(31) L'effet Streisand

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Une heure plus tôt, avant qu'Arisa ait été voter...

Abram

— Écoute amigo, je sais que la vie est à croquer à pleines dents mais là, tu vas finir par porter un dentier à seulement vingt-deux ans avec tous ces risques...

Silence.

— Le danger a des limites, mec...Comme l'alcool, CQFD. Tu bois, tu bois, et au final, c'est toi qui finit par te faire boire.

Double silence.

— Eh ! L'amitié aussi, c'est dangereux ! Regarde, j'suis là, avec toi, à essayer d'attendre ton feu vert pour qu'on entre dans ce bâtiment louche afin d'espionner une réunion ! Putain !

Triple...Non, regard noir.

— T'as pas bientôt fini de faire ton gosse ? Même les jumeaux se tiennent mieux que toi !, chuchotai-je plus violemment que je l'avais désiré.

— Bah tiens !

Réduit à quia, il se contenta simplement de froncer les sourcils et de rentrer ses épaules.

Rendu brusquement fiévreux par l'agacement que je nourrissais à son égard, je passais le dos de ma main sur mon front, tout en faisant attention à bien me retenir au poteau fait de bois. Perchés sur les poutres surplombant la pièce principale du Parlement, j'essayais, en compagnie de Jaime, de ne pas faillir à ma mission du jour : espionner une réunion organisée par des membres du gouvernement, qui allaient faire un point sur les élections.

En huit clos, tapis dans un bâtiment où les oreilles du peuple avaient moins d'un pour cent de chance de traîner...l'occasion parfaite pour en savoir plus, et surtout, surtout, pouvoir les prendre à leur propre jeu en filmant leurs échanges afin de montrer leurs véritables faces et desseins à leurs victimes.

Mes doigts dans ma poche frôlèrent la caméra appartenant à pseudo-Pearl. Cette fille...tout ça venait d'elle. Ce plan, cette idée étaient sortis de sa bouche pour venir m'assommer de stupeur et me gonfler d'épinéphrine. Sur le coup, j'avais hésité, ayant remarqué le caractère trop dangereux de cette mission. Mais...à me dire et me répéter que rien ne se résolvait sans la prise de risques, j'avais fini par accepter, parce qu'elle avait vraiment eut raison.

Sa motivation devenait une sorte de mantra à mes yeux ; lorsque je me sentais affaibli et dépassé par les évènements, je n'avais qu'à repenser à sa voix déterminée pour que mes neurones s'accolent de nouveau, et qu'à son regard sémillant pour retrouver mes pas. Au final, j'avais bien du bol d'avoir une sorcière comme ça dans ma vie.

Un duo, mille chaos, hein ?

— Abram, fit brusquement Jaime tout en abaissant un peu son foulard rouge.

Ce dernier, qui venait subitement de délaisser son masque de mec puérilement folichon pour celui d'un homme happé par l'adrénaline, me fit signe de jeter une oeillade en bas. Mon coeur rata dare-dare un battement et je sortais de mes songes pour de bon en observant ces hommes et femmes prendre place à une table juste au dessous de nos corps.

Mon âme pote et moi échangeâmes un regard boursouflé de craintes avec quelques touches d'espoir. Les dés étaient lancés ; la partie pouvait commencer. Nous avions eu bien du mal à pénétrer ici ; alors tout ce qu'on pourrait entendre serait précieux.

— Bonjour à tous et à toutes, débuta d'emblée une voix aussi braillarde que puissante. Ravi de voir que vous vous tenez toujours aussi bien.

L'assemblée se salua, mais j'eus du bien mal à entendre certaines paroles. Sûrement à cause de mon organe qui battait à l'instar d'un rockeur dans mes esgourdes alors que j'essayais tant bien que mal de trouver un bon angle pour la caméra.

Elle était ma MuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant