Chapitre 22 : Phantoms

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Tout le monde dormait déjà dans la caserne. Sauf Hunt. Ça faisait un an et demi qu'il ne dormait pas correctement. Son dernier incident l'a beaucoup trop marqué. Non pas parce qu'il a failli se faire déchiqueter par un Makawee mais parce que, pour la première fois, il a ouvert son esprit à quelqu'un. C'était bien avant la suppression de souvenirs obligatoire. Les Phantoms devenaient tellement fragiles qu'ils n'étaient plus capables de se battre. Hunt Reed, le colonel en personne, s'était enfui suite aux souffrances incessantes. Cinq jours plus tard il a été retrouvé dans le désert, pas loin de l'entrée de la ville. Ses blessures n'étaient pas mortelles, d'ailleurs, il aurait très bien pu se battre, il n'avait simplement pas envie. Tout ce qu'il voulait c'est cesser de vivre dans ce cauchemar.

Contrairement aux autres Phantoms, il a subi une suppression de souvenirs sélective. Seule la souffrance physique lui a été retirée. Il n'avait plus conscience de ce que son corps a traversé. Il se rappelait toujours ce qu'il a montré à cette fille qu'il a attaquée dans la forêt. Il avait faim et ne contrôlait pas ses gestes. C'était devenu un animal, il avait honte de ça. Plus tard, il l'a revue à la sortie de l'hôpital, elle l'avait reconnu. Mais lui ne voulait pas regarder la vérité dans les yeux, alors il l'a laissé partir. Il voulait être comme les autres soldats, plongé dans un rêve infini, dépourvu de conscience, tel un robot. Il n'y avait pas le droit, les militaires de haut rang devaient se souvenir de tout, ou presque, afin d'éviter les erreurs passées.

Personne ne lui en a voulu de s'être enfui, c'était une période sombre pour tout le corps militaire. Certains se suicidaient, d'autres quittaient leur enveloppe charnelle. C'est la raison pour laquelle la mémoire des soldats a été alternée. La seule règle était de ne jamais parler du passé. C'était facile étant donné que les seuls à s'en souvenir faisaient partie du gouvernement ou possédaient un statut militaire élevé. C'est eux qui ont inventé cette loi.

La plupart du peuple n'avait plus de souvenirs non plus. Les seuls qui n'ont pas été traité étaient des fugitifs ou des personnes âgées incapables de sortir de chez yeux. Les médecins de la race Lost Souls faisaient de leur mieux pour tous les trouver mais ce n'était pas si facile et ils n'avaient pas toujours l'autorisation de s'introduire dans l'habitat de ces personnes.

- North a échoué, - a dit une petite voix au bout de la pièce.

C'était un petit esprit engagé pour récolter un maximum d'informations et les transmettre aux officiers le plus rapidement possible.

- Dommage, je croyais en lui pourtant. J'imagine que j'aurais dû appeler Mark. Il en aurait fini plus vite. Je voulais donner une dernière chance à ce gamin ..., - a dit Hunt, plein de désespoir avant de reprendre, - très bien, dans ce cas prépare moi les informations vitales de Diaz et ses coordonnées. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.

- Il y a un souci avec le traqueur, il ne la détecte plus, Colonel. Et North non plus, nous l'avons perdu dès que ses paramètres vitaux ont commencé à chuter.

Comment est-ce possible ? Je ne vais quand-même pas déployer tout une garnison pour la trouver...

- Donne-moi sa dernière position relevée, je le chercherai à partir de là. Ce salopard a assez terni l'image de l'armée.

- Il se trouvait dans le Wératha, le quartier des Paragons.

Que la chasse commence.

Hunt avait l'habitude de ramener des soldats perdus à l'ordre mais celui-là le mettait vraiment hors de lui. Il a fallu 24 heures au Colonel pour trouver le magasin perdu de North, ainsi que son appartement. Mais il n'y était plus, tout ce qu'il a laissé c'est une énorme tache de sang sur les draps et un cendrier rempli de mégots. Tous les habitants dans un rayon de 2 km ont été interrogés. Personne n'a avoué quoique ce soit. Pourquoi ? Ils n'en avaient aucune idée de leur emplacement. Les puces ne répondaient pas aux signaux. Ils ne pouvaient pas avoir disparu si facilement. D'une façon ou d'une autre ils ont réussi à s'enfuir du périmètre mais ce n'était pas perdu. La ville a été encerclée, plus personne ne pouvait rentrer ou sortir.

Hunt gardait son sang-froid. Lui, un vrai Phantom, ne pouvait surtout pas perdre face à une gamine et un demi-soldat ? Il en avait assez de jouer dans la cour des petits. Il devait employer les gros moyens, il n'avait plus le choix.

Deux jours plus tard, tous les écrans publicitaires de la ville se sont arrêtés. À la place, un message de l'armée fut diffusé. La voix grave du Colonel retentît.

"Message à l'intention de mademoiselle Diaz Harrison. Tu n'as peut-être rien à faire de ton père ou du gouvernement mais je sais que les vies innocentes t'importent. Oui, tu sais très bien de qui je parle. On l'a eu. Si tu veux vraiment le sauver, rends-toi dans un délai de 48 h. Sinon, tout le monde, et ton ami inclus, saura que tu ne penses qu'à ta gueule."

Plusieurs photos ainsi que la description complète de Diaz ont été affichées.

"Mesdames et Messieurs, je vous présente Diaz Harrison, fille du Président Harrison, recherchée pour haute trahison et désobéissance à la loi. Elle fera tout son possible pour vous retourner le cerveau, ne l'écoutez pas. Cette vermine en avait marre de rester dans son manoir rempli d'or et de nourriture. Elle avait besoin d'aventure pour se distraire. Alors la voilà, dans les rues avec vous, prétendant de mener la vie dure. Mais vous, plus que quiconque, savez que rien ne vient sans le travail. Une petite fille à papa comme elle ne pourra jamais être des vôtres. Elle est intacte. Elle n'a jamais souffert. Elle n'a pas connu les effets de la colère des dieux. Retenez ce visage. Car quiconque l'attrapera une fois le délai écoulé, se verra attribuer non pas 1.000, ni même 10.000 unités. Ici on parle de 1.000.000. Vous l'avez bien entendu. Alors foncez et n'oubliez pas qui vous nourrit et qui vous soigne. Jamais elle ne se mettra en danger pour vous protéger."

Les rues se sont remplies de cris. Les Paragons étaient les plus enragés. Ils haïssaient les intacts. Ils étaient prêts à tout pour leur infliger toute sorte de souffrance. Avec la ville impliquée elle n'aura plus nulle part où se cacher.

Elle était faite.

Héritage : Tome 1 : Amnesia CorpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant