XVII

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𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 17

Finalement, après leur discussion, ils se rendirent compte que la seule chose qu'ils pouvaient faire était être là l'un pour l'autre. Jungkook soutenant réellement le châtain, chose qu'il n'avait pas tout à fait réussit à accomplir depuis le début de la rédaction de la pièce, et Taehyung acceptant les pauses auprès du noiraud.

Jungkook avait cru Taehyung lorsqu'il lui avait dit que sa tête le forçait à écrire, plus ou moins, même s'il s'était attendu venant de lui, qu'il s'agisse d'une gigantesque métaphore posée là pour lui faire comprendre son point de vue de manière explicite. Mais un soir, juste après que l'écriture ait repris, il comprit que la voix n'était pas tout à fait une métaphore. Il savait qu'il n'était pas atteint d'une pathologie, pas forcément, c'était juste sa façon de se forcer à écrire qui était trop puissante pour lui.

Il était assis en train d'écrire, légèrement souffrant à cause d'une vilaine bronchite qui lui donnait une horrible fièvre. Son teint doré était devenu livide, sa peau presque translucide laissant échapper de fines gouttes de sueur sur son front suite à la chaleur irrespirable dans son corps. Ses cheveux étaient humides et ses yeux à moitié clos fixaient la feuille de leurs pupilles assassines. Puis il s'était mis à grogner, un peu comme un animal, avant de plonger ses mains dans sa chevelure et de les tirer.

Le noiraud aurait trouvé cette réaction normale s'il n'avait pas vu des mèches de cheveux du plus petit partir de sa tête en même temps que ses mains. Il s'était littéralement arraché des cheveux sous la pression de la frustration. Ou alors le stress les avait fait tomber. Sauf qu'en les voyant dans ses paumes fragiles il avait équarquillé les yeux sous le choc.

Le noiraud avait accouru vers lui, inquiet quand à sa capacité de pouvoir facilement paniquer, pour prendre ses mains dans les siennes et envahir ses lippes des siennes, envoyant valser au diable les quelconques microbes qui venaient en lui. Ce n'était pas si grave, en comparaison de l'état du jeune homme.

Il s'était effondré dans ses bras, de fatigue. Puis il avait dormi sans aucune interruption pendant pratiquement un jour entier. Comme s'il avait rattrapé tout le sommeil perdu des derniers jours. Comme s'il avait été frappé fort par la fatigue.

Jungkook avait alors eut tout le temps de réfléchir seul avec lui-même. Devait-il emmener le jeune homme chez un ou une psychologue pour qu'on le diagnostique, histoire de savoir s'il avait finalement une véritable pathologie ou non ? Il l'aurait fait dans hésiter, si quelqu'un avait pu lui venir en aide. Être tué à petit feu par sa propre passion dévorante parce qu'il était bien trop exigeant pour lui-même était quelque chose de terrible. Il avait peur que cela tourne vraiment mal, qu'il se passe de véritablement mauvaises choses pour lui, qui engendreraient traumatismes et séquelles irréparables en tout genre, le détruisant complètement de l'intérieur sans qu'il puisse avoir une quelconque influence pour l'aider car ceux-ci auraient été internes.

Mais Taehyung était terrifié par les médecins, les psychiatres et les psychologues tout particulièrement. Ça datait du lycée. D'un jour où ses harceleurs étaient allés trop loin, vraiment trop loin, le forçant à hurler à la mort pour qu'il soit laissé en paix. Ils avaient failli, réellement, avec leurs âmes de monstres inhumains, abuser de lui, physiquement. C'était là que Jungkook était intervenu pour la première fois, et jamais il n'avait été aussi violent. Peu de temps après, le lycée l'avait forcé, ou plutôt chacun de ses professeurs, à aller voir la psychologue de l'établissement.

Il était ressortit en pleurant, presque plus que quelques jours avant à cause de ses bourreaux. C'est Jungkook qui l'avait trouvé, en boule, dans un coin des premiers toilettes venus. Et puis ça avait été évident en le voyant, pour l'aider, il ne fallait pas parler, juste le soutenir. Alors il s'était assis à ses côtés sans bruit, et ils restèrent ainsi toute l'après-midi, ratant sans vraiment s'en rendre compte leurs cours, juste partageant un moment de calme, perdus dans l'oeil du cyclone.

Taehyung lui avait dit bien plus tard que cette personne, la soi-disant psychologue l'avait obligé à parler. L'avait forcé à dire énormément de choses qu'il ne voulait pas. De revivre chaque instant de douleur qu'il avait en partie surmontés, de devoir à nouveau sentir la haine émaner de ceux qui lui faisaient du mal, de devoir à nouveau respirer l'air ardent de la colère qu'on lui vouait sans raison apparente. Ça lui avait été insupportable. Tout était revenu d'un coup et ça avait été comme si son coeur se compressait en voulant imploser. Comme s'il voulait disparaître.

Comme si il avait à nouveau vécu des années de calvaire, et ça, on l'avait forcé à le faire, soi-disant pour son bien. Il avait passé des jours, Jungkook l'avait appris bien après, à garder les yeux ouverts toute la nuit, de peur de voir apparaître à nouveau ses démons.

Taehyung était faible, et la psychologue avait adoré faire grandir cette faiblesse, c'était l'impression qu'il avait eue.

Plus jamais il ne voulut en voir. C'était encore pire que de supporter seul tout ce qui lui arrivait. Mais il aurait dû, partager plus, un minimum avec Jungkook. Parce que lui, jamais il ne l'aurait forcé à dire trop, à aller plus loin que ce qu'il était en capacité de supporter.

Le châtain continua à écrire. Il se battait contre lui-meme plutôt. Il avait décidé de mener cette guerre, d'aller jusqu'au bout pour annexer ses pensées à nouveau, celles qui avaient été envahies par un ennemi interne d'une puissance redoutable.

Et ça lui arriva à nouveau d'être horriblement froid et distant avec Jungkook, et dans ces moments là le jeune noiraud savait qu'il ne parlait pas à Taehyung, mais bien au genre de démon imaginaire qui le forçait à toujours faire mieux.

C'est donc dans une simplicité déconcertante qu'il lui avait donné un nom, pour ne pas réellement parler de Taehyung mais de celui qu'il devenait en écrivant cette pièce, pour différencier avec plus de facilité celui qu'il aimait et celui qu'il haïssait. Il n'était pas tout à fait un alter égo, mais pas loin. Son nom de plume, alors, celui qui écrivait et non celui qui vivait, Vante, était parfait. De plus, ce nom de plume, même s'il ne lavait pas remarqué tout de suite, avait de fortes consonnaces en commun avec Dante, l'auteur du moyen-âge ayant dans la divine comédie créé une vision des enfers avec les neufs cercles superposés, "les enfers de Dante." Ça semblait très bien correspondre. Les enfers de Vante étaient donc séparés entre son passé et les actions qu'il faisait pour créer son futur dans sa carrière. Dans le fond, tout était d'une logique créée par le hasard parfaitement.

Il eut énormément de mal à finir à nouveau la pièce. Frustré de ne pouvoir mettre aucune scène violente qui pourtant devaient se trouver là, frustré de ne pouvoir donner une fin dramatique à sa pièce qui deviendrait un mélange bizarre entre une comédie et une tragédie. Il était en colère de ne pas pouvoir accomplir son destin comme il le disait, raconter cette histoire comme elle aurait dû se passer.

Et Jungkook supporta seul cet état désagréable pendant encore des semaines de douleur. Mais parfois, il avait droit à des moments tendres, ceux qui lui permirent de tenir.

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Ça va toujours ?

-𝐃𝐑𝐀𝐌𝐀𝐓𝐔𝐑𝐆𝐄 ᵏᵛOù les histoires vivent. Découvrez maintenant