Chapitre 5 : Crystal

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J'étais par terre. Le sable rentrait dans mes plaies. J'étais cassée de partout. J'avais l'impression de mourir. Mes côtes étaient probablement cassées et l'homme que je trainais avec moi ne donnait plus signe de vie depuis une bonne demi-heure. Ce monstre a bien failli l'écarteler. Je ne savais pas encore comment j'allais continuer ma route. J'étais en train de perdre du temps, du temps précieux durant lequel j'aurais déjà pu avancer dans mon enquête. J'étais désespérée. Au loin, j'ai cru entendre des sirènes. Je n'en avais plus rien à faire de me faire attraper ou encadrer par le gouvernement. Morte, je ne serai bonne à rien. Doucement, j'ai ramené un genou sous mon ventre pour prendre appui et me mettre à quatre pattes. Puis j'ai mis mes bras de part et d'autre de ma poitrine pour m'aider à me relever complètement. Je pouvais m'écrouler à tout moment.

Pas à pas je m'avançais vers le son de la sirène. Il devenait de plus en plus fort. Je me suis retournée en espérant que l'homme se réveille mais il était toujours aussi immobile. J'ai repris mon chemin, c'était pénible. Il faisait une chaleur inhumaine dans ce désert. J'ai compris que je n'étais plus très loin de la ville quand les bâtiments on commencé à être de moins en moins submergés par le sable. J'ai vu, pour la première fois depuis longtemps, des enfants qui couraient, leurs parents qui jouaient avec eux. C'était tellement étrange de voir à nouveau un semblant de vie normale.

A côté d'eux était stationnée une voiture de police, ravagée par l'acide mais toujours opérationnelle. C'est d'ici que partait le son tranchant de la sirène. J'ai fait mon premier pas sur l'asphalte de la ville et d'un coup, tout le monde s'est arrêté. Ils se sont retournés vers moi, en même temps, les yeux rivés, non pas sur mon visage, mais sur mon corps. C'est comme s'ils voulaient savoir ce que j'étais, l'une des leurs ou un autre monstre sorti des entrailles de cette terre. Les policiers sont sortis de leur véhicule et se sont dirigés vers moi. Ils n'avaient pas d'armes ni de matraques. Mais j'ai compris à leur regard qu'ils pouvaient facilement me faire du mal.

Je n'avais presque plus de force, mes genoux se pliaient de plus en plus. Je déviais de ma trajectoire, je perdais l'équilibre. J'allais de nouveau m'écrouler quand une force inconnue m'a soulevée, un filament bleu semblait prolonger le bras de l'un des deux agents. J'étais trop épuisée pour me poser des questions. Je perdais connaissance mais j'ai reçu une brève claque sur la joue, juste assez forte pour me maintenir éveillée.

- Identifiez-vous, Madame, - a dit fermement l'un d'entre eux.

C'est rare que je donne mon vrai nom mais ici, je n'avais plus rien à perdre et, pour être honnête, je n'avais pas vraiment réfléchi.

- Crys, Crystal Plath, enchanté.

Mon dernier mot était on ne peut plus vaseux. D'un coup, je ne voyais plus rien. C'était le vide, comme si je m'étais éteinte. Il n'y a qu'une chose qui me tourmentait, cet homme que j'ai abandonné dans le désert. Il aurait pu me guider, il en savait surement plus sur ce monde. J'ai été égoïste, je devais donc payer le prix adéquat.

En ouvrant les yeux, j'ai été éblouie par la couleur blanche, trop blanche de la pièce. Il n'y avait personne mais je n'arrêtais pas d'entendre des voix. Mon lit était entouré d'un rideau transparent. Sur tous les appareils, sur la porte et même sur le sol je voyais le même logo rouge et bleu "A.C.". Je ne comprenais pas où j'étais, dans un hôpital, oui, mais où exactement ?

Une infirmière est finalement venue me voir pour me donner des médicaments.

- Vous allez bien ? Vous avez beaucoup dormi après votre opération.

J'avais du mal à suivre ce qu'elle disait. Tout ce que j'avais s'était à peine quelques éraflures et des côtes cassées, rien de grave, je pouvais survivre.

- Quelle opération ?! - me suis-je écriée.

- Nous avons pris la liberté, suivant le nouveau protocole, de remplacer les parties endommagées de votre corps. Il se peut que vous ayez des pertes de mémoire au début, vous avez subi beaucoup de dégâts au niveau crânien. Mais ne vous inquiétez pas, la puce que nous avons placée au niveau de votre tempe remettra tout en ordre ! Nous voulons donner une chance à tout le monde, même aux pires criminels !

Avec ses dernières paroles, j'ai eu droit à un clin d'œil.

"Non, non, non, tout mais pas ça... Je ne veux pas être une marionnette de plus dans leur jeu !"- me suis-je dit en mettant la tête entre les mains.

C'était humiliant de penser qu'après tout ce que j'avais enduré à cause de ces pourritures d'hommes politiques, je me retrouvais de nouveau dans leurs sales pattes.

Quand l'infirmière est partie, j'ai arraché tous les câbles qui me reliaient aux machines. J'étais en colère, pire que jamais. Je me suis levée en regardant droit devant moi. Un peu plus loin, un miroir se dressait du sol au plafond. J'avais peur de découvrir ma nouvelle apparence, mais il fallait que je sache à quel point ils m'ont transformée. Je m'en suis approchée, un pied après l'autre, marcher me faisait encore un peu mal. Les yeux baissées, je pouvais déjà apercevoir mes orteils motorisés. Tout d'un coup j'ai eu peur. Il n'y avait surement pas de retour en arrière alors ces transformations avaient intérêt à être utiles. Lentement, j'ai relevé la tête. Devant moi, se dressait une jeune femme pas tout à fait ordinaire. J'ai défait les quelques nœuds qui tenaient ma chemise d'hôpital pour la laisser tomber. J'ai alors découvert la carcasse métallique qui s'encastrait dans ma chair. La jonction des deux parties, humaine et artificielle, traçait une ligne du milieu de ma poitrine au bout de mon pubis. Mon bras droit ainsi que mes deux jambes étaient, eux aussi remplacés par ces bouts de corps étrangers. Je ne me reconnaissais plus. J'ai cligné des yeux. Une larme coulait le long de ma joue. Ce n'était plus moi. Je n'étais plus Crystal Plath. Je n'étais qu'un mélange grossier d'acier et de ce qu'on pouvait autrefois appeler "humain".

Héritage : Tome 1 : Amnesia CorpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant