— Non, mais Anne, si on suit ta logique, alors tu devrais pas être amie avec moi, ou fréquenter Johannes, tu ne devrais plus adresser la parole à Ernestina et tu ne devrais même pas vivre avec Leen. Je comprends ta peur de perdre les gens que t’aimes, je te le jure. Gustaaf… C’était si soudain, si irréel.
Jantje prend une grande inspiration, à l’autre bout du fil. Annekee renifle, le corps encore tremblant de sanglots, et des larmes ne tardent pas à jaillir de ses yeux en entendant le prénom de son père.
Lorsqu’elle est revenue de son rendez-vous chez Matthijs—ou plutôt, de sa fuite après qu’il l’ait embrassé—, Leen l’a trouvé dans un état déplorable et est restée auprès d’elle toute la nuit pour essayer de la calmer. Annekee a ensuite dû se rendre au travail, mais après son service au restaurant, elle n’a pas eu le courage d’aller en cours. Elle est alors rentrée chez elle, broyant du noir jusqu’à ce que Jantje l’appelle pour leur discussion quotidienne. Cela fait désormais plus de quatre heures que les deux amies sont collées au téléphone, et que Jantje tente de la raisonner.
— Mais avec Matthijs, je pense surtout que tu tires trop de plans sur la comète. Vous avez rien commencé de sérieux encore, et tu le repousses déjà. C’est pas en compliquant les choses entre vous que tu vas l’oublier, bien au contraire. T’es amoureuse de lui, Annekee. Alors ouais, je suis d’accord, peut-être que c’était pas le bon moment pour tomber pour un footballeur qui partira sûrement dans quatre mois, mais c’est arrivé maintenant. Et c’est trop tard, tu peux plus revenir en arrière.
Annekee se mord la lèvre inférieure, s’insultant mentalement parce qu’elle ne peut plus se retenir de pleurer. Jantje a raison sur toute la ligne, elle n’est qu’une idiote. Quand Matthijs lui a dit qu’il l’aimait et l’a embrassé hier soir, c’était certainement un des plus beaux moments de sa vie. Annekee a aimé leur baisé, c’est indéniable. Cependant, cela ne lui a pas évité de s’enfuir comme une voleuse en comprenant ce que cela impliquait. C’est la peur qui l’a conduit à dégoupiller, prenant ses affaires en catastrophe sous le regard effaré de Matthijs.
— Jantje, je… Je veux pas le perdre, comme j’ai perdu mon père, Annekee avoue, les lèvres tremblantes. Je suis tellement effrayée à l’idée de m’attacher à quelqu’un qui m’abandonnera, ça me ronge même la nuit. Depuis que Matthijs est arrivé dans ma vie, je suis dans le déni, je me force à pas y penser, mais ça me revient toujours comme un boomerang en pleine figure.
— Mais tu l’aimes ?
— Oui.
— Et il t’aime aussi ? Je le sais, puisqu’il te l’a dit.
— Oui.
Jantje reste silencieuse pendant quelques secondes, comme pour laisser à Annekee le temps de réfléchir à ce qu’elle vient d’avouer. Et c’est effectivement ce que la jeune femme fait. C’est vrai que comme ça, les choses paraissent tout de suite plus simples, comme si en fin de compte, il n’existait aucun problème. Peut-être que Matthijs est amoureux d’elle pour le moment, mais qui lui dit que ses sentiments vont rester intacts quand ils seront séparés par des milliers de kilomètres ? Ils passent de bons moments ensemble, leurs rendez-vous sont toujours agréables, mais est-ce que c’est suffisant pour construire quelque chose sur le long terme ?
— Les relations à distance craignent, je vais pas te mentir, Jantje finit par soupirer. Faut faire confiance à l’autre, parce que c’est essentiellement sur ça que repose la relation. Si vous vous impliquez correctement, si vous communiquez suffisamment, y a aucune raison pour que ça se passe mal. Et puis, j’ai lu quelques journaux sportifs. Si Matthijs s’en va, ce sera soit à Barcelone, soit à Paris. C’est à deux et à une heure d’avion d’Amsterdam, je suis certaine que tu peux trouver des vols à moins de vingt euros.
— Jantje, et s’il veut plus être avec moi après son transfert ? Annekee mumure, laissant ses doutes s’exprimer, et elle imagine sans peine Jantje secouer la tête en riant.
— Annekee, Annekee, Annekee. Je connais pas Matthijs, mais je suis sûre à quatre-vingt-dix-neuf pourcents que ça arrivera pas. Arrête de te poser des questions, et fonce !
Annekee se laisse tomber sur son lit, désespérée. Elle repense à la mine déçue de Matthijs quand elle a posé ses mains sur son torse pour le repousser, puis à son air effaré quand elle s’est relevée pour partir. La culpabilité lui tord le ventre quand elle repense au fait qu’il s’est excusé de l’avoir embrassé. Il l’a supplié presque de rester tandis qu’elle enfilait son manteau, et elle ne lui a accordé aucun regard avant de refermer la porte derrière elle. Annekee n’a même pas répondu à ses textos et à ses appels. Elle s’est vraiment comportée comme la dernière des imbéciles.
Si Matthijs ne veut plus jamais la revoir, ce serait bien mérité.
— J’ai tout gâché, Jantje, c’est trop tard, Annekee gémit, désemparée.
— Non, Anne. Ce mec est fou de toi, c’est à ton tour de le reconquérir maintenant. Et quand je dis maintenant, c’est maintenant, là, tout de suite, Jantje insiste, et Annekee écarquille les yeux. L’Ajax a un entraînement ouvert au public ce matin, alors tu l’attends devant le parking réservé aux joueurs, et tu lui parles.
Peut-être bien que tout n’est pas perdu, finalement. Matthijs pourrait lui pardonner. Annekee esquisse un sourire pour la première fois en vingt-quatre heures.
— Merci, Jantje.
— Les meilleures amies sont faites pour ça, tu sais. Allez, dépêche-toi !
Elles raccrochent peu de temps après, et Annekee se sent investie d’une force nouvelle. Elle ne doit plus se dégonfler à présent. Ce n’est plus le moment de fuir, mais de faire face aux difficultés et au bonheur qui lui tend les bras. Matthijs est amoureux d’elle ; il partira bientôt pour une destination inconnue, mais tout ce qui compte pour le moment, c’est qu’il veut être avec elle. Annekee veut aussi être avec lui.
Elle prend alors son sac à main, enfile son manteau en vitesse et sort de son appartement, pressée de rejoindre l’homme qui fait battre son coeur depuis des mois.
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KETTING┃m.de ligt (✓)
Fanfictionou quand annekee bloembergen perd le collier que son père récemment décédé lui a offert dans une boîte de nuit d'amsterdam, et que le charmant garçon qui a dansé avec elle le retrouve. DE LIGT