Chapitre onze: Pardonne-moi

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New York, dimanche 10 mars 2013

Millie peinait à suivre le rythme effréné de la série de coups que je faisais pleuvoir sur elle. Elle esquivait de justesse et ne pouvait même pas riposter. Un croc-en-jambe plus tard, elle était au sol.

- C'est bon, toussa-t-elle en levant les mains, t'as gagné.

Je pris une seconde pour reprendre mon souffle, puis lui tendis une main qu'elle prit sans hésiter.

- T'es trop rapide pour moi, dit mon amie une fois debout. J'avais aucune chance.

Je lui tendis sa bouteille d'eau et répliquai :

- C'est parce que je t'en ai laissée aucune; j'avais besoin de me défouler. Mais un jour tu réussiras à vraiment me tenir tête. Vuko en a été capable, alors pourquoi pas toi?

- On verra bien, sourit-elle. Allez, on rentre, c'est moi qui prépare la bouffe, ce soir.

On passa au vestiaire de la salle d'entraînement se changer et récupérer nos sacs de sport, puis on rentra chez nous. Alors qu'Annie lisait tranquillement son roman sur le sofa du salon et que Millie s'armait de ses casseroles, je préférai aller m'installer sur une chaise de notre petit balcon. Silencieuse, perdue dans mes pensées, j'écoutais les bruits de la grande ville. Les piaillements des oiseaux, – dont une grosse majorité de pigeons – les voitures et les touristes en contrebas, la brise printanière qui sifflait contre les immeubles.

Plus de vingt-quatre heures plus tard, je n'arrivais toujours pas à croire que Loki avait pu me faire ça. Même après toutes les fois où j'avais dit ne pas vouloir parler de mon passé, même après tout. La Sentinelle avait eu raison. Mon passé avait fini par me rattraper, par ressurgir au grand jour.

Je baissai la tête et fermai les yeux. Une larme salée dégringola le long de ma joue. Il me semblait que je ne faisais que ça depuis la veille. Dès que je me retrouvais seule, que je pouvais sortir du personnage, je me mettais à trop penser puis à pleurer. J'avais mis des années à me construire une carapace contre mon propre passé et en quelques secondes seulement, l'une des rares personnes à qui j'avais accordé ma confiance avait tout fait reparaître. Les souvenirs, la douleur, les cauchemars.

La baie vitrée coulissa doucement pour laisser passer Annie. Elle s'assit en face de moi tandis que je détournais la tête, essuyant rapidement mes larmes du revers de la main.

- Qu'est-ce qui ne va pas, Lan? s'enquit-elle calmement.

- Tout va bien, répliquai-je durement.

- Dis ça à ta face, alors, soupira mon amie. Tu ne vas pas bien depuis que tu es revenue d'Asgard hier, n'essaie pas de me dire le contraire. Qu'est-ce qu'il a fait?

Je pinçai les lèvres, restai silencieuse, le regard lointain. Annie comprit que mon état était bel et bien dû à Loki, mais que je n'avais pas l'intention d'en parler. J'observai le vol d'un corbeau sans bruit. Après un long silence puis un soupir découragé, Annie finit par reprendre la parole :

- Je ne sais pas ce que Loki t'a fait, Lan, et je me doute que ça a mal viré. Mais il doit s'en vouloir. Il t'aime, tu sais.

- Hum... mettons...

- En tout cas, il t'a envoyé du courrier.

Je tournai rapidement la tête vers ma colocataire. Près d'elle, sur la rambarde du balcon, se tenait le corbeau que j'avais vu passer au loin un peu plus tôt. Un morceau de papier roulé était accroché à sa patte et il tenait dans son bec une fleur violette au centre enflammé. Une mirazh.

Une minute, j'eus un doute sur la provenance de l'oiseau, mais il s'avéra qu'il venait bel et bien d'Asgard. Loki s'excusait, me demandait, me suppliait, de venir le voir. Je restai silencieuse un bon moment, le papier serré dans une main, la fleur pincée dans l'autre.

Secrets, mensonges et illusionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant