21. Espoir et politique

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29 juin – 1500 mots

Ils ne parvinrent pas à s'accorder sur ce point.

À Sol Finis, monde désespéré, qui possédait encore l'espoir ?

Caelus, Le Monde Solitaire



Livenn ne parvenait pas à trouver le sommeil. Dans les couloirs, elle croisa Nadira.

« Viens. »

Elle crut qu'elle l'emmènerait à la bibliothèque, ouvrirait quelque rouleau consacré aux Sermanéens, lui apprendrait la riche histoire de Sol Finis. Une histoire si vaste qu'il n'y avait plus assez d'esprits solains pour la connaître dans son ensemble.

Elles montèrent dans les combles. L'obscurité imposait la prudence ; au travers des vibrations d'Arcs, Livenn sentait la disposition des poutres du toit et du plancher. Elle avait d'ailleurs fermé les yeux, qui ne faisaient que lui envoyer des visions floues, approximatives et inquiétantes.

Elle comprit qu'elles étaient au-dessus du bureau de Maître Wei. Nadira l'invita à s'asseoir et à écouter la conversation.

« Je ne comprends pas, Golgar, disait Maître Gao. Vous avez tout ce que vous voulez. Le magistère ne coûte rien à Méra. Nous sommes autonomes. Nous fournissons des maîtres d'Arcs pour Téralis et pour la garde de la capitale. Vous y gagnez dans tous les cas. Si vous rapatriez les élèves à Méra, cela va ajouter des frais supplémentaires pour la Cour.

— En effet, vous ne comprenez pas, intervint doucement Wei. La première étape est de déplacer le magistère, la deuxième de le faire disparaître.

— Je n'ai pas dit cela, se défendit Golgar, qui semblait perdre patience.

— Non, et peut-être ne l'avez-vous pas pensé. Mais une fois le déménagement acté, cela vous apparaîtra comme la meilleure solution. Il y a forcément à Méra des décideurs qui le voient ainsi, les princes Eil et Tommus, ou d'autres de leurs conseillers, de leurs secrétaires. Nous n'avons pas tous les mêmes objectifs, Intendant El Golgar, et la politique consiste à changer les choses par touches infimes, jusqu'à ce que nos adversaires se persuadent eux-mêmes des nécessités que nous leur imposons. Aujourd'hui, vous ne pouvez pas dissoudre Khar. Mais le déplacer est une excellente idée. Sauf qu'à Méra, nous manquerons de place. Vous nous imposerez des contraintes nouvelles. Vous réduirez le nombre d'élèves à une poignée, pour ne garder que les « meilleurs ». La proximité de la Cour permettra de sélectionner les maîtres d'Arcs très tôt ; son influence fera de nos élèves ses produits personnels. Chaque noble investira dans « son » maître d'Arcs et paiera pour sa formation. Je serai moi-même mis à la retraite. Puis les ressources manqueront tant que le Duumvirat signera la fin du magistère. Tout le système de formation sera dissous dans la Cour.

— Eh bien, admettons » grogna El Golgar.

Mis en faute, il se tenait prêt à attaquer, comme un fauve acculé. Solain de finesse et de lucidité, maître Wei devait avoir accumulé, avec le temps, toute une phalange d'ennemis semblables, qui ne rêvaient que de le voir déchu de son poste.

« Si tel était le cas, grinça l'Intendant de Méra, serait-ce vraiment une grande perte ? Ce n'est pas contre vous, maîtres. Je sais que vous faites un travail formidable, difficile, astreignant, et à votre place, je n'y arriverais pas, j'aurais déjà pris mon billet pour la Capitale. Mais entre nous, à quoi sert Khar ? Certes, vous prenez des solains de tous horizons et vous les formez à la magie d'Arcs, pour qu'ils s'intègrent ensuite dans les forces armées du royaume. Mais à quoi sert la magie d'Arcs ? Nous le voyons bien, tous les jours, à Méra : en devenant maître d'Arcs, on ne devient pas plus compétent pour maintenir l'ordre, mais on entre dans une sorte de caste.

Sol FinisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant