Chapitre 15 : Amnesia Corp

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Le Général Utah se tenait devant sa fenêtre, trop affaibli pour continuer de se battre mais pas assez pour rendre l'âme. Trois ans se sont écoulés depuis son dernier ordre, depuis, il n'était que décoration dans les bureaux de l'armée. Il en était dégoûté, il ne voulait plus diriger quoique ce soit mais il était obligé. "Faites pleuvoir !", deux mots si simples mais tellement meurtriers à la fois. Tout a changé depuis. Tout le monde a réagi de manière différente, certains ont perdu leur corps, d'autres leur âme. C'est ainsi que les quatre races sont nées. Mais le Général et les autres membres du complot n'ont pas été touchés. Quelle chance ..., pensait-il. Ou pas. Son corps était désormais tellement faible qu'il ne pouvait même plus se battre aux côtés de ses soldats. C'était égoïste de sa part mais c'est la raison pour laquelle il voulait robotiser le corps militaire. Il voulait devenir plus fort, aussi fort qu'avant. Des recherches étaient menées sur les inconnus et les anciens prisonniers. Certains survivaient aux modifications, d'autres rejetaient complètement les parties métalliques de leur corps et finissaient par mourir. Personne ne se souciait d'eux de toute façon. Tous ces petits minables croyaient échapper à la justice en profitant de la situation pour s'évader mais on sait où chacun d'entre eux se trouve. Pauvres idiots. Le Général pouvait sembler dur mais il est vrai que la plupart de ces gens étaient emprisonnés pour faits graves. Les autres ont été relâchés juste avant les pluies pour les laisser voir leurs proches une dernière fois. Enfin, c'est ce qu'on leur a dit. Aucun d'entre eux n'est arrivé à temps ni en un morceau dans leur foyer. Dommage, a pensé Utah en ricanant.

En trois ans, le nouveau gouvernement a, tant bien que mal, réussi à faire régner l'ordre. Tout le monde s'est vu attribuer un rôle. Agriculteurs, marchands, médecins, il y avait de tout. Chaque habitant de la ville a reçu une convocation dès le premier jour pour se rendre à l'hôpital et se faire implanter une puce. Les données qui s'y trouvaient regroupaient les papiers d'identité, toute sorte de paramètres vitaux, le casier judiciaire, l'argent possédé, etc. Tous ceux qui n'avaient pas de puce un mois après la convocation générale, étaient arrêtés et transférés dans l'hôpital militaire. Techniquement, le peuple n'avait plus aucun droit, il n'était pas vraiment établi, le gouvernement pouvait en faire ce qu'il voulait. Tout le monde était tellement perdu dans le nouveau système que personne n'avait le temps de protester, ils voulaient juste survivre.

Trois ans et toujours pas de signe de la fille du président. Il aurait dû la tuer quand il en avait l'occasion. Évidemment, il n'avait pas les couilles pour le faire. Ça fait un an et demi qu'elle est en liberté cette conne, difficile de croire que personne ne l'a vu depuis. L'histoire de Diaz le mettait en colère. Elle pouvait révéler tous leurs secrets en un claquement de doigts, ce qui provoquerait un chaos inimaginable. Elle pourrait aussi échouer et se faire tuer par les nombreux ennemis de l'alliance. La seule vue d'une personne intacte était insupportable au peuple. Tous ont souffert le martyr. Sans exception. Heureusement qu'on a pu attraper ce jeune homme qui l'aidait. Quel est son nom déjà ... Stephen Merill il me semble. Quelle coïncidence ce fut quand on a découvert que le médecin chargé de lui administrer des substances expérimentales n'était autre que son frère. Quoiqu'il arrive, les deux vermines l'ont bien mérité. Le docteur croit qu'on n'a pas connaissance de sa petite protégée. Idiot, lui aussi. Amnesia Corp n'ira pas loin avec des esprits aussi débiles. Nous, l'élite de ce monde, comment peut-on se mêler à des personnes de ce genre. On dirait ces pauvres imbéciles de Paragons, leurs âmes ne sont même pas assez fortes pour faire face à leurs souffrances passées.

En effet, même si les quatre races prétendaient avoir le même pouvoir dans l'alliance, Amnesia Corp était de loin la plus puissante, en termes de moyens mais aussi en termes d'intellect. Les personnes les plus influentes s'y sont réunies au moment de la révolution. C'est grâce à eux que tout ceci était possible. L'ancien gouvernement, selon eux, laissait trop d'étrangers s'immiscer dans leurs vies. Il n'y avait plus assez de place pour tout le monde, les gens étaient pauvres, affamés. Le grand nettoyage a permis de diviser la population par deux. Certains esprits n'ont même pas besoin de se nourrir et les autres reçoivent assez d'aide pour ne pas mourir de faim. L'hôpital est gratuit pour tous ceux qui travaillent et pas une seule personne enregistrée est au chômage. Les logements sont administrés à chacun selon leur fonction, le travail le plus pénible est souvent le mieux récompensé. Plus personne ne devrait se plaindre, ils n'ont pas le droit après tout ce qu'on a fait pour eux. Dans dix ans ils seront heureux d'apprendre qu'une telle chose s'est produite.

- Monsieur ? Monsieur le Général ?

La secrétaire a timidement tiré le Général de ses pensées.

- Votre rendez-vous de 16 heures est arrivé, - a-t-elle annoncé sur le même ton.

Sans dire un mot, Utah a acquiescé pour lui donner son accord. Un grand homme aux cheveux noirs est entré. La pièce s'est instantanément remplie de son charisme. Sa confiance en soi était remarquable, mais ce n'était pas assez pour impressionner le Général.

- Vous êtes donc le fameux faucon noir, - a-t-il dit en marquant une pause, - tant mieux pour vous, mais il me faut du concret pour que je commence à vous respecter alors allez droit au but.

La remarque sèche n'a pas déstabilisé le jeune homme, il a donc répondu rapidement.

- Oui, c'est très simple, je sais ce que vous voulez, - a-t-il dit avec un sourire retenu aux coins des lèvres.

- Quoi donc ?

- Vivre. Aussi simple que ça. Votre vie ne tient qu'à un cheveu en ce moment, n'est-ce pas ?

Le Général n'a pas répondu à cette question, il n'avait pas besoin de le faire, cet homme avait raison. Cependant, son air l'agaçait fort.

- Alors voilà ce que je vous propose, pour rester en vie il vous faut des implants mécaniques mais vous refusez vous faire opérer tant que ce n'est pas une science sûre. Il se trouve que je connais quelqu'un avec ce genre de modifications et qui se porte très bien. Une vieille amie à moi. Nous pourrions l'analyser en long et en large, faire une série de tests devant vous. À partir de là, vous déciderez de votre sort.

Le Général faisait mine de réfléchir mais dans sa tête le choix était fait depuis longtemps. Toujours aussi silencieux, il a tendu la main vers le jeune homme en signe d'approbation.

- Nous parlerons des chiffres une autre fois, je suis sur ce ne sera pas un problème pour vous, - a-t-il dit en sortant, - et, s'il vous plait, appelez-moi Mark.

Héritage : Tome 1 : Amnesia CorpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant