Chapitre dix: Doux souvenirs et horreurs du passé Partie III

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Knowhere, dimanche 5 mars 2000 – 23 ans

Si Knowhere était avant tout connue pour sa colonie minière, elle l'était aussi pour son marché noir et pour son absence de règlements. Avec son regroupement massif de hors-la-loi, elle était loin d'être une destination vacances, mais pouvait s'avérer être une mine d'informations qui pourrait m'aider à résoudre l'énigme d'Inferna.

« Déplacée pour sa sécurité, Inferna siège désormais parmi le käçell et les akutas. »

La foule était particulièrement dense aujourd'hui. J'évitais le plus possible de me retrouver prisonnière parmi les gens, mais pour y arriver, je dus bousculer plus ou moins volontairement une demi-douzaine de personnes, dont quelqu'un qui en échappa une jarre pleine d'un liquide jaunâtre qui avait dû lui coûter une petite fortune au marché noir. Cependant, à peine était-il retourné que j'avais déjà disparu.

Si d'ici trois jours je n'avais soutiré discrètement aucune information ou surpris aucune discussion susceptible de me servir, je quitterais Knowhere et tenterais ma chance autre part. L'univers était vaste; j'avais tenté – et je continuerais de tenter – ma chance à de nombreux endroits tous plus différents les uns que les autres. Mon carnet se remplissait vite, mais ma quête avançait peu.

Quelque part sur ma gauche, dans une partie moins animée du marché de Knowhere, quelqu'un lança quelques mots dans une langue qui m'était complètement inconnue et qui furent traduits par mes brassards comme étant une salutation. Le marchand qui venait de m'interpeller se mit à me proposer certains de ses produits. J'allais décliner l'offre et reprendre ma route lorsque mon regard fut attiré par une paire de bottes et des gants noirs. Jetant un coup d'il aux sandales élimées que je portais aux pieds depuis des années, je revins sur mes pas.

- Combien pour ça? demandai-je en pointant les bottes.

- 450 unités, les gants inclus, répondit le commerçant, tout sourire.

- Ne me prenez pas pour une imbécile. Ça en vaut cinquante. Soixante, pas plus.

- Ça en vaut la peine, croyez-moi, affirma-t-il.

- Prouvez-le donc, le défiai-je.

Le commerçant sourit. Contournant son kiosque de fortune et se saisissant des souliers, il me les tendit.

- Essayez, alors.

Soupçonneuse, je m'en emparai et les enfilai, puis fit de même avec les gants. Confortables mais sans plus, ils n'avaient pas grand-chose de spécial.

- Saviez-vous, madame, que la gravité était quelque chose de très relatif?

Je n'eus ni le temps de faire un pas, ni de lui répondre : je fus projetée contre un mur par le colosse que j'avais bousculé plus tôt. Ses vêtements étaient couverts de liquide visqueux jaune et il était furieux.

- Te voilà, maudite garce! cracha-t-il à deux centimètres de mon visage, enragé. Sais-tu ce que ça m'a coûté ce truc? Et tu penses pouvoir t'en tirer après me l'avoir renversé?

Sur la table du commerçant qui commençait à se rétracter pour éviter la bagarre, je repérai la dague qui allait me sortir de ce léger pétrin.

- Absolument, lui répondis-je le plus calmement du monde.

Une seconde plus tard, la lame se retrouvait dans ma main et transperçait la chair de mon agresseur. Il relâcha sa prise, amenant ses mains à la plaie béante entre ses côtes. Il flancha.

Sans demander mon reste, je pris la poudre d'escampette entre les cris de protestation du commerçant que je n'avais toujours pas payé pour les bottes que j'avais aux pieds et les grognements mécontents du colosse qui, faisant fi de sa douleur, se relevait et s'élançait à ma poursuite.

Secrets, mensonges et illusionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant