, selon le début prévu de leur surprise.
Quoi qu'il en soit, le silence de Julia, Théa et Annelies, et le fait qu'elles s'étaient attelées à leurs habitudes, méritait les félicitations. La première partie de la surprise avait, dans l'ensemble, presque parfaitement fonctionné. Erna Rosenberg ne s'était rendu compte de rien.
Carla Jäger était impressionnée que les sœurs aient gardé le silence jusque-là.
- Bravo, je suis épatée par votre perspicacité, les filles, les félicita-t-elle. Il a dû falloir que vous vous fassiez violence, pour qu'Erna ne se doute pas de votre surprise.
- On essayait de se dire qu'on devait tenir le coup jusqu'à Noël, dit Julia. Car si l'une de nous avait parlé sans faire attention, la surprise aurait été gâchée.
Plus que d'être gâchée, il aurait fallu trouver une solution de secours pour chercher une autre idée de surprise. Mais il n'aurait resté plus beaucoup de temps pour préparer chaque détail.
Fort heureusement, les sœurs Rosenberg avaient chacune tenu leur langue jusqu'aux festivités.
Midi allait bientôt sonner. Son mari rentrant dans peu de temps d'une visite médicale à l'autre bout du District, Carla Jäger promit de lui toucher deux mots sur la venue secrète de Viktor, et que Julia et ses jeunes sœurs pourraient venir chez eux avant l'heure où Erna débaucherait. Elles étaient bien sûr les bienvenues à la maison des Jäger. Et puis, il n'y avait aucune raison pour que le Docteur Jäger refuse de les aider à bien cette partie de la surprise...
La mère d'Eren venait à peine de tourner les talons pour s'occuper de la préparation du repas, que le principal intéressé et Mikasa sautèrent sur Julia. L'un après l'autre ils lui posèrent toutes sortes de questions.
- Comment as-tu fait pour préparer toutes les étapes de la surprise ? Viktor n'était pas là, il ne pouvait donc pas t'aider dans l'organisation, physiquement parlant.
- Mikasa a raison. Il a dû falloir que tout soit fait au nez et à la barbe de ta mère. Comment t'es-tu débrouillée pour que Théa et Annelies ne balancent pas ?
- J'ai dû faire des compromis, avoua Julia. Je leur ai arraché la promesse de prendre des résolutions au Nouvel An, soit d'être sages et d'écouter ce qu'on leur dit, et de les respecter à la lettre. Je veillerai en échange à les aider. Annelies et Théa ont pris la promesse très à cœur, parce qu'elles se sont montrées sages comme des images depuis quelques jours.
- Julia, c'était un pari vachement risqué ! Ta mère aurait pu se douter de quelque chose, elle devine tout de suite la situation même en ne lui révélant rien, avec ses pouvoirs de Métamorphomage. Vous aurez pu vous faire griller !
- C'était pourtant un risque à prendre. Et, franchement, on ne regrette pas le choix d'avoir caché tout ce temps la venue de Viktor.
L'heure de rentrer pour déjeuner sonna. Julia salua ses amis, puis fila jusqu'à chez elle avec Théa et Annelies dans son sillage. Elles arrivèrent à temps pour accueillir leur mère qui venait de terminer sa matinée de travail, à l'hôpital ; les sœurs firent comme si rien ne s'était passé. Comme l'avait fait remarquer Eren, jouer à la comédie était un pari on ne peut plus risqué.
La journée avança lentement. L'angoisse grandissait un peu plus chaque heure et Julia se demanda si tout fonctionnera comme prévu. Les doutes l'assaillaient de part en part. Même Théa, pourtant la plus enjouée et la plus vive de la famille, n'échappa pas au stresse croissant. C'était vraiment flippant de ressentir cela avant le début des « opérations ». Julia faillit même faire griller sa couverture ; sa mère avait senti le trouble chez sa fille aînée.
- Tout va bien, ma chérie ? Tu sembles anxieuse.
- Non, ça va, tout roule, tenta de la rassurer Julia. J'avais cru avoir oublié de cacher les cadeaux à l'endroit où je les avais mis, et j'ai dû vérifier avant que tu n'arrives. Mais c'est bon, maintenant. J'ai réglé le problème.
L'excuse éveilla les soupçons d'Erna, mais elle n'insista pas. La hâte de découvrir les cadeaux l'heure venue occupait entièrement l'esprit de tous les enfants, et c'était certainement le cas pour ses trois filles (ce fut effectivement le cas). Chacune était excitée alors il n'était pas rare d'oublier deux ou trois bricoles pendant les festivités de fin d'année. Cela ne pouvait être que cela, comme explication...
La veuve avait en partie raison ; c'était vrai que Julia souhaitait plus que tout découvrir ce que chaque membre de sa famille s'apprêtait à lui offrir à Noël, comme tout enfant de 9 ans. Mais sa crainte que la surprise tombe à l'eau la terrorisait au plus haut point, et elle essayait donc de prendre plus de précautions. Des précautions à ne surtout pas zapper, parce que, quand on naissait Métamorphomage, on pouvait facilement percer à jour les pensées les plus secrètes des autres et deviner ce qui se tramait. Pour les personnes dont le comportement cachait un côté plus sombre qui poussait à la méfiance, il valait mieux pour elles ne pas se frotter aux Métamorphomages - ces derniers chercheraient amples informations pour prouver leurs doutes sur l'étrange attitude de leur interlocuteur.
Julia tâcha alors de rester tout à fait normale aux yeux de sa mère lors de la durée du déjeuner, où elle lui parla de différents sujets. Théa et Annelies avaient également compris la combine et jouaient le jeu. Elles arrivèrent tous les trois à faire baisser la garde de leur mère.
Ce ne fut qu'au départ de cette dernière pour l'hôpital, que ses filles purent souffler un bon coup. Elles avaient pu éviter la catastrophe !
- On l'a échappé belle, s'exclama Julia en soupirant. J'ai cru que maman ne croirait pas mon histoire, tout à l'heure.
- Oui, et tu aurais dû voir ta tête, quand maman a failli te griller : tu étais devenue si pâle que ça donnait l'impression que tu allais t'évanouir d'un instant à l'autre, lui rappela Théa, un souvenir qui faisait grimacer Julia.
- Une chance aussi qu'elle n'ait pas insisté. Les excuses bidons ne tombent pas des arbres, et on aurait eu l'air fins si nous n'avions pas donné de réponses satisfaisantes !
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« [Tome 1 SNK] On ne sait jamais ce qu'il peut nous tomber sur la tête ! » (FIN)
Fanfiction« Depuis 100 ans, les humains vivent cloîtrés derrière les Murs. Tous pensent qu'ils sont hors de danger, loin des Titans... et ce genre de pensées a le don d'énerver deux amis d'enfance, très proches depuis leur naissance. Au fond d'eux, ils se dou...