Chapitre 6 : Crystal

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- Amnesia Corp n'était autre fois qu'une simple ligne de métro et ne se distinguait en rien des autres. Elle passait par deux des plus beaux quartiers de la ville dans lesquels on peut trouver le centre historique et économique. A l'époque, la royauté avait rendu ces endroits riches, tellement riches que tout le monde se précipitait pour y habiter. Désormais, tous les bâtiments intactes, tels que le Palais royal, le Parlement ou encore la Bibliothèque royale appartiennent à l'élite, aux leaders suprêmes des quatre races les plus reconnues : Amnesia Corp, Phantoms, Lost Souls et Paragons. Qui peut me dire ce que sont exactement les membres d'A.C. ?

Tous les enfants sans exception ont levé le bras. Ils ont dû être nourris de ces histoires. Je restais derrière la vitre et les observais. Je n'avais aucune idée de ce qu'ils racontaient. Des âmes, des corps, encore des âmes, je n'arrivais pas à distinguer qui faisait partie de quel type d'êtres vivants. De ce que j'ai compris, il y en avait quatre au total. Certains étaient bannis, d'autres étaient vénérés. Quant à moi, je me retrouvais au cœur de la bourgeoisie la plus pure mais aussi la plus cruelle.

Je me baladais dans les couloirs de l'hôpital, je n'avais pas encore vu ce qu'était devenue la ville. Il n'y avait aucune véritable fenêtre dans ce bâtiment, que des écrans plasma qui montraient toujours les mêmes images de campagne avec toute sorte de bétail ou le ciel. J'en ai donc déduit qu'on était sous terre. Je ne pouvais pas encore m'en aller de cet enfer blanc puisqu'il fallait que je fasse régulièrement des tests et que je m'adapte à la nouvelle structure de mon squelette.

Je commençais à devenir folle avec toutes ces personnes robotisées, qui subissaient probablement plusieurs lavages de cerveau par jour. Après quelques temps j'ai décidé de lire. D'en apprendre plus sur mon ennemi, ses forces armées, sa nouvelle structure.

J'ai appris que les matières bleues transparentes étaient en réalité des âmes liées aux personnes conscientes ou non de leur présence, que les races faisaient toutes partie d'une seule alliance, que les vrais militaires étaient marqués au fer rouge. Je passais chaque matinée à écouter le cours d'Histoire des enfants. Mais aucun livre ne parlait de ce qui était réellement arrivé dans cette ville, ce pays. 

Tous les jours je vérifiais la liste de nouveaux arrivées à l'hôpital en espérant retrouver les caractéristiques de l'inconnu que j'ai lâchement abandonné dans le désert. J'allais dans les chambres, j'essayais de me rappeler son visage. Il n'était nul part. Il fallait absolument que je retourne là bas, là où on s'est fait attaquer par ce satané Makawee.

Le jour de ma sortie d'hôpital approchait, je ne savais pas encore comment j'allais faire pour vivre ni me nourrir. Sans parler des frais de traitement. J'ai essayé de questionner le personnel mais je n'ai obtenu rien de plus que l'habituel "vous aurez toutes les informations nécessaires le jour venu". J'attendais, je ne pouvais plus faire que ça. La puce me donnait un horrible mal de tête mais je me rappelais de plus en plus du jour où je me suis donnée à la police. Dans mes cauchemars, je revoyais un accident, un hélicoptère, ... Mark. Je me souvenais de la douleur, de mon corps qui brûlait, de l'essence sur ma peau. Mark. Il était là. J'en étais presque certaine. Ça me rendait dingue d'avoir perdu la seule chose que je pouvais cacher, que je pouvais contrôler : mes pensées. Il avait une marque sur le torse, quelque chose avec un double vé, trois traits.

Il me hantait, je comptais les jours, les heures puis les minutes avant ma sortie. Finalement, le moment est arrivé où on m'a demandé de me rendre dans le bureau de la réceptionniste. Elle avait devant elle un tas de papiers inutiles à mes yeux. Elle m'a expliqué qu'étant donné que je n'avais aucun moyen de payer les factures, l'État allait s'en charger. Cependant, j'ai dû signer un contrat disant qu'un jour le gouvernement pourrait avoir besoin de mes services.

Je me suis précipitée vers la sortie. J'ai couru, mes jambes allaient désormais beaucoup plus vite qu'avant. A côté de la porte, il y avait deux militaires, ils portaient un masque. L'un d'entre eux l'a enlevé pour scanner le visage de la personne avant moi. C'était maintenant mon tour. Ils m'ont fait signe de m'approcher. Je n'arrêtais pas de regarder le sol pour je ne sais quelle raison, le militaire a donc relevé mon menton pour que je le fixe. Ce n'est qu'à ce moment là que je me suis rendu compte que c'était l'inconnu du désert. J'ai eu un pincement de cœur. Ça ne pouvait pas être lui, je l'avais vu par terre, en agonie. Il ne me reconnaissait plus, ou il ne voulait pas me reconnaitre. Il m'a fixé à son tour, une lumière blanche a balayé mon visage. Aucune émotion, aucun mot, aucun geste. Il ne faisait rien qui pouvait avoir l'air d'une communication quelconque.

Je l'avais trahi, il m'en voulait surement. Ou peut-être, lui ont-ils lavé le cerveau comme à tous les gens qui m'entouraient ?

Je n'avais pas le choix, je ne pouvais pas rester ici, on m'a demandé d'avancer. En sortant, deux autres militaires m'ont fait signe de céder le passage. Ils transportaient une cage avec une petite fille enfermée à l'intérieur. Ce nouveau monde me semblait de plus en plus étrange.

Dehors, les rues étaient bondées comme avant. On reconnaissait facilement l'avenue principale. Je voyais maintenant où je me trouvais. En plein centre ville. J'étais en pleine forme et prête à trouver des réponses à mes questions d'autant plus nombreuses depuis cette visite chez le docteur. Je m'avançais vers le bistrot le plus proche quand un garçon maladroit m'a percutée à la hanche gauche. Il n'arrêtait pas de se frotter les yeux.

- Pardon, m'dame, - a-t-il dit.

Il m'a semblé tout aussi perdu que moi.

- Ce n'est rien... Comment tu t'appelles petit ?

Il a levé sa tête vers moi. Les veines de ses yeux avaient explosé, ce qui était surement dû aux pleurs incessants du garçon. Ses pupilles, par contre, étaient d'un gris pur, cristalisé. 

- Ash, mes parents m'appelaient Ash, - a-t-il répondu en reniflant.

Ash... et il est tombé sur moi comme une petite cendre après un énorme incendie. Pauvre enfant. Je le plains.

Héritage : Tome 1 : Amnesia CorpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant