Chien de Guerre

Chapitre 17 : Retour à Ydra

Le choc des cultures n'aurait pas pu être plus net, pour Sakhar. Lui qui avait été réduit en esclavage depuis dix ans pour ce qu'il était, il découvrit soudain ce qu'être une Élémentaire voulait dire pour Silna.

Ouvrant une brèche dans la barrière magique pour les laisser passer, la Prêtresse se retrouva face à une horde de citoyens. Des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des soldats, des civils... Pauvres comme nantis s'entassaient sur le quai, encombraient les rues qu'ils remontèrent sous les vivats. Toute la foule posait un genou à terre devant elle, avec des sourires soulagés. Certains pleuraient de joie en l'apercevant, d'autres jetaient des pétales de fleurs sous ses pieds. La liesse était de mise, et Sakhar en resta bouche bée.

Il ressentait l'amour de ce peuple, la passion avec laquelle il accueillait leur Prêtresse. Des bénédictions étaient lancées à son passage, et lorsqu'ils s'arrêtèrent au pied d'une route pentue menant visiblement à un palais, Sakhar découvrit une place bondée. Là, une estrade avait été montée à la va-vite au pied d'une statue de la déesse Aqua.

Représentée debout sur la pointe des pieds, les bras tendus devant elle, elle tenait un vase débordant d'eau. Elle était superbe, nue et plantureuse, avec de longs cheveux retombants dans le dos, les yeux tournés vers le ciel, comme un message aux dieux.

La ville basse s'étendait autour d'eux, surmontée par des remparts gigantesques. Les petits toits d'ardoises bleus contrastaient avec les murs coquille d'œuf. Partout, des fleurs garnissaient les balcons, donnant une allure relativement pittoresque à la Cité-État. Étrangement, il n'aurait jamais imaginé les lieux si... charmants. Surtout en état de siège.

-Peuple d'Ydra, tonna la Prêtresse, une fois que ses compagnons de route se furent positionnés derrière elle. Je reviens d'un long et... fatiguant voyage. Néanmoins, si je ne vous ai pas ramené une armée, j'ai avec moi un ami qui m'a suivi, et qui se battra comme un lion contre les légions de Wolff !

Certains eurent des murmures interloqués, d'autres émirent des hoquets de surprise en voyant Sakhar s'avancer d'un pas, à la demande de leur Prêtresse. Un peu gêné de se retrouver au centre de l'attention, il se demanda quelle posture adopter, s'il devait parler si...

-Sakhar est mon ami, et il est l'Élémentaire de la Terre.

La vague de vivats aurait pu le faire saigner des tympans. Les yeux écarquillés, il comprit lentement que ces cris de liesse... Ils étaient pour lui. Tous les regardaient avec d'immenses sourires. Des pétales de fleurs étaient jetés à ses pieds, son nom était scandé avec joie. Que... comment...

Face à son désarroi, Silna sourit de toutes ses dents.

-Nous avons fort à faire, mes amis. Vous recevrez vos instructions en temps et en heure. En attendant, que la Déesse vous protège de sa douceur.

-Que la Déesse vous protège de sa douceur ! répondit la foule, dans un ensemble désarmant.

*

Avec un Sakhar encore sous le choc derrière elle, Silna entra dans le Temple avec une autorité qui laissait Wokabi jalouse.

-Alivéne ! Où en sont les Priants !? rugit-elle.

Aussitôt, un homme mince s'avança vers elle. Sans cesser de marcher, elle saisit les rapports dans sa main.

-Ils ont tous récupéré, Prêtresse.

-Parfait. La Reine ?

-Je suis là, Silna.

Elle leva le nez vers la grande blonde musculeuse qui jaillit d'une porte attenante. Cette dernière donnait directement sur les cuisines communes au palais et au Temple, ce qui expliquait son arrivée par ce biais. Beaucoup plus rapide que les détours en grande pompe.