27. Duel amical

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Qui est-elle ? demanda la primagister qui, de loin, assistait au duel.

Voici celle dont je vous parlais, dit Maître Wei. La dernière magerêve.

Caelus, Le Monde Solitaire



Une grande agitation se formait autour de Livenn et Othon, remous et turbulences qui progressaient, qui enflaient en même temps que la rumeur. Un duel ? Maintenant ? Le tableau des avancements n'était-il pas complet ? La compétition permanente n'avait-elle pas pris fin hier ? Qui discutait encore des premières places ?

Pourquoi lui en voulait-elle ? À nous, les conscients, nos sentiments sont comme des portes et fenêtres fermées, derrière lesquelles nous imaginons des habitants bien vivants, même quand la ville est abandonnée depuis des lustres. Nous prétendons qu'il y a certainement des raisons. Nous ne saurions jamais les nommer. Le découvrir ne fait qu'attiser notre trouble, car l'idée qu'on est, par défaut, maître de ses émotions, est certainement l'une des plus vaines croyances.

Pourquoi Othon avait-il accepté ? Une autre forme d'inconscience, peut-être.

Quant à Livenn, elle affrontait l'univers entier. La terre désolée de Sol Finis ; la cruelle absence des dieux ; la disparition de Nadira. Un instant, il lui semblait pouvoir se battre contre ce monde ; il lui semblait pouvoir tendre la main et saisir ces étoiles, fussent-elles à des milliards de milliards de kilomètres de là.

Un maître d'Arcs surgit de la foule comme un poisson-chasseur saute hors de son étang, mais Livenn et Othon avaient déjà gagné le cercle de duel. Ils ne pouvaient plus en sortir jusqu'à ce que l'un d'entre eux se déclare vaincu. En pratique, le premier à terre aurait perdu.

« Es-tu certain de ce que tu fais ? » demanda Othon en faisant, des deux mains, le symbole d'entrée en duel.

Elle lui présenta ses paumes, pouces écartés, puis mit les bras le long du corps, laissant le premier assaut à son initiative.

« Que veux-tu ? » s'étonna-t-il.

On lui lança son bâton d'entraînement. C'était une tige de bois creuse d'un mètre et demi. Le mettant devant lui, il fit un geste du menton qui signifiait : n'as-tu pas oublié quelque chose ? – suivi de quelques mouvements pour s'échauffer les poignets.

Livenn traça un cercle dans le sable et s'y assit.

« Qu'est-ce que tu fais ? s'écria Othon.

— Viens me chercher.

— C'est toi qui as demandé le duel.

— C'est ma façon de combattre.

— Je sais que tu es forte en illusions d'Arcs. Je t'ai vue contre Ikar. »

Comme pour lui donner raison, Livenn joua sa première carte.

Un coup de vent souleva du sable à ses côtés. Ils restèrent en suspension, donnant corps aux écailles d'un dragon. La créature gagna en consistance ; le sable lui donnait sa couleur ocre. De toutes parts, parmi le public qui se multipliait encore, on admira la finesse des détails.

Le monstre lança sa gueule ouverte vers Othon, qui se poursuivait en corps de serpent de plusieurs mètres. Ses moustaches frémissaient de colère, et des étincelles crépitaient au fond de son gosier. Le jeune solain, guère impressionné par la supercherie, courut à sa rencontre. Au dernier instant, il plongea son bâton, de biais, dans le dragon, transperçant sa forme évanescente. Une pluie de sable tomba tout autour de lui.

Sol FinisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant