Le Manoir

Chapitre 1

Arc III

Les iris argentées de Jimin s'ouvrirent, s'écarquillant avec stupeur avant de se radoucir pour contempler le ciel d'un bleu parfait. Il cligna des paupières, tâchant de reprendre ses esprits alors qu'une douleur lancinante lui traversait le crâne.

Il se releva en position demi-assise, comme il avait l'habitude de le faire au Sanctuaire, cependant cette fois-ci le sol n'était pas fait de la pelouse sombre habituelle mais bel et bien de graviers.

Il était dans un souvenir.

Des pleurs l'interrompirent dans ses réflexions et il tourna la tête pour apercevoir une enfant, de six ou sept ans, à genoux sur la terre, la boue et les graviers. Son visage était ravagé de larmes tandis qu'une femme la fouettait violemment autour d'une foule de curieux.

Le vampire se leva alors, déboussolé.

La journée était fraîche, mais ensoleillée. Un vent venant de la mer chargée de sel s'insinuait à travers le décor, les bâtiments, les habits, les coiffures, les résidences...

Et Jimin se trouvait comme plongé dans une autre époque, une centaine d'années en arrière. Son regard confus ne put cacher un certain émerveillement face à cet extrait de vie d'une autre époque qu'il était le seul à découvrir. Il finit par se concentrer sur cet enfant, si jeune, aux cheveux broussailleux et sales. Lorsque son assaillant cessa sa punition, l'enfant ouvrit les yeux, ravagés de larmes et deux iris d'un marron quasi-roux illuminèrent son visage.

Il s'agissait d'Andrea.

Il s'agissait de son premier souvenir.

Cette information fit violence dans son esprit. Il avait réussi.

Il était parvenu à récupérer ces souvenirs à elle malgré le risque qu'il avait pris. Néanmoins il ne s'attendait pas à être remonté si loin.

Jimin la contempla alors, avec une certaine culpabilité, presque avec regret. Comme si assister à une telle réminiscence était une chose dont il n'avait pas le droit.

Droit qu'il avait pris, contre son avis, presque violemment.

Il avait avalé tellement de sang en l'espace de quelques secondes qu'il avait cru s'étouffer. Il y avait eu tant de souvenirs qui s'étaient agglutinés dans son esprit, qu'il était persuadé que sa tête allait imploser. Il avait fait face à un million d'images qui avait défilé et pourtant, mué par la rage, le désespoir et un millier d'autres émotions, il avait tout saisi, tout subi.

Il voulait tout voir, même les plus sombres de ses secrets.

Mais maintenant qu'il se retrouvait là, au tout début d'une vie, presque au départ d'une existence face à cette enfant humaine, il se sentit pris d'une affreuse culpabilité qui étreignit son corps.

Mais il secoua la tête, ébouriffant ses cheveux bruns au passage. Il devait se ressaisir, il avait voulu voir, alors il ne pouvait plus reculer. Il verrait et répondrait de ses actes quand tout le mystère autour de Yoongi sera éludé.

Du moins il l'espérait.

Car plonger dans la vie de la cheffe de Famille était un pari, un jeu risqué avec à la clef, la promesse d'une meilleure compréhension vis-à-vis de ce qui arrivait à son amant.

Néanmoins, le constat était cinglant et presque hallucinant. Andrea était née au dix-neuvième siècle à l'époque où la Corée était un royaume entier, gouverné par un empereur.