XV

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𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 15

Il avait couru devant le malheureux concierge, les cheveux trempés d'eau gelée.

<<Monsieur monsieur monsieur ! J'aimerais savoir si une personne en particulier a une chambre ici ! C'est possible ?

-J'en sais rien vous voyez bien que je suis occupé, revenez plus tard.

Il ne l'était pas. Ah, si, il regardait son téléphone. Une mine outrée de dessins sur le visage de Jungkook pendant que sa bouche formait une ligne droite.

-Je vous demande pardon ?

-Vous voyez bien que mon hôtel est à pas grand chose de tomber en ruines et vous me demandez un service gratuit ? Il faut y mettre le prix monsieur.

Les sourcils du bel homme se reponterent doucement sous l'étonnement toujours mêlé à ce dégoût de la personne en face de lui. Il lui manquait ouvertement de respect et au vu de sa manière si nonchalante de le faire, il devait s'exprimer ainsi avec tout le monde. Ce qui pouvait sûrement expliquer que son établissement se trouvait au bord du précipice, près de la faillite totale.

Quelques billets passèrent de sa poche de manteau à celle du pantalon de l'exécrable visiblement propriétaire de l'hôtel, sous un soupir ennuyé.

-Vante, est-ce qu'une personne du nom de Vante a une chambre ici dans laquelle elle résiderait depuis une bonne semaine déjà ?

-Mh. Oui.

Il allait vraiment rien dire de plus, laissant Jungkook dont le stress le traversant en vagues manquait de le faire sortir de ses gonds. Il avait les deux mains serrées sur le comptoir, faisant blanchir ses phalanges, pour empêcher ses poings au fond de venir s'encastrer dans le visage disgracieux de l'homme d'âge mûr.

-Non mais allez dites-moi le numéro de sa chambre donnez-le moi s'il vous plaît !

Sa main fut tendue devant lui, signe qu'il attendait à nouveau quelques billets pour donner cette information supplémentaire.

- Non mais vous abusez monsieur je vous ai déjà donné assez là... juste pour un numéro...

-Quatre.

-Chambre numéro quatre ?

-Vous m'avez demandé un numéro seulement. Un des numéros Je vous donne un quatre.

Et la colère se fit trop puissante et il aggripa le col de la chemise jaunie de l'homme de ses poings hargneux.

-PUTAIN CONNARD ! DONNE MOI JUSTE CE NUMÉRO DE CHAMBRE OU JE TE JURE QUE TU N'AURAS PLUS LE MÊME VISAGE CE SOIR, MÊME TON PUTAIN DE CHIEN DE RECONNAÎTRA PAS !

Puis les reflets d'une voix angélique vinrent se caler au centre de presque grognements animaux désagréables.

-Jungkook ? C-c'est toi ?>>

La tension puissante qui avait été retenue pendant une longue semaine d'horreur semblait pousser en une plante envahissante.

Ils faisaient soudainement comme s'ils étaient calmes, sereins. Leurs visages semblaient neutres, leurs peaux ne semblaient pas moites, leurs yeux cachaient du mieux qu'ils pouvaient les larmes qui se préparaient en eux.

Aucun son ne fut échangé entre eux durant le trajet entre le misérable hall d'entrée et la petite chambre de Taehyung. Il lui ouvrit la porte doucement, et Jungkook avança jusqu'au centre de la pièce pour regarder le châtain verrouiller la porte.

Un long regard entendu passa entre les deux. Ils se racontèrent, par le biais des scintillements éclatants au creux de leurs pupilles dont les nuages noirs avaient été déplacés, toute leur semaine compliquée, leurs moments de peur, de doutes, de colère, ces sensations vivaces et sournoises de manque qui avaient de manière machiavélique obnubilé leurs pensées.

Une chaleur étrange sembla se propager de leurs bas ventres à l'air ambiant, chauffant leurs joues sur lesquelles la peinture réaliste d'un crépuscule semblait d'ailleurs être créé, alors que leurs souffles devinrent lourds, chauds et erratiques.

Ils se retenaient. Se retenaient de quoi, ils n'en étaient pas tout à fait certains. Mais ils se battaient pour ne pas succomber. Ils sentaient le magnétisme de l'autre puissamment les attirer, et ils tentaient de faire tout ce qu'ils pouvaient pour ne pas laisser leurs bêtes intérieures, affamées de l'autre, prendre le dessus.

Puis comme un éclair, soudainement, l'envie surplomba tout le reste, toutes leurs angoisses, leurs peurs, leurs convictions. Ils coururent presque l'un vers l'autre, les grandes dextres viriles de l'adonis aux boucles noires aggrippant possessivement les joues du châtain dont les petites mains s'échouèrent sur le torse de l'autre. Ils se jaugèrent un léger instant, juste une seconde. Puis dans un souffle empressé, ils vinrent plaquer leurs lèvres les unes contre les autres, se sentant enfin revivre comme s'ils avaient été séparés des années.

Les arômes de leurs langues se diffusaient dans leurs bouches quémendeuses qui semblaient entretenir une relation haine-amour compliquée. Lorsque Jungkook se sépare du plus petit, étonnement, celui-ci échappa une légère plainte de manque avant de se jeter à nouveau sur les lippes rouges de son partenaire. Plus ils s'éloignaient, plus ils désiraient se retrouver, alors ils parurent s'embrasser durant des années, embrasant la lourde atmosphère de leur besoin de se toucher et de ne jamais se lâcher. C'est lorsqu'ils finirent par s'arrêter, dans un éclair de lucidité leur dictant de respirer à nouveau, qu'ils prirent la décision de ne discuter qu'en arrivant à la maison.

Ils se calinèrent encore pendant quelque temps, une fois couchés sur le vieux matelas percé du lit, apaisant leurs inquiétudes l'un tout contre l'autre échangeant de temps à autre de chastes baisers papillons, qui leurs offraient de petits sourires joyeux et communicatif.

Après avoir récupéré les quelques affaires d'écriture que Taehyung avait ramenées dans cet hôtel en piteux état, ils rejoignirent la fraîcheur extérieure, toujours bloqués dans leur bulle d'allégresse illimitée, juste profondément contents et satisfaits de s'être retrouvés.

Pour changer leurs idées du théâtre et de toute autre chose ayant le pouvoir malsain de les énerver, ils décidèrent de se rendre au restaurant.

On les jugea toute la soirée parce que leurs mains sur la nappe immaculée se permettaient indécemment d'être jointes. Et jamais ils n'avaient eu si peu de considération pour cela. Ils se souriaient juste, comme deux idiots amoureux, pour qui les problèmes avaient pris leur envol vers d'autres cieux alors qu'à leur place se dressaient les prémices d'une nouvelle ère, plus belle, plus heureuse, plus égale, plus juste, plus vivable aussi.

Ils ne firent que se raconter à nouveau des histoires qu'ils connaissaient déjà, qu'ils avaient déjà vécus, des contes dont la fin heureuse ne dérangeait personne. Ils rirent tels des alcooliques frappés par l'ivresse de l'amour dont l'importance leur était encore cachée. Ils étaient de si bonne humeur qu'ils en vinrent à singer les personnages de la pièce de Taehyung en les imaginant être joyeusement joués par les autres clients puritains du restaurant un peu trop chic pour eux.

Ils s'étaient ensuite rendus dans un cinéma, le premier à leur portée, ni le plus grand ni le plus petit, juste celui duquel émanaient les meilleures ondes et les promesses de bons souvenirs.

Ils regardèrent leur mauvais film romantique d'un seul oeil, trop occupés à loucher sur la personne à leurs côtés, sans même en avoir pleinement conscience. En fait, ils ne le regardèrent pas du tout. Ils ne connaissaient ni l'histoire, ni le nom des acteurs, ni celui des scénaristes, ni même ceux des personnages. Ils savaient juste, à cet instant, que jamais l'alchimie à l'écran ne pourrait surpasser celle qui s'était créée entre les deux, dans ce soir frais d'hiver.

1202.

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J'espère que je vous déçoit pas trop

-𝐃𝐑𝐀𝐌𝐀𝐓𝐔𝐑𝐆𝐄 ᵏᵛOù les histoires vivent. Découvrez maintenant