Chapitre 23 : Diaz

26 5 0
                                    

- "Elle n'a pas connu les effets de la colère des dieux." Hilarant. C'est donc comme ça qu'ils appellent les tonnes de produits chimiques déversés sur le peuple il y a 3 ans ...

Ces propos me désespéraient. De plus en plus, je me rendais compte de leur spectacle. Ils mentaient à tout le monde, eux-mêmes inclus. North était la seule personne que j'ai réussi à convaincre jusque-là. Il ne m'a pas tout de suite cru mais au plus je lui révélais de faits, au plus il trouvait la logique dans ce que je disais.

- C'est donc eux qui ont ton ami. Qu'est-ce que tu comptes faire ? - a dit North en me regardant dans les yeux.

- Il me reste un peu plus de 20 heures. Soyons réaliste, je ne peux pas sauver tout le monde et encore moins Steve qui est détenu sous haute surveillance, enfin, j'imagine. Je devrais me concentrer sur une réponse, il faut que le peuple me croie et au point où j'en suis c'est pratiquement impossible. Une fois qu'ils te détestent, il n'y a pas de retour en arrière.

- Je pourrais parler à ta place, il doit exister une documentation qui prouve tout ce que tu dis.

Même s'il était toujours bouleversé par sa découverte récente, il avait envie d'aider, ça se voyait.

- Les seuls documents valables se trouvent dans les archives de mon père, impossible d'y accéder. Je devrais projeter un message comme ce Phantom, ce sera plus prudent.

En réalité, je ne savais même pas ce que j'allais dire. Ce ne sont pas des choses faciles à avouer. Ce militaire avait raison, je ne pouvais pas me comparer à eux.

Plus tard, dans le sous-sol de mes amis informaticiens, tout était prêt. Sauf moi. Seize heures avant la fin du délai.

Dans ces moments, ce qui nous vient le plus souvent à l'esprit c'est notre incapacité à se faire respecter. Malheureusement, la discrimination n'a pas encore quitté la face de la Terre. Entendre parler de souffrance de la bouche de la fille du président était intolérable. Le problème était évident, ces gens ne pouvaient pas être sauvés. Le pire est déjà arrivé. Allais-je changer leur vie en leur révélant ces informations ? Certainement pas. Peut-être que, par chance, quelques-uns d'entre eux allaient se révolter contre le gouvernement mais, pour la plupart, ils le détestaient déjà pour d'autres raisons. Ils n'avaient pas de temps à perdre, tout le monde devait travailler pour se nourrir et survivre. Je me posais beaucoup de questions sur l'utilité de mon acte mais même s'ils s'en foutaient, ils méritaient de le savoir.

Quatorze heures avant la fin du délai. J'étais enfin face à la caméra, en direct.

"Bonjour tout le monde ! Comme vous le savez déjà, je suis Diaz Harrison. Récemment, suite à certaines découvertes, j'ai fui laissant ma vie de luxe derrière. Je suis consciente de ne jamais pouvoir égaler ceux qui ont vécu dans les rues depuis 3 trois ans. Je suis également consciente de la haine que vous me portez. Vos esprits sont tourmentés. Mais vous êtes-vous demandé pourquoi ? Pourquoi toute cette souffrance ?"

Le peuple huait et criait. Je pouvais l'entendre de la cave où je me trouvais.

"Écoutez, au point où j'en suis, je n'ai plus rien à perdre. Des militaires sont à mes trousses, toute la ville me cherche. Je n'ai aucun intérêt à vous mentir. Je vous demande simplement de considérer ce que j'ai à dire.

Il y a trois ans, tout allait bien dans la ville de Bruxelles. Malgré quelques couacs politiques tout se passait à merveille. Seulement, ce n'était pas l'avis du gouvernement. Selon eux, la ville n'avait plus assez de ressources. Il y avait deux fois plus de population que de réserves, la famine approchait à grand pas. Mon père et quelques membres de l'élite se sont alors réunis en urgence afin de trouver une solution. Cette dernière s'est avérée plus que cruelle. Ils allaient diviser la population en deux. Mais ils ne voulaient pas simplement tuer 50 % du peuple, non. Ce n'était pas suffisant. Ils voulaient, en plus de cela, tester leur dernière trouvaille : un amplificateur spirituel. Il était loin d'être prêt mais le temps pressait. Le moyen le plus simple et rapide d'administrer cette horreur chimique aux gens était de la disperser sous forme de pluie. Les prisonniers ont été relâchés, à l'exception des grands meurtriers gardés au frais pour les utiliser plus tard en tant que cobaye lors des expériences. Les travailleurs ont été renvoyés chez eux. Quant aux personnes se trouvant à couvert, elles ont été priées de sortir afin de contempler un phénomène naturel. En fin de compte, pratiquement tout le monde se trouvait dans les rues ce jour-là. Tandis que la pluie tombait des avions agricoles, les cris emplissaient la ville. Tout le monde essayait de se réfugier. Mais il était déjà trop tard.

L'ancien gouvernement n'a pas survécu à l'incident. Mon père s'est donc auto-proclamé président étant à la tête de l'élite. Ma mère, elle, faisait aussi partie de l'ancien régime. Les nouveaux n'avaient pas de pitié et mon père était trop aveuglé par le pouvoir. Bruxelles était devenue Bru.R.S.S. Ce qui veut dire "Brussels' Respublic of Spirits and Souls".

Chacun a réagi de manière différente. Certains ont reçu plus de produit que d'autres ou avaient une âme plus forte. Tout un tas de paramètres rentrait en compte. C'est ainsi que les quatre races ont été créées. En réalité il y en a bien plus, les races non répertoriées ont encore moins de droits que vous tous. Mais le gouvernement avait un dernier petit problème. La mémoire. Ils savaient que les gens allaient les détester pour ces actes affreux, de plus, l'expérience était beaucoup trop traumatisante et allait laisser des séquelles à vie. Ils ne voulaient pas que la population entière devienne folle. Ce fut le cas la première année jusqu'à ce que les scientifiques élaborent enfin un alternateur de souvenirs. On pouvait désormais manipuler l'esprit à sa guise. Les Phantoms haut placés se sont vu retirer le souvenir de la souffrance, le reste a été laissé intact dans un but de prévention. Les militaires ne pouvaient pas se permettre de commettre des erreurs passées. Tous les autres, par contre, ont subi un lavage de cerveau profond. Ils détestaient toujours le gouvernement mais pour d'autres raisons. Ils ne savaient pas que ces gens ont détruit leur vie d'avant. Une grande partie des corps a été endommagée alors les âmes dépourvues d'enveloppes charnelles n'avaient pas d'autre choix que de se servir dans ce qui restait. En ce qui concerne les Phantoms, étant donné que ce sont des militaires, ils avaient besoin de corps neufs et en bonne santé. Au début, les corps intacts leur étaient réservés. Ensuite, les scientifiques ont trouvé un moyen pour faire pousser des corps synthétiques, comme dans une ferme. Des expériences concernant les implants mécaniques ont débuté au même moment. Pourquoi ? Pour satisfaire les besoins du gouvernement affaibli par ses propres actes. Voyez-vous, la pluie n'a pas seulement endommagé les humains mais aussi le bétail et les plantations. La nourriture est devenue encore plus rare, une chance que certains esprits n'ont pas besoin de se nourrir. Mais je vous promets que si le gouvernement estime avoir besoin de réduire la population encore une fois, il le fera sans hésiter. Parce que telle est leur nature. Ils n'ont pas réfléchi aux conséquences et maintenant tout le monde en souffre. Les personnes intactes comme moi n'ont pratiquement aucune chance de survie en dehors des quartiers de luxe. Je l'ai bien ressenti ici, au Wératha. L'environnement n'est plus fait pour nous. Nous devons soit subir des amplifications spirituelles, soit des modifications physiques.

Je suis consciente du fait que mon discours n'a pas eu un grand impact sur vous. Mais vous méritiez de savoir ce qui vous est arrivé et pourquoi vous vivez un enfer. À présent, mon boulot est accompli alors vous êtes libres de me livrer à l'armée. Je vous demande simplement de ne pas oublier qui vous êtes réellement, vous êtes bien plus que du bétail répertorié."

Héritage : Tome 1 : Amnesia CorpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant