Chapitre 12 : La Ville aux Esclaves

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Hossana avait fondé son pouvoir sur les esclaves. Maintenant, la ville tentait de se mettre en odeur de sainteté en devenant la capitale de la culture de Ghania. Sans pour autant se laver les mains de son marché d'êtres humains, il ne fallait pas non plus saigner à blanc les fonds publics.

Face à toute cette hypocrisie, les yeux de Sakhar flamboyaient de rage.

Dès qu'ils avaient atteint les portes de la ville, des rivières de fleurs leur étaient tombées dessus. Des gens en joies les avaient acclamés, attirant par là une attention qu'ils ne désiraient pas. Les petits chefs des lieux les avaient couverts de cadeaux, de soieries, avant de leur offrir quelques nuits dans leur logement.

Quand ils remontèrent les rues aux murs blancs, parés de volets bleus vifs, ils virent ce qui se cachait derrière la foule en liesse. Derrière ces personnes riches. Les visages pâles aux fenêtres. Les hommes et femmes portant de lourds sacs. Des corps squelettiques affairés à nettoyer les rues. À faire les courses, la cuisine, à nourrir les bêtes.

Tous ces esclaves dans l'ombre des grands.

Les poings serrés, Sakhar suivit leurs hôtes dans leur demeure, un gout métallique dans la bouche. Son sang. Il serrait trop les mâchoires. Tentant de se détendre, il avisa le riche mobilier, fait de peaux de bêtes tachetées, d'or, de bois rare et précieux. Quatre cheminées se trouvaient dans l'immense hall d'entrée. Treize servants les attendaient, le dos courbé, la tête baissée.

Une main douce se posa sur son épaule.

-Ai l'air moins féroce, bougre d'âne, murmura Silna.

Elle ne pouvait le faire contre son oreille, étant bien trop petite, mais contre son biceps. Quand bien même, il comprit. Derrière les servants se trouvaient des gardes, la main posée sur leur épée. Hum... Un accueil des plus chaleureux.

-Rithik, je vous remercie pour votre accueil si chaleureux, déclara Silna d'une voix douce, faisant hausser un sourcil à Ravish et Sakhar. Suite à notre voyage, nous sommes fourbus et un brin de repos avant de partir en mer nous fera le plus grand bien.

Comment faisait-elle pour être aimable avec cette pourriture ? Car non seulement Rithik était un marchand d'esclaves, mais de surcroit, il avait décrété qu'aucun navire ne partirait avant le lendemain matin. Car monsieur voulait héberger une nuit le prodige de la Cité-État d'Aqua.

D'une certaine façon, cela les contraignait à reprendre leurs forces. Mais personne, hormis Wokabi peut-être, n'allait parvenir à se détendre ici. Qui pourrait faire confiance à un marchand d'esclaves ?

Rithik, en nage à cause des fortes températures du milieu de journée, avait un crâne chauve luisant, une lourde moustache noire et des yeux verts perçants. Ni trop gras ni trop musclé, il n'aurait retenu l'attention de personne si ses vêtements n'avaient pas été aussi opulents.

-J'ai prévu tout de même quelques réjouissances, fit-il avec un large sourire. Nous devons fêter la venue de la Prêtresse de l'Eau chez nous !

Même s'il parlait avec emphase, son expression se figea un tantinet en tombant sur l'expression de Sakhar. Se réjouir de la présence de Silna, et craindre la venue du Chien de Guerre à Hossana.

En montant les marches rehaussées d'or, en direction de leurs chambres, Sakhar repensa un instant à Tirhn, son village d'origine au cœur du désert. À un regard d'un noir profond, mais d'une douceur incomparable posé sur lui.

Chien de GuerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant