Chapitre 2 : La forêt

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Adrian Von Ziegler - Woodland Tales



Un oiseau piaillait dans un écho lointain. Où étions-nous... ?
Son corps engourdi retrouva peu à peu son énergie. L'oiseau siffla à nouveau, plus proche cette fois-ci. Il siffla même si fort qu'elle crut bien qu'il était à côté de son oreille. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se retrouva nez à nez avec un iris jaune moutarde pigmenté de mauve. L'oiseau était réellement à côté de son oreille et plusieurs de ses congénères picoraient les graines de courge qui s'était déversées de son sac.

— Eh ! Ne touchez pas à ça !

Le simple fait de se lever brutalement suffit à faire fuir ces plumages iridescents dans les arbres. En voilà des êtres étranges. Après quoi, elle découvrit enfin le décor : une forêt verdoyante. Elle huma l'atmosphère de son petit nez en trompette. L'air était humide. Jamais elle n'avait observé pareilles cimes. Les rameaux de ces géants couvraient presque la totale surface du ciel, ne laissant que quelques ouvertures entre les feuilles pour filtrer les rayons du soleil et les racines, toutes aussi gigantesques que les branches, s'enchevêtraient les unes aux autres entre des rochers couverts d'une mousse verdâtre, parfois même à plusieurs mètres de haut. Une odeur omniprésente lui fit froncer un sourcil de dégoût.

— Uh... ! Berk !

Jamais elle n'avait senti une senteur de terre mouillée aussi forte ! D'ordinaire, lorsqu'il pleut à Utop, les plantations dégagent une odeur d'herbe mouillée avec quelques notes de colza. Mais cette forêt était probablement la première de sa vie, la plus proche du village demandait des jours de marche. Rapidement, la jeune fille enfouit son nez dans le pli de son coude. Gare aux nuages toxiques du sol ! Maman l'a toujours répété : ces lieux sont pollués et c'est pour cette raison que nous n'y descendons pas. Une minute passa ainsi, se retenant presque de respirer sur les trente dernières secondes. Mais rien ne se produisit. Pas un toussotement, pas d'irritation cutanée, pas de picotement dans les yeux. L'air était bel et bien respirable.
Un léger affaissement de sa cheville dans le sol la fit soudainement regarder ses bottes. Le terrain est... mou ? Cette teinte châtaigne ne ressemblait à rien de connu, mais le cratère dans lequel était dressée l'enfant prouvait bien qu'elle avait atterri ici. Toutes ses petites affaires retrouvèrent logement dans son grand sac de cuir, puis Edel descendit de son promontoire, glissant sur les fesses pour atterrir sur un sol plus familier qu'est la terre ferme.

— Un champignon ! s'émerveilla-t-elle.

C'en était bien un. La jeune fille s'était écrasée sur une immense coulemelle au chapeau cabossé par la chute. Champignon qui faisait par ailleurs deux mètres de haut pour dix mètres de large !

Elle fit un tour sur elle-même, puis un autre dans le sens inverse. Comment allons-nous rentrer maintenant ? Cet endroit peut être dangereux, se retrouver nez à nez avec un Fourvoyard n'est pas conseillé. Ramenant sa large capuche tressée sur son front, elle entama une marche en direction du Nord, se repérant à Hélios comme toute aventurière qui se respecte. La forêt semblait profondément profonde, il n'y avait que des troncs à l'horizon...

Un craquement de branche se fit soudainement entendre et l'enfant exécuta un rapide volteface. Un jeune cerf l'observait de loin de ses yeux en amande. Lorsqu'Edel fronça les sourcils pour voir plus en détail la créature, elle fut stupéfaite. Les fins bois de son crâne était parsemés de bougeons clos. Impossible de découvrir le corps de l'animal plus longtemps, il s'enfuit à travers la forêt dans la direction opposée. Elle reprit alors son chemin, le cœur léger mais l'esprit alourdi de questions sans réponse.


Puisqu'il en était ainsi, qu'il en soit ainsi ! Voilà plusieurs kilomètres de trottés dans le remous du bagage sur ses épaules et Edel n'avait toujours pas envie de s'arrêter.
Au bout de deux heures de marche dans la même direction, elle soupira péniblement en se sermonnant d'avoir été de l'autre côté des barbelés... Mais inutile de ruminer plus longtemps, le mal est fait, il faut avancer à présent. Elle aurait d'ailleurs très bien pu se remotiver à la fin de cette pensée si elle n'avait pas trébuché sur une racine avant de s'étendre de tout son long. Cependant, la chose sur laquelle elle avait achoppé attira son attention... Minute, ce n'est pas une racine !

Un orbe vaguement blanc cassé semblait enlisé dans une flaque de vase. Ni une ni deux, elle enfonça ses deux petites mains dans cette tourbière afin d'en extirper l'objet. Sur une partie de la surface, des reflets de bronze, de cuivre et d'or ornaient une grosse bille d'un noir abyssal à l'intérieur de ce globe blanc. Une multitude de cristaux dorés entourait cet obscur centre. Drôle de chose, Edel n'en avait jamais vu.
Gardons-le sous la main, ces cristaux sont magnifiques. Le sac de la petite fille avala le mystérieux globe, et elle se remit en route.


Encore et toujours de la forêt à perte de vue. Et un danger omniprésent. Que se passera-t-il quand Hélios s'en ira dormir ? Maman disait que les animaux de Gaïa n'existaient plus mais Edel n'a pas rêvé, ils existent ! Et si elle s'était aussi trompée pour les Fourvoyards ? Va-t-elle en croiser ? Et ce chant qu'elle avait entendu avant de tomber, qu'est-ce que c'était ? Tant de questions sans réponse. Ces histoires sont-elles réellement des contes pour enfants ?

Le temps était compté, peut-être restait-il une heure ou deux seulement avant que la nuit n'engloutisse les bois et la priorité était de se trouver un endroit où dormir.

Il ne lui restait malheureusement qu'une chose à faire pour le moment : errer.

C'est d'ailleurs ce qu'elle avait à cœur de commencer ! Mais lorsqu'elle leva le pied pour reprendre son chemin, un craquement retentit si proche qu'elle en sursauta avant de se figer net.

— Qui va là ! Montrez-vous ! cria-t-elle à la sourde forêt.

Deuxième enjambée, le craquement retentit à nouveau, plus proche encore que le premier ! Cela venait de derrière... Edel fit alors volteface dans un troisième pas en brandissant un simple bout de bois pourri dans un hurlement de guerre :

— YAAAH !

Le craquement devint alors effondrement et elle n'eut que le temps d'apercevoir une corde tressée épaisse couverte de vase lui saisir le ventre et la projeter en arrière. Apeurée, ses mains rejoignirent rapidement ses yeux clos et elle se roula en boule au moment de se sentir soulevée à plusieurs mètres du sol dans un bruit de branches et de feuilles... Puis plus rien. Le silence revint.

Edel rouvrit de grands yeux curieux pour regarder entre ses doigts restés à son visage. Seuls les arbres la fixaient avec insistance, aucune présence ne se faisait sentir. Elle put enfin admirer les cordages tressés et usés par le temps qui la maintenaient suspendus à six mètres du sol dans ce cocon végétal. Le mécanisme semblait avoir été déclenché par un système de lianes et de poids simplement posés en équilibre dans une zone où il suffisait de marcher pour tout actionner en chaîne. Une chose demeurait certaine au milieu de toutes ces questions : ce piège a été posé par quelqu'un ! Il faut s'en dégager, et vite, avant que cette personne ne nous trouve !

En deux temps trois mouvements, Edel ôta péniblement le sac de cuir de ses épaules afin de chercher en son fouillis intérieur un objet capable de la sortir de cette situation. Puis, elle en dégagea un drôle d'ustensile long comme la main et épais comme le poignet aux mille et une fentes sur deux longueurs. Souriante de victoire comme si elle était déjà au sol, son pouce pressa un petit bouton situé sur une des faces de ce rectangles aux angles ronds et une pointe d'argent aiguisée en sortit soudainement. Enfin, elle s'attela promptement à scier patiemment la corde devant elle, malheureusement épaisse, dans un bruit de vieille ficelle coupée.

— Allez... Allez... !

Un craquement retentit subitement proche d'elle alors qu'elle accélérait le geste. Des pas plus nets se firent entendre dans les hautes herbes. Il y a du mouvement dans les buissons... Oh non ! Ils sont là !

Edel (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant