XIII

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𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 13

La chambre d'hôtel n'avait pas grand chose de rassurant. Elle était en piteux état, miteuse, assez similaire au reste du vieux bâtiment non entretenu. La lumière dans sa chambre ne marchait pas, sauf celle de la salle de bain aux carreaux cassés. Il était persuadé d'avoir vu plus de cafards et de blattes en tout genre en l'espace de dix minutes depuis son arrivée que durant tout le reste de sa misérable vie.

Il n'avait emmené que ses feuilles de brouillon, les deux premiers actes de sa pièce et tous les stylos qu'ils possédait en plus de tout l'argent qu'il avait. Somme qui était assez limitée.

Il était persuadé d'avoir vu, en quittant l'appartement, la déception dans les yeux du noiraud, en voyant qu'il n'emmenait même rien de nécessité vitale. Seulement de quoi finir sa pièce encore et toujours sa pièce.

Au début, seule la colère se trouvait en lui. Il se foutait de savoir si l'appartement lui manquait, si la chambre d'hôtel lui faisait réellement peur, si il était réellement obsédé par cette pièce, si Jungkook lui manquait réellement.

Après avoir fait un rapide tour de sa ridicule chambre d'hôtel, il s'était plongé dans la réécriture. Sauf que puisque personne n'était là pour l'arrêter, il se détruisit le crâne en pressant ses idées de venir pendant pratiquement treize heures sans faire de pause. Il dut s'arrêter lorsque ses yeux se mirent à faire tourner, voguer, tanguer la pièce autour de lui.

Il commença à sentir sa gorge s'écraser sur elle-même pour s'ouvrir à nouveau, son ventre se contracter sur une douleur soudaine, les hauts-le-coeur le prendre soudainement. En titubant, il arriva dans la salle de bain en ruines et tomba à genoux devant les toilettes. Rien de glamour, juste le stress accumulé, doublé du manque de sommeil et de nourriture, encore. Mais cette fois, la présence de Jungkook n'était pas là pour le soutenir.

Après avoir perdu ses tripes, il leva la main par réflexe pour chercher celle du noiraud, mais elle resta seule dans le vide. Il dut se nettoyer seul, désespérément seul, et il remercia l'hôtel d'avoir laissé une petite brosse à dents d'avion accompagnée de son minuscule dentifrice.

Un pincement au coeur innatendu le prit soudainement et il plaça ses deux mains sur son coeur en se regardant dans la glace à peine illuminée d'une lumière jaunâtre. Il faisait peine à voir. Mais en temps normal, il n'aurait pas tant remarqué cet air d'aliéné qu'il possédait, et il hyperbolait à peine. Parce que d'habitude sa vision aurait été équilibrée par un adonis aux cheveux noirs comme la nuit, aux muscles ciselés aux heures de sport, à la peau blanche comme la neige mais resplendissante de santé. Il l'aurait regardé avec son air inquiet en lui caressant les cheveux et en le surnommant "petit coeur" dans de doux chuchots soufflés. Et il aurait été calmé. Il détestait vomir, mais vomir et être seul ensemble lui donnaient envie de disparaître. Il se sentait horriblement mal, l'abandon résonnant comme les trompettes de l'apocalypse au creux de sa tête endolorie. Il avait toujours mal au ventre et à la tête, mais absolument rien à évacuer.

Il pensait encore à sa pièce, aux mots s'inscrivant dans sa tête pour en disparaître aussitôt, comme si son inspiration et son désir d'écrire ensemble s'affairaient à le dégoûter de l'écriture. À la place des mots disparaissant, se soulevaient des voiles imaginaires sur des photographies de Jungkook, à travers les âges, de bons souvenirs partagés tous les deux, jusqu'à celui où ils s'étaient abandonnés l'un à l'autre contre le sol devenu brûlant de la scène.

Ces souvenirs paraissaient être ceux de quelqu'un d'autre et non les siens. Il les reconnaissait, mais il ne se souvenait pas d'avoir été aussi joyeux avec lui, même si ça avait été le cas. Il ne se rendait pas vraiment compte de toute la lumière que le noiraud apportait dans sa vie.

Maintenant qu'il était seul, son corps semblait lui montrer toute l'étendue de son importance dans sa vie.

Il vit en boucle toute la sainte journée des images de Jungkook. Riant, pleurant, s'énervant, l'embrassant. Il l'avait vu sous tous les angles, étudié minutieusement, lui, et son comportement. Il avait pleuré. En revoyant toute la douceur qu'il lui portait depuis des années, cette façon qu'il avait eue dans l'ombre de le protéger comme un ange gardien, de tout faire pour que sa vie soit meilleure.

Comment avait-il pu le méprendre avec un simple obstacle dans sa route dans la création de l'oeuvre dramaturgique parfaite ?

Il ressentait pour la première fois de sa vie la compression de son coeur due aux remords. Et ça lui faisait mal. Bien plus que lorsqu'on lui avait dit de réécrire le troisième acte de sa pièce. Il sentait son âme être écartelée, coupée en morceaux au sécateur avec violence, et il était le seul fautif de sa douleur.

Son visage changeait à chaque vas et viens. Ses fossettes apparaissaient lorsqu'il mordait durement sa lèvre inférieure, la faisant indubitablement rougir et doubler de volume. Elle l'attira et il ne put rien faire d'autre que de poser ses lèvres sur les siennes avant d'embrasser sa joue à l'endroit où se trouvait ce renfoncement délicat sur sa peau de porcelaine.

Il était sublime, ses boucles charbon humidifiées tombant sur son visage, agissant comme d'impétueuses vagues à chaque fois qu'il faisait entrer en lui son désir. Et à chaque fois, une sensation somptueuse lui tordait les tripes, alors que sa tête s'enfonçait un peu plus dans l'oreiller moelleux, indiquant le rapprochement vers le ciel.

Et il ne le baisait pas, il lui faisait tendrement l'amour, même si on pouvait apercevoir dans ses yeux la difficulté nécessaire à retenir ses pulsions animales de prendre le dessus. Il prenait soin de lui.

Jungkook...

Il avait rêvé de lui.

Il n'avait pas réussi à écrire, restant stoïque devant ses feuilles toute la journée qui suivit. Cela faisait déjà trois jours qu'il restait dans cet hôtel en lambeaux. Et Jungkook ne quittait pas ses pensées. Dès qu'il voulait rédiger une phrase, ou même juste un minuscule mot, son sourire se dessinait à la place des lettres dans ses pensées incongrues. Il lui manquait tellement qu'il se sentait parfois pris de tremblements quand il tentait d'écrire.

Finalement, c'était un peu comme si Jungkook était sa muse inspiratrice, la chose qui faisait qu'il aimait écrire. Cette chose qui le poussait à écrire d'ailleurs était peut-être la réaction du noiraud en le voyant épanoui. Si il n'était pas là, écrire lui donnait envie de vomir. Tout en fait. C'était horrible. Il n'avait plus que lui en tête. Absolument partout, absolument tout le temps.

Un jour, il regarda son téléphone et tomba sur une photographie que Jungkook avait lui même pris. La seule de lui dans tout l'appareil, lui-même ne s'en servant très peu. Et en voyant le grain de beauté sous sa bouche, des larmes doucement perlèrent sur ses yeux rouges et fatigués.

Au bout d'une semaine sans le voir, il se sentit mourir. Il n'avait absolument pas avancé dans son écriture, les méninges toujours cachées par de grands arbres fruitiers porteurs de souvenirs se fanant. Il fallait absolument qu'il le voie à nouveau si il ne voulait pas que les battements de son coeur déjà grandement ralentis ne s'arrêtent.

1220.

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Bah alors les regrets taetae

-𝐃𝐑𝐀𝐌𝐀𝐓𝐔𝐑𝐆𝐄 ᵏᵛOù les histoires vivent. Découvrez maintenant