XII

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𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 12

Il était rentré tel une furie dans l'appartement qu'il partageait avec le beau noiraud, insultant tous les dieux artistes des anciennes civilisations au passage.

Jungkook avait eu la peur de sa vie en voyant le regard assombri, ténébreux, brodé de cils noircis par une haine dont l'origine inconnue semblait peser sur sa tête comme une épée de Damoclès.

Taehyung était resté dans sa chambre pendant près de vingt minutes. On aurait pu croire à un retour au calme, un essai de méditation, à une tentative vainement effectuée de sieste réparatrice au sommeil léger, mais non. Il s'était enfermé dans sa chambre et avait une à une déchiré les pages manuscrites comportant le troisième acte dans d'immondes bruits de destruction massive semblant déchirer les âmes autant que le papier.

En même temps, il avait échappé des sanglots et de petits cris de douleur qui avaient embrumé tout l'air de l'appartement, même de l'immeuble, jusqu'à la ville toute entière qui sembla en ce soir froid plongée dans un deuil général.

C'est à cet instant que Jungkook sembla, un peu comme Taehyung quelques semaines auparavant même si ce fut pour une courte période, reprendre ses esprits, sortir de sa torpeur, laisser à nouveau l'air s'infiltrer dans les narines et non plus dans la vapeur dégagée par un sournois philtre d'amour imaginaire. Son inquiétude maladive pour le petit ange semblait à nouveau se manifester violemment dans son être, surtout à cet instant où leur relation avait évolué.

Il se serait dévoué corps et âme pour le petit jeune homme qui semblait perdre tout ses repères, dans sa chambre.

Il aurait voulu le rejoindre, sauf qu'il comprit assez rapidement, étonnamment depuis quelques temps, qu'il devait absolument le laisser en paix juste encore quelques minutes. Pour qu'il fasse seul le point avec lui-même, face à sa propre conscience.

Il imagina un court instant, ce à quoi pouvait ressembler l'intérieur de la tête de Taehyung ce jour-ci. Et même pour les deux derniers mois. Avant il y aurait imaginé une grande fresque aux couleurs pastels représentant l'évolution de l'art à travers les âges, dans un ciel inexistant. Il y aurait imaginé une prairie verdoyante ou une jungle possédant une luxuriante végétation. Quelque part de serein, de beau et d'harmonieux. Il y voyait un village heureux, avec une fête fleurie constante s'y déroulant allègrement. Mais en réfléchissant, l'image qu'il en avait à ce moment était bien différente. Différente, même, de celle qu'il aurait visionnée le matin même.

À cet instant, il y voyait une séparation nette. Non plutôt, il voyait sa tête quelques années avant, avec cette image de paradis. Sauf que, le ciel n'était plus une fresque artistique, mais une représentation de la panique, de la peur, de la pression sociale, de l'angoisse, de toutes les choses qui semblaient le rendre plus dur et plus mauvais depuis des mois interminables. Il voyait les prairies verdoyantes plongées sous un orage noir, l'herbe détruite sous la boue offerte en cadeau par la pluie telle la malédiction de la belle au bois dormant, promettant qu'un jour, toute paix s'endormirait à tout jamais. Il voyait nettement les villages paisibles en ruines, sous les flammes, les corps à demi-detruits sous les décombres représentant les rires et les joies passées du châtain. Il voyait une guerre déloyale et inégale avoir lieu entre les quelques courageux jeunes gens qui n'avaient pas encore été décimés et l'armée noire de l'obsession entourée d'armes bien trop évoluées pour ne laisser ne serait-ce qu'une ombre de chance aux villageois.

Il semblait qu'à nouveau le danger apparaissait à sa vue, et que les plaintes presque inaudibles n'échappaient plus au noiraud qui avait fait preuve d'une surdité sans pareille pendant plusieurs semaines.

-𝐃𝐑𝐀𝐌𝐀𝐓𝐔𝐑𝐆𝐄 ᵏᵛOù les histoires vivent. Découvrez maintenant