KETTING┃m.de ligt (✓)

05. soirée.

Le De Vier Philaren est un restaurant familial situé en plein centre d’Amsterdam. C’est un endroit très charmant, où la convivialité et la bonne humeur règnent en maîtres, et qui proposent de délicieux plats typiquement hollandais. Annekee a postulé dans cet établissement au début de l’été dernier, espérant réunir de l’argent pour pouvoir retourner à Utrecht et louer un appartement avec Jantje. Mais plus qu’un gagne-pain, cet endroit est devenu un véritable refuge pour elle semaines après semaines.

Lorsque le chauffeur de taxi la dépose devant le restaurant, Annekee se sent tout de suite un peu mieux. Les disputes avec Sigrid sont toujours difficiles à gérer, même après deux mois de vie commune. Au début, lorsqu’elle n’hésitait pas à s’opposer à ses décisions ou qu’elle n’effectuait pas les tâches que sa génitrice lui ordonnait de faire, elle se prenait des coups. Au fil du temps, elle a appris à se taire. Mais parfois, elle craque et tout son ressentiment ressurgit, comme tout à l’heure.

— Annekee ! Ernestina Houwaart—la patronne du De Vier Philaren—la prend dans ses bras pour la saluer dès qu’elle pénètre dans le restaurant.

Annekee profite de la chaleur et de l’odeur rassurante qu’elle dégage, ferme les yeux en se pressant plus fort contre Ernestina. Elle est la mère qu’elle aurait rêvé d’avoir. Pleine de douceur et d’amour, toujours à l’écoute pour les autres et constamment prête à voler à leur secours. Personne ne mérite d’avoir une femme aussi forte, indépendante et courageuse dans sa vie, alors Annekee remercie tous les jours les astres pour l’avoir mise sur son chemin. Ernestina l’aime, même si elle casse parfois des assiettes et se trompe dans les commandes.

— Ca ne va pas, ma belle ?

En voyant de nouvelles larmes se former aux coins de ses yeux, Ernestina attrape aussitôt le bras d’Annekee et l’entraîne dans la cuisine bondée. Les serveurs entrent et sortent de la pièce dans un mouvement continu, attrapant les commandes et les plats nouvellement préparés, et rendant des assiettes vides que le plongeur se dépêche de laver. Les cuisiniers gardent leurs yeux et leurs oreilles éloignés des deux femmes, comme pour leur donner de l’intimité, alors qu’elles se dirigent vers les vestiaires déserts.

— Que s’est-il passé ? Ernestina lui demande doucement tandis qu’elles s’assoient sur les bancs en bois. Qu’est-ce que cette sorcière a fait ? Si j’apprends qu’elle a encore levé sa main sur toi, je te jure que tu ne me retiendras pas cette fois.

Annekee lui raconte sa journée, même ses pensées au sujet de son père. Se confier lui fait le plus grand bien, et quand Ernestina l’entoure encore de ses bras pour un long câlin, elle comprend qu’elle a bien fait.

— Je te l’ai déjà dit, mais tu peux emménager avec Johannes et moi.

Johannes est son fils de dix-neuf ans. Annekee et lui ont tissé des liens amicaux dès son arrivée à Amsterdam. Ernestina a également une fille de vingt ans—Magda—qui vit en France pour ses études. Elle ne rentre qu’une fois par mois, alors sa chambre est toujours vide.

— J’aimerai pouvoir, Annekee répond avec un sourire triste. Mais ça créerait encore plus de problème. Je vais supporter, je suis sûre que ça ira mieux dans quelques temps.

— C’est comme tu veux, Anne, Ernestina déclare avant de poser une main maternelle sur son épaule. En tout cas, tu sais que ma porte t’est toujours ouverte, trésor.

Annekee la remercie avec un petit pincement au coeur parce que personne d’autre à part son père ne l’appelle comme ça. Elles s’apprêtent toutes les deux à se lever—l’une pour rejoindre la salle, l’autre pour enfiler son uniforme de travail car son service commence bientôt—lorsque la tête de Johannes apparaît derrière la porte.

— Maman ? Je te cherchais pour te demander où tu avais mis mes—

Il s’interrompt tout de suite lorsqu’il remarque la présence de Annekee, et les larmes sur ses joues.

— Annekee ? Johannes l’appelle, les sourcils froncés. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Elle hausse les épaules, et Johannes s’approche d’elle. Il embrasse sa joue avant d’enrouler un bras autour de ses épaules. Ernestina les regarde avec des yeux brillants et Annekee se retient de lever les yeux au ciel. Elle sait que Ernestina aimerait qu’ils se marient—ou en tout cas, qu’ils sortent ensemble—mais ce n’est pas le cas de Annekee. Johannes est un jeune homme très séduisant, mais elle ne veut plus perdre quelqu’un comme elle a perdu son père. Ce serait une douleur qu’elle n’arriverait pas à surmonter.

— J’ai eu une longue journée, Annekee se contente de répondre, car elle n’a pas la force de tout raconter encore une fois.

— Eh bien, est-ce que tu veux te détendre avec moi ? Johannes rit avec un clin d’oeil.

Annekee commence à s’éloigner de lui, assez déstabilisée. Il essaye constamment de flirter avec elle pour plaisanter, mais il ne tente jamais des approches aussi directes. La plupart du temps, Johannes fait uniquement ça pour la mettre mal à l’aise. La voix bégayer et la rendre toute rouge semble être un de ses passes-temps favoris.

— Je vais à l’Escape ce soir. Si tu veux venir avec moi, t’es la bienvenue.

Annekee comprend instantanément de quel endroit il parle. L’Escape est une boîte de nuit très huppée de Amsterdam, fréquentée presque tout le temps par des personnalités connues et des individus au porte-parole bien garni. Pourtant, Johannes et ses amis se débrouillent toujours pour rentrer. Personne ne se rend jamais à l’Escape et passe un mauvais moment. Peut-être que danser jusqu’à six heures du matin et boire de l’alcool jusqu’à ne plus se souvenir de son prénom sont les bons remèdes pour oublier une longue journée. Gustaaf rirait en la voyant hésiter ; elle ne sortait jamais en soirée, pas même avec Jantje.

— Alors, c’est d’accord ? Johannes lui demande, la ramenant à la réalité.

Et à la surprise générale, Annekee accepte.

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j’espère que vous aimez toujours cette histoire, l’action débute vraiment dans le prochain chapitre (je sais que c’est long). je vous fais de gros bisous et je vous dis à bientôt pour un nouveau chapitre !