Edel (en pause)

Chapitre 3 : Un Fourvoyard

A Forest by JJcanvas - Deviantart

Brandon Fiechter - Wild Woods

Le bruit des pas s'amplifiait à chaque seconde, il fallait se sortir de ce pétrin et maintenant ! Plus que quelques fils et la corde allait enfin pouvoir lâcher...

C'est alors qu'un homme apparut. Grand, les épaules carrées bien qu'assez mince. Un visage pâle et sévère comprenant deux sourcils broussailleux et un nez aquilin des plus droits. Des bottes à la double épaisseur de cuir accompagnaient une démarche bourrue mais d'aplomb, évoquant une once de fierté. Une barbe de quatre jours, aussi ordonnée que ses sourcils, reliait de larges mâchoires ainsi qu'une tignasse salie par la journée, tachetée châtain avec des pointes de blond cendré par endroits. Ses cheveux mi-longs collaient à sa nuque par une certaine transpiration, d'autres mèches aussi longues tombaient devant son front, et sa tenue très simple de chasseur avait des tons ocre et beige dans des nuances de bois.

Un Fourvoyard. En chair et en os.

Le décor féérique ne se prêtait pas vraiment à une mort lente et douloureuse mais Edel renifla dans l'acceptation de son funeste sort... Quand il soupira tout à coup un râle sans qu'on ne lui adresse la parole :

— Mais c'est pas vrai ! bougonna-t-il soudainement en levant la tête en sa direction. Tu ne pouvais pas aller jouer ailleurs, non ? Tu sais combien de temps ça prend de monter ce genre de pièges ?

— Ben... Je...

— Non mais vraiment ! Et je vais manger quoi ce soir moi ?

— Vous allez me manger... ? demanda-t-elle d'une petite voix craintive.

— Hein ? Mais quelle drôle d'idée, il tapa dans ses mains lacées de lanières en cuir. Bon allez, c'est pas le tout mais faut te faire descendre de là maintenant !

Il tournait autour du filet suspendu pour chercher une corde pleine de vase nouée à un tronc. Edel le suivait du regard, les yeux emplis de curiosité. C'était donc ça un Fourvoyard ? Mais il n'avait rien d'un Fourvoyard celui-là ! On dirait un fermier qui a perdu sa chèvre en pleine forêt ! Peut-être qu'il avait menti et qu'il la mangerait une fois descendue...

Elle demeurait silencieuse alors que l'homme dénouait un à un les nœuds de la cordelette dans un coulissement rouillé tandis que le filet descendait petit à petit, centimètre par centimètre. La liberté lui tendait les bras ! Mais à peine fut-elle descendue d'un mètre que la corde qu'elle avait sciée de son canif jusqu'à maintenant céda brusquement sous son poids. Dans un cri de panique, la petite fille se retrouva pendu par le pied la tête en bas à récupérer un à un les objets qui dégringolaient de son sac sur le sol. Elle replia le bras à sa nuque au moment même où le globe trouvé plus tôt allait tomber, le maintenant dans le bagage aisément.
Deux yeux ambre étaient plongés dans les siens, nez à nez et, malgré son angle de vue retourné, elle devinait que ces sourcils étaient froncés au maximum.

— Est-ce que tu as vraiment fait un trou dans mon filet ? cria-t-il.

— Beh euh...

— Tu ne pouvais pas attendre qu'on vienne te chercher ? Non mais j'y crois pas !

Elle déglutit en serrant de son autre main contre elle son couteau et le sac de tissu contenant les précieuses graines de courge. Voilà qu'elle se fait gronder par le premier venu, on aura tout vu !