Chapitre 2 : Crystal

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Ils étaient tous là. Allongés les uns à côté des autres, prisonniers comme gardiens. Ensemble ils formaient ce qui semblait être un dépôt de chair et d'os. Leur peau a été complétement dissoute par un liquide. Le sang coagulé leur servait de tapis, toute la cour en était couverte. Une odeur atroce me donnait la nausée. J'avais des bouffées de chaleur, je ne savais pas où me mettre. Je voyais trouble, je me sentais partir.

Je me suis réveillée en milieu d'après-midi, j'étais tombée sur l'une des prisonnières. Mon visage s'enfonçait dans ses boyaux rongés par des insectes en tout genre. Je me suis relevée d'un bond avant de vomir mes tripes. Je ne savais pas comment faire face à ce qui m'arrivait. Je me sentais faible.

Après avoir pris une douche et brûlé mes vêtements, j'ai décidé qu'il me fallait des réponses aux nombreuses questions que je me posais. J'ai repris le trousseau de clés de la dernière gardienne. L'un après l'autre, j'ai ouvert les locaux techniques, les endroits de stockage, les locaux de surveillance. Dans l'un d'entre eux se trouvait une télé, allumée. C'était la page d'infos de la chaine nationale.

" -Les pluies acides continuent à ravager le pays. Nous invitons tous les survivants à rejoindre notre centre d'aide situé sur la ligne numéro 5 du métro. A chaque arrêt vous trouverez des médecins, psychologues, chirurgiens,...."

Je n'avais aucune envie de partir d'ici. J'y étais bien plus à l'abri qu'en pleine ville, à la rue. Cependant, il n'y avait pas assez de nourriture pour tenir plus de deux mois et la solitude n'était pas la meilleure solution.

Je me suis dit que j'allais faire un dernier tour de la cour dans le cas où il y aurait un survivant. Cette scène me répugnait toujours autant. Je pouvais voir ce que ces prisonniers avaient dans le ventre, littéralement.

Un par un, je les ai inspectés. Dix, vingt, cinquante, deux cents,... Le numéro 344 m'a semblé un peu plus "vivant". C'était une femme. Sa peau n'était pas totalement dissoute. Elle avait des vêtements légèrement plus épais que les autres. Elle tentait de communiquer mais la seule chose qu'elle était capable de faire était un sifflement de gorge étouffé.

Elle m'a fait un signe de la main pour que je m'approche. Hésitante, j'ai penché ma tête vers la prisonnière.

- Un...oiseau...dans le ciel...

Sa gorge était asséchée, je comprenais à peine ce qu'elle disait.

- Un oiseau a couvert le ciel...tous...

Elle avait de plus en plus de mal.

-Tous...

-Tous...tombés...

Du pu sortait de ses yeux, sa bouche se remplissait de sang. C'étaient probablement ses derniers mots. Je ne pouvais pas la laisser agoniser. Il y avait une pelle trois mètres plus loin. Il fallait que je l'achève.

J'ai levé la pelle au dessus de sa tête, j'ai frappé de toutes mes forces. Ce qui servait auparavant d'ustensile de jardinage lui transperçait désormais le crâne. Son sang est venu s'ajouter à celui qui avait déjà séché sur le sol, son œil droit est sorti de son orbite avant de se dégonfler comme un ballon.

Je suis partie faire mes affaires. De l'eau, des conserves, une tente, de la corde, des armes, un couteau,...

"Un oiseau a couvert le ciel et ils sont tous tombés."

Si c'est réellement une catastrophe naturelle, alors ma mère est Michelle Obama, qu'elle repose en paix...

Je suis sortie de la prison pour la deuxième fois. Tant pis si je n'allais plus avoir mon petit confort, il me fallait toujours des réponses.

La 5ème ligne de métro, il était hors de question que je la prenne pour aller au centre ville. Bizarrement, je n'ai jamais eu grande foi en la protection gouvernementale.

Les rues étaient vides, plus loin à l'horizon je voyais une forêt. J'allais passer ma première nuit à l'extérieur là bas. J'avançais rapidement, je n'avais pas envie de tomber sur d'autres personnes. Je ne savais pas encore ce qui pouvait roder ici.

Le soleil tapait fort. Comme dans la cour de la prison,  l'asphalte était couvert de taches brunâtres. Plus loin encore, des chiens se battaient pour des morceaux de doigts arrachés aux cadavres décomposés.

Une demi-heure m'a suffi pour voir à quel point la vie s'est dégradée dans ce pays.

Il faisait déjà noir quand je suis arrivée devant la forêt. La stridulation des criquets faisait office de musique. J'ai fait un feu de camp pour me réchauffer, quelques moustiques errants venaient s'écraser sur les bûches après s'être brûlés les ailes.

Il faisait calme. Bien que mon sac de couchage était plus confortable que le lit de ma cellule, je n'osais pas m'endormir. La nuit allait être longue.

Une heure, deux heures, trois heures,... Je gardais ma main sur le couteau, le moindre petit bruit m'angoissait.

J'entendais des pas furtifs d'animaux. Ou peut être étaient-ce des humains ?

Ne pouvant plus rester en place, je suis sortie de la tente. Le feu s'éteignait peu à peu mais sa lumière était encore assez forte pour me troubler la vue. J'allais m'assoir quand soudain, une grosse pierre est passée à deux centimètres de ma tête. Quelqu'un avait tenté de m'assommer. Une deuxième a suivi, avec plus de précision et m'a presque déboîté l'épaule. Je me suis précipitée vers mon sac pour en sortir une arme mais mon agresseur a été plus rapide. Il a attrapé l'arrière de mon t-shirt et m'a jetée à terre. Sonnée par la chute, je ne voyais que sa silhouette. C'était un homme de taille moyenne. Il s'est penché au dessus de moi et a pris mes poignets pour les attacher mais a été stoppé net par un gros coup de pied dans le ventre. Il a reculé de quelques pas, en me laissant juste assez de temps pour que je me relève, avant de me plaquer de nouveau au sol. Cette fois il s'est directement assis sur mes jambes pour les empêcher de bouger. Je n'avais plus d'autre choix que de le mordre, ma mâchoire s'est refermée sur la chair tendre de sa main, je ne voulais pas le lâcher. Mes ongles, quant à eux, étaient plantés dans sa peau. En faisant un gros effort, j'ai pu le basculer vers la gauche, je me trouvais désormais en position de force. Rapidement, j'ai sorti le couteau de ma botte et l'ai mis au niveau de son cou.

C'en était fini pour lui, je voyais de la haine dans ses yeux mais son corps ne montrait que de la peur. Il a commencé à trembler, il ne pensait surement pas mourir aujourd'hui. Aussi bêtement.

- T'as quelque chose à dire avant que je te tranche la gorge ? - ai-je dit d'un ton désinvolte.

En retour je n'ai eu qu'un long silence. Son cœur battait très vite, je pouvais le sentir.

- Et bien vas-y ! Tue-moi ! Qu'est-ce que t'attends ?!

Sa voix tremblait. Ce n'était même pas un cri de miséricorde. Uniquement celui de désespoir.

- Tue-moi !!

Des larmes ont jailli de ses yeux.

Après quelques instants j'ai refermé le couteau avant de me lever d'un bond. Il restait couché, troublé par ce qui venait de se passer.

- Lève-toi, pauvre type. Ton heure n'est pas encore venue.

Héritage : Tome 1 : Amnesia CorpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant