2700 mots (désolé, le chapitre est plus long, ça n'avait aucun sens de le couper en morceaux)
Ceto vous tentera avec ce que vous avez de plus cher.
C'était ce qu'avait dit Nadira-Livenn-Shani, ce qu'ils avaient conclu.
Othon avait soif. Mais c'était là le seul défaut de son rêve. Il marchait sous une lumière éclatante, d'une douceur rassurante comme les bras d'une mère. Il se sentait heureux. Les cauchemars précédents disparaissaient, relégués en arrière-plan de sa mémoire ; ne restait que la certitude d'avoir quitté une situation sans issue, d'avoir enfin retrouvé la paix et la sécurité.
Il marchait sur un chemin de rocaille, entre deux champs en jachère où l'herbe à foin poussait dru, et savoir cette terre nourricière, productive, bienveillante, l'emplit de joie.
Il marcha jusqu'à ce qu'apparaisse, derrière la colline, le sommet d'une petite maison de ferme en bois. Il traversa un champ de fleurs sauvages qui sentaient bon, où butinaient des guénidons gros comme la paume de la main, dans un bourdonnement de stentor. Ces sons et ces odeurs l'apaisaient. Il retrouvait les bienfaits de la contemplation paisible de la nature, attachée au plus profond de l'esprit des solains, car issue de leur héritage génétique humain.
Devant l'entrée de la maison, à l'abri d'un petit éventail de toile, quelqu'un était assis, ou à demi allongé dans une chaise à six pieds. Othon ne vit d'elle qu'une chevelue abondante, des vêtements amples d'été dont l'étoffe retombait sur les accoudoirs, et devina qu'elle n'avait pas de cornes.
Il hésita à avancer encore, car c'est souvent à ce moment-là que le rêve rompt ses promesses et s'effondre en pâle répétition partielle de nos souvenirs, comme si nous n'en méritions pas l'intégralité.
« Othon ? »
C'était bien la voix de Livenn. C'était bien son visage, nimbé de cette clarté irréelle. Elle semblait plus mûre de quelques années.
Les yeux fermés, elle se gorgeait de lumière. Un jeune loup-argent reposait à ses pieds, endormi jusqu'à présent, qui releva à peine la tête lorsqu'Othon s'approcha.
« Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle.
— Eh bien, j'étais là-bas, dit-il gauchement, désignant le chemin qui menait à la maison, et maintenant... je suis... je suis là. Et toi ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Est-ce que nous sommes toujours à Sol Finis ?
— Beaucoup de questions » dit-elle en se levant.
Le loup-argent bondit, fit le tour de la chaise et entreprit de trouver une occupation, comme jouer avec la moindre brindille rencontrant son chemin, ou courser les guénidons, qui s'enfuyaient à son approche avec la grâce de phacochères volants.
Livenn était vêtue de blanc. Cela accentuait la lumière. Othon se prit à espérer que rien ne viendrait troubler ce moment de retrouvailles, que personne ne sortirait de la maison en demandant qui leur rendait visite, ni mari jaloux, ni enfant turbulent. C'était s'avouer qu'il désirait Livenn. Qu'il l'aimait peut-être. Livenn, et non pas la réincarnation de Nadira, ou la magerêve, ou quoi que ce soit qu'elle fût devenue... Livenn, ce qu'elle aurait toujours dû être exclusivement, ce qui lui allait le mieux.
« Je suis heureux de te revoir, avoua-t-il.
— Moi aussi. »
Elle l'invita dans ses bras. Ils s'enlacèrent longuement, leurs mains se joignirent et formèrent un symbole de lien. C'était répondre par l'affirmative à la question qu'il n'avait jamais su formuler.
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Sol Finis
Fantasia-- Premier livre dans la trilogie des solains -- Méprisé par ses dieux, abandonné par le destin, un monde perdu s'éteint dans l'indifférence. Ceux qui veulent échapper à l'anéantissement tournent leur regard vers le ciel : là-bas, au loin, se trouve...