Il est possible de guérir.
Cela n'implique pas forcément de revenir à ce qui était autrefois. Au contraire. Le chemin de la guérison comporte un changement.
Kaldor, Principes
« Faites quelque chose » avait dit Seryn. À lui de trouver le moyen de raccommoder les blessures internes, de désinfecter les plaies, tout en sachant que la primagister considérait le bien-être de son corps comme secondaire et la douleur comme une information rarement pertinente.
Tibor racontait à tous que, chargé de soigner cette solaine récalcitrante, il s'arrachait tant les cheveux que son crâne s'était rapidement dégarni.
« Distorsion instable, diagnostiqua-t-il tandis qu'il parcourait mentalement les tissus internes en reconnectant les fibres des muscles lésés.
— Ouais, grogna Seryn, qui détestait devoir s'allonger sur cette table, qui ressemblait au plan de travail d'un boucher. J'ai dû me planter quelque part. Ils ont tous passé le pont correctement, sauf moi.
— Il faudra peut-être que je fasse un bilan mental.
— Contente-toi de recoller les morceaux, mon esprit se porte bien. »
Tibor avait étudié des années pour acquérir sa connaissance de l'anatomie solaine ; malgré cela, son travail manquait toujours de précision. Rien ne se guérit mieux que le corps lui-même. Lorsqu'il ne sait pas le faire, on en est réduit à tisser des Arcs, fibre par fibre, parfois cellule par cellule, en espérant que l'inévitable nécrose n'a pas encore eu lieu.
« Le courrier nous a envoyé la traditionnelle lettre de la Cour. En as-tu pris connaissance ?
— Ils nous disent quoi ?
— Elle est signée du prince Eil. J'en conclus que c'est lui qui a fini par prendre la tête. Je m'attendais à y retrouver les habituels remerciements à la primagister, pour son travail et son dévouement, mais cette fois aucun mot pour toi. Ils ont dû se lasser de t'être redevable de la sécurité du royaume.
— Ils vivent trop loin des Confins. Ils n'ont jamais vu les démons. Pour eux, ce ne sont que des histoires inventées.
— En revanche, le prince me propose de me relever de mes fonctions ici et de m'inviter à la Cour.
— Ah !
— Ne bouge pas, s'il te plaît, c'est déjà assez compliqué comme ça.
— Prêt à soigner des nobliaux qui se cassent le poignet en tombant de cheval à la chasse ? Tu lui répondras ?
— Je ne sais pas écrire » dit Tibor sur un ton docte, pour la laisser douter du sérieux de sa réponse.
Il parcourut le réseau de coutures internes, des recollements d'Arcs très approximatifs censés guider les réparations de l'organisme, comme des points de suture qui se résorberaient avec le temps. Ce n'était pas parfait, mais il ne pouvait pas mieux faire. Tibor soupira.
« Nous arrivons au moment où je te recommande de limiter au maximum tes déplacements et de prendre une canne si nécessaire. Ai-je une chance d'être entendu ? »
Seryn fit apparaître son bâton de commandement dans sa main droite. La Cour n'appréciait guère que cet objet d'apparat ait été converti à de multiples usages, notamment comme arme. Elle y avait creusé deux fentes pour insérer des lames, à la manière d'un bâton de combat classique, sauf que celui-ci était plus léger et solide.
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Sol Finis
Fantasia-- Premier livre dans la trilogie des solains -- Méprisé par ses dieux, abandonné par le destin, un monde perdu s'éteint dans l'indifférence. Ceux qui veulent échapper à l'anéantissement tournent leur regard vers le ciel : là-bas, au loin, se trouve...