Chapitre 21 : Consumée

2.5K 499 16
                                    


Lorsque la Déesse s'évanouit dans la mer, un silence de plomb s'abattit sur la Cité-État. Et si les citoyens fêtèrent la victoire, les soldats, eux, restèrent interdits face au carnage perpétré.

Maintenant, ils allaient devoir enterrer tous les morts d'Ydra, du côté de la porte sud. À l'ouest, nul des leurs n'avait péri, en dépit de la rage d'Aqua.

Mais avant toutes ces considérations, Sakhar avait autre chose à faire.

Courant comme un dératé dans les rues de la Cité, trempé jusqu'aux os, il courut, courut encore, jusqu'à débouler dans la Temple. Là, il n'eut pas à monter sur les toits. Ravish et Alivéne étaient déjà redescendus.

Ce dernier tenait la Prêtresse dans ses bras.

Décharnée.

En voyant sa main pendre, inerte, ce fut le premier mot qui lui vint.

Décharnée.

La jeune femme rondelette n'était plus. La chair et la graisse avaient été consumées à l'extrême, ne laissant qu'un corps avec la peau sur les os. Son poignet faisait la taille de celui d'un enfant, son bras maigre laissait voir le dessin des muscles et des tendons.

Alivéne la portait dans ses bras comme si elle avait été une poupée de chiffon. Horrifié, Sakhar se rapprocha. Les yeux fermés sur un visage trop maigre, Silna paraissait soudain beaucoup plus âgée. Si sa chevelure rousse était intacte dans sa couleur, elle était devenue rêche et cassante comme de la paille.

Pourtant, en dépit de son état, elle perçut sa présence. À son approche, elle ouvrit lentement les paupières. Sa tête tourna mollement dans sa direction, un sourire étira ses lèvres exsangues.

-S... Sakhar, articula-t-elle avec difficulté. On.... a... réussis... Grâce à toi...

Non. Non, pas grace à lui.

Prenant délicatement sa main squelettique dans la sienne, se moquant qu'Alivéne soit toujours en train de la porter, il baisa ses phalanges osseuses.

-Non. C'est grâce à toi, Silna.

Mais à quel prix ?

Son sourire ne faiblit pas, même si ses paupières se baissaient sans qu'elle en ait conscience.

-... aurais pas pu... Sans toi...

Quand elle s'immobilisa, paupières closes, son cœur se serra horriblement.

-Elle doit se reposer, murmura Alivéne. Elle a épuisé toute son énergie vitale dans l'invocation de la Déesse.

La Mère Supérieure arriva, suivit de ses Priants. Avec un mot de remerciement et d'excuse pour l'Élémentaire de la Terre, elle guida la Prêtresse et son porteur dans une autre pièce. Il ne fut pas convié, et rapidement, Alivéne fut expulsé à son tour de ce lieu. Ils ne pouvaient rien faire. Ils ne leur restaient plus qu'à attendre.

Il y eut la fête célébrant la fin du siège. On déclama le nom des morts de la porte sud, nul n'étant tombés à la porte ouest. Néanmoins, la suite fut très festive. Tous les citoyens étaient invités au Palais, rapidement envahi par tous. On racontait la bataille d'une façon déjà plus romancée. On parlait du courage de la Reine Lubilla au sud, de la férocité de l'Élémentaire venu du désert à l'ouest, et surtout... Tous parlaient de la Déesse qui avait répondu à la prière de leur Prêtresse.

Chien de GuerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant