Chapitre 9 : La Belette Rieuse

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Medieval Town by RobinTran - Deviantart

Dereck & Brandon Fiechter - The Chancellor



La petite fille s'attela d'elle-même à la tâche et ne laissa plus de temps à l'homme pour réfléchir, il fallait agir ! Ses mains déjà bien sales de sable, de sueur et de terre saisirent tant bien que mal les énormes cailloux pour les tirer vers elle. Dans un soupir vaincu, l'adulte à ses côtés s'approcha à son tour pour faire de même alors que le yagal en question ne grognait plus, malgré leur présence.

Il ne fallut pas plus de dix minutes pour dégager un à un les rochers qui avaient engourdi les pattes de l'animal, lui-même n'ayant presque plus la force de geindre. Edel veillait à demeurer la plus éloignée de sa gueule, sur les conseils de son guide et compagnon de route. Alors qu'elle usait de ses dernières forces, le reste des gravas fut soulever à la seule force du prisonnier qui s'extirpa lui-même de son piège. Edel n'en crut pas ses yeux : une immense queue semblable à celle d'un paon émergea alors du nuage de poussière. Des plumes bleues, vertes, brunes, noires ! Aaron ne disait rien, il semblait plus en alerte quant aux intentions de l'animal libéré et affamé que par le spectacle qui s'offrait à eux.

La bête ne grognait plus, comme si sa méfiance avait été réduite en poussière avec les rochers qui jonchaient le sol. Deux yeux se levèrent alors en leur direction, des iris couleur ambre, farouches et à la fois si sereins. L'enfant ne dit rien non plus, mais tant de choses semblaient s'échanger dans ce regard. Elle ne sentit aucune animosité, aucune peur. Le yagal tourna alors les talons sans demander son reste et disparut dans un souffle feuillu.

— Bon, maintenant on y va, annonça finalement Aaron.

Edel hocha la tête en ramassant son sac à dos, et tous deux reprirent leur voyage en silence. Plus aucune émotion n'animait son visage et il remarqua bien ce silence peu commun. Seule la forêt demeurait bruyante à leur passage. Ce sauvetage avait soudainement éveillé tant d'excitation pour s'éteindre brusquement... quelle étrange sensation. Malgré les kilomètres avancés, la satisfaction de se rapprocher enfin de la ville ne se ressentait pas. Cet animal était affamé, allait-il en mourir ? Que va-t-il advenir de lui ? L'esprit de l'enfant n'était pas sur le sentier, il était bel et bien resté près du tas de gravats.

C'est alors qu'Edel sentit se poser sur son crâne une large main rustre qui ébouriffa quelque peu ses boucles blondes.

— Je suis sûr qu'il s'en sortira, dit-il sereinement de sa voix rocailleuse.

Pour toute réponse, Edel sourit alors en levant ses yeux bleus vers lui, heureuse du travail accompli. Autant se réjouir d'une bonne action menée. Seule la forêt écoutait ses angoisses, ponctuées d'un sifflements sauvages dans le lointain. Il était déjà devenu coutume pour elle d'entendre tous ces sons bizarres. Le trajet dura encore bien une heure jusqu'à ce qu'elle se mette à crier en accélérant le pas :

— Là ! Regarde !

— Quoi ? Ne cours pas, c'est dangereux !

— La ville ! La ville ! On y arrive enfin !

Au loin, par-delà l'horizon, se dressaient d'immenses structures d'acier foncé par le temps, de bois usé par le soleil et de terre érodée par les pluies. Jamais elle n'avait vu de cité auparavant. Jamais elle n'avait connu une telle civilisation concentrée en autant de constructions complexes. De leur position du haut de la colline, la ville ressemblait à une fourmilière géante, et une sensation d'étouffement s'immisça dans les poumons d'Edel : soit ce lieu se situe dans une clairière naturellement immense, soit il y avait des arbres, là, avant la cité.

Edel (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant