6h15 du matin, les yeux encore à moitié clos,
je sortis de mon lit et descendis les escaliers lentement, épuisé par une nuit d'à peine cinq heures. Après avoir pris mon petit déjeuner, j'enfilai mes habits soigneusement choisis la veille puis passai dans la salle de bain afin d'arranger mon visage livide et fatigué. Le miroir me renvoyait un reflet péjoratif tant mes cheveux châtains étaient en bataille, tant mes cernes bleuâtres effaçaient la couleur azur de mes yeux et tant mes lèvres étaient gercées, ayant pris l'habitude de les mordiller traduisant mon anxiété quotidienne. Je jetai un œil à ma montre et vis que j'étais en retard, le stress se mettant alors à chatouiller mon ventre avec une intensité plus prononcée. Je me dépêchai donc de finaliser ma préparation physique et de me diriger vers la porte, mon sac sur le dos, ayant à peine pris le temps de dire au revoir à mes parents.
J'arrivai miraculeusement à temps à l'arrêt de bus où le véhicule était déjà arrêté. Je m'installai à bord et mis mes écouteurs dans mes oreilles afin de couvrir le bruit lourd du moteur et de profiter de la musique, réduisant subjectivement la durée du trajet en bus.
Dès mon arrivée dans les couloirs du lycée, la sonnerie retentit, appelant tous les élèves à s'amasser devant leur salle de cours et à ainsi découvrir leur nouvelle classe en ce jour de rentrée scolaire. Je suivis le mouvement de foule et me retrouvai donc devant une des nombreuses portes d'un des nombreux bâtiments de l'établissement, à attendre l'arrivée de l'un des nombreux professeurs qui aura le devoir de m'enseigner l'une des nombreuses matières du programme de première. J'étais déjà las à l'idée d'apprendre de nouvelles leçons pour les utiliser dans de nombreux devoirs afin de pouvoir réussir un lot d'évaluations destinées à produire des notes dans le but de me préparer à mon futur professionnel tout ça pour que je sois toujours aussi perdu quant à mon destin. L'arrivée du professeur me fit sortir de mes réflexions et j'entrai dans la salle comme la trentaine d'autres élèves qui composaient ma classe. Je pouvais y reconnaître Linda, que je cotoyais occasionnellement mais que j'appréciais en raison de son empathie naturelle et de son implication dans des causes justes telles que le féminisme ou l'écologie ou encore de sa volonté d'aider les autres à travers des actions humanitaires. Elle paraissait toujours pleine de vitalité et d'envie, ses cheveux blond foncé brillaient toujours, la couleur rosée de son teint se mariait parfaitement avec son sourire et ses yeux marrons pétillaient du même éclat chaque matin depuis le jour où je l'ai connue il y a une dizaine d'années. J'éprouvais une forme d'admiration envers elle. Elle était tout ce que je ne était pas, tout ce que je ne serai jamais. J'éprouve cependant une certaine satisfaction du fait qu'elle me considère comme un ami même si elle considère probablement la plupart des gens comme des amis en raison de sa positivité et de son optimisme constant qui fait d'elle quelqu'un de plutôt populaire.
"Robin !" dit le professeur, le ton de sa voix indiquant que ce n'était pas la première fois qu'il prononçait mon prénom.
Je levai alors rapidement la main afin de ne pas me faire remarquer dès le premier jour et d'être catégorisé comme rêveur ou étourdi. Le professeur continuant l'appel, je tentai de retenir les prénoms des personnes que je ne connaissais pas. À l'occasion du premier jour de cours de cette année scolaire, le même laïus que celui de l'année dernière et que celui de l'année d'avant nous était prononcé, toujours avec ce même espoir et cette même ambition qui s'estomperont finalement au fil des mois.
Après ce discours, nous devions travailler en petits groupes de quatre afin de, soit disant, commencer l'année avec une bonne cohésion au sein de la classe. Cette idée ne me réjouissait pas trop, étant plutôt froid et introverti. Malgré tout, je me résignais à afficher un sourire forcé mais convaincant à ceux qui composaient mon groupe : Antoine, mesurant une tête de plus que moi, aux cheveux châtain clair et aux pointes blond vénitien et dont certaines mèches descendaient au bas de son nez, me dévisageait de son regard émeraude comme s'il lisait dans mes pensées, me faisant ressentir un profond sentiment de malaise et d'agacement; Julie, fine et aussi grande qu'Antoine, aux cheveux noirs légèrement ondulés, les yeux noisette, fixant le sol afin d'échapper aux regards intrusifs des autres élèves; et enfin Linda, dont la présence dans le groupe me permettait de diminuer le stress qui me rongeait l'estomac causé par l'idée de converser avec des inconnus.
Chaque minute de cette conversation forcée était longue tant le silence était présent, quelques fois interrompu par l'initiative courageuse de Linda de proposer une idée ou une réflexion, malheureusement vaines. Toutefois, l'attitude d'Antoine était intrigante, il n'était ni gêné ni fuyant comme l'était Julie, mais plutôt il nous observait avec insistance et intérêt, en conservant un sourire en coin discret et effrayant à la fois. Il creva alors le lourd silence qui régnait autour de la table :
"- Quelle coïncidence ! Nous quatre, réunis autour de cette table dans le plus grand des hasards. Mais ça n'en est pas un, c'est le destin, je l'ai vu. Mais j'ai aussi vu que vous seriez un obstacle si je vous laisse découvrir par vous-mêmes ce qui fait de nous quatre des êtres supérieurs. "
Puis le silence encore. Le silence le plus lourd que la terre ait porté, mais un silence nécessaire afin d'assimiler les paroles incohérentes d'Antoine. Rien dans ses mots ne m'était compréhensible. Était-ce une menace ? Mais si oui, pourquoi ? Nous venions tous de le rencontrer, mais lui semblait nous connaître. Malgré toute la bonne volonté de Linda, celle-ci n'arrivait pas à rétorquer, trop perturbée par les paroles abstraites qu'elle venait d'entendre. Maya planta ses yeux dans les miens, pour la première fois de la journée, comme pour savoir si j'avais compris les élucubrations d'Antoine, en vain.
La sonnerie brisa l'atmosphère pesante de la situation, nous sauvant tous du malaise palpable qui flottait dans l'air. Nous sortîmes tous de la salle, encore affairés à déchiffrer le mystère que nous venions d'entendre. Linda vint vers moi, affichant un visage perplexe :
"-Je n'ai absolument rien compris, dit-elle doucement, comme si les autres autour ne devaient pas prendre connaissance des mots d'Antoine. Ce gars est vraiment bizarre tu ne trouves pas ? Et t'as vu comment il nous regardait ? Je suis pas du genre à juger quelqu'un dès la première rencontre mais il paraît malsain.
-Je me disais la même chose, rétorquai-je, étonné de la méfiance de Linda, elle qui a pour habitude d'accueillir les nouvelles connaissances à bras ouverts. Tu crois qu'il est juste dans son monde ou alors qu'il veut vraiment nous faire passer un message ?
-J'en sais rien mais j'ai pas très envie qu'il recommence," dit-elle en haussant les épaules, indiquant qu'elle renonçait finalement à s'attarder sur le sujet pour le moment.L'heure du déjeuner arriva, Jane et moi invitâmes Julie à partager le repas avec nous, à la fois pour l'intégrer mais aussi pour discuter de ce que nous venions de vivre. Cette dernière ne participait pas beaucoup dans la discussion, haussant seulement les épaules ou secouant la tête sans pour autant dévoiler le son de sa voix. Linda et moi proposions de nombreuses hypothèses sans fondements, cherchant plus à tourner le sujet au ridicule plutôt qu'à trouver une réelle explication.
Le dernier cours de la journée était terminé. Je sortis du lycée, accompagné par Linda et rejoint par Julie, dont l'initiative de nous rejoindre nous était agréable, provoquant un sentiment de satisfaction quant à notre objectif d'intégration.
D'un coup, Julie se déroba sous nos yeux, emportée par une force que nous n'avions pas aperçue. Antoine la tenait par le bras, l'attirant avec une facilité déconcertante. Il courait vers l'arrière du lycée. Linda et moi suivîmes alors notre nouvelle amie qui criait et qui faisait entendre sa voix pour la première fois. Nous arrivâmes alors dans un cul-de-sac où Antoine nous attendait, derrière Julie, un couteau près de sa gorge, prêt à l'égorger. L'effroi s'emparait de moi, le froid parcourant mon dos. Julie tremblait de peur, les yeux mouillés, tandis que Linda approchait doucement d'Antoine, dans un esprit diplomatique :
"-Antoine ! Pourquoi tu fais ça ? Qu'est ce que tu lui veux exactement ?
-Ça va aller très vite, trop vite pour vous, répondit-il, haletant d'impatience. Mais c'est nécessaire. Pour moi, pour elle, pour le monde entier. Elle peut soigner tous les maux, elle peut propager le bonheur éternel, la vie éternelle, vous devez juste mourir pour le bien commun. "
Encore une fois je n'étais pas sûr de comprendre toutes les paroles d'Antoine. Son front était brillant de transpiration, son souffle fort, comme si c'était le but de sa vie, de se trouver là, à ce moment et à cet endroit.
Le visage de Julie changea d'expression en un instant, passant d'une peur effroyable, à une colère explosive. Elle prit le poignet d'Antoine, celui qui portait le couteau, et une légère flamme enflamma la peau de son agresseur. Affaibli par cette chaleur intense, ce dernier se recula, laissant s'échapper un cri de souffrance et portant sa deuxième main sur la blessure pour la couvrir. Julie s'extirpa de l'emprise d'Antoine et nous rejoint. Celui-ci se redressa, le regard empli de rage, et cria :
"-Vous ne faites que prolonger la souffrance et retarder votre trépas. Vous ne savez pas ce que votre mort peut offrir au monde.
-N'approche pas !" S'écria Linda, apeurée quant à l'approche soudaine d'Antoine, propulsant sa main devant elle comme pour le repousser.
Le corps de ce dernier vint se claquer contre le mur de pierres derrière lui, comme projeté par une force inconnue. Il lança alors son couteau vers moi directement entre mes deux yeux.
Je plaçai alors mes mains en face de mon visage, souhaitant arrêter l'arme avant qu'elle ne transperce ma peau. Une poudre d'une lueur bleutée s'échappa alors de mes paumes repoussant la lame et se claquant contre le buste d'Antoine. Il était alors figé, collé sur le mur, impossible pour lui de se mouvoir. Il grogna sourdement, en baissant la tête puis sourit, empli d'une lumière vive dans les yeux. Julie, Linda et moi nous échangèrent un regard l'espace d'un instant, un instant apparemment trop long puisqu'Antoine avait fini par s'échapper, miraculeusement volatilisé.
Une silhouette s'avança dans l'ombre, provoquant une fois de plus une puissante angoisse coupant mon souffle. La silhouette s'approcha encore dans la lumière, dévoilant le long manteau noir, la cape et la capuche qui l'habillait. Un homme s'éclaircit la voix et prononça :
"-Veuillez me suivre, n'ayez crainte, vous êtes exceptionnels et je me dois de vous apprendre et de vous protéger."
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L'odyssée du temps
FantasyEn collaboration avec @Jujules2005 Trois lycéens qui menaient une vie tout à fait banale pour leurs âges vont découvrir qu'ils sont en réalité dotés de pouvoir extraordinaire, hors du communs. Grâce à leur coopération ils vont devoir retrouver des c...