Jour d'Automne [Tᴇʀʀᴀɪɴᴋ]

~Chapitre 15~

C'est ainsi que,dans les rues encore désertiques,deux adolescents insomniaques déambulaient sans soucier du bruit que leurs rires produisaient.
Après être rester un long moment juste en bas de l'immeuble,ils s'étaient éloignés pour ne pas réveiller quelqu'un.

L'air extérieur faisait un bien fou à Thomas qui avait l'impression de redécouvrir une nouvelle fois les rues qu'il arpentait pourtant quotidiennement.
L'atmosphère qui flottait en ce début de matinée était différente qu'en fin de journée.Même du haut de sa fenêtre il ressentait pas ce changement soudain d'ambiance.
Elle était plus douce, même si le vent matinal qui se levait commençait à les embaumer.
Ce vent le faisait doucement frissonner mais là n'était pas l'important.
L'heure de sortie jouait aussi sûrement sur l'atmosphère qui lui était étrangère.
Ou peut-être est-ce tout simplement la présence de Damien qui opérait sur cette étrange variation.
Le plus grand marchait d'ailleurs à sa droite,un sourire bloqué sur le visage depuis leur dernier fou rire commun.
Ses deux mains étaient fermement encrées au creux de ses poches et sa démarche toujours aussi nonchalante.
Il avait toujours cet air de constamment se moquer totalement de ce qui se passer autour de lui et de faire ce qui lui plaisait même si cela est peu anodin.
Très peu d'adolescents étaient dehors à une heure pareille ou sinon était déjà à l'extérieur depuis de bonnes heures et titubait au point de se réveiller dans quelques heures avec une immense gueule de bois.
Damien,lui,se contentait de se balader totalement sobre,même si son âge lui permet l'accès à aucun des bars.
Le brun arrêta ses songes pour se concentrer sur l'homme qui marchait à côté de lui.
Son regard bleuté était porté sur l'horizon sans jamais se détourner de cette direction.Des cernes assez prononcés qui  se voyaient un peu plus à cette luminosité ornait le dessous de ses mêmes yeux.
Ses cheveux n'étaient pas coiffés et se balançaient au rythme du vent,qui contrairement à Thomas ne lui donner aucun frisson.
Mais ses mèches décoiffées qui retombaient sur son visage l'obligèrent à sortir ses mains des poches pour les remplacer correctement.
Il pût ainsi voir le regard appuyé que portait le plus petit sur lui-même.
Leurs deux regards se croisèrent une ou deux secondes à peine avant Thomas dévit le siens vers ses chaussures sur le béton.
Damien ne releva pas plus que ça et continua de raconter un récit dont Thomas écoutait un mot sur deux.

Pour se changer les idées et essayer d'attirer son regard ailleurs que sur le visage pensif de son vis-à-vis, Thomas attrapa son téléphone prétextant de regarder l'heure.
Il était cinq heures et demi passées et aucune once de fatigue ne les guettait.
Ils marchaient toujours, ne sachant pas vraiment où ils allaient,mais au fond,peu importe où ils allaient,ils étaient ensemble et ça leur convenaient.

Une heure plus tard,leurs pas les avaient menés bien en dehors du centre-ville.
La lune avait fini par totalement déserté le ciel qui prenait petit à petit des teintes plus claires.
Les voitures qui les frôlaient le long du trottoir se faisaient de plus en plus nombreuses,les bruits de moteur reprenant le dessus sur le chant des oiseaux.
Le soleil commençait de reprendre sa place dans ce ciel ocre et brûlait leurs rétines.
Les lampadaires s'éteignaient,les rues éclairées par cette lumière naturelle.
«-Il faudrait que je rentre...dit Thomas,coupant Damien en plein milieu de sa phrase. »

Cela faisait un moment que Thomas n'avait rien prononcé,que le plus grand faisait la conversation à un sourd.
Damien était d'ailleurs un peu déçu que ses paroles lui dise simplement qu'il veuille déjà le quitter.
«-Bien sur,j'allais faire demi tour de toute façon,je te raccompagne.il sourit à la fin de sa phrase mais sa voix trahissait malgré tout sa certaine déception.»

Ils se remirent à marcher en sens inverse,cette fois-ci dans un silence qui traduisait une fatigue constante.
Ce silence n'était pas gênant,il laissait simplement les deux amis profiter de la présence de l'autre sans avoir à parler.
Le trajet jusqu'à l'immeuble de Thomas sembla encore plus court qu'en fin de cours,tout comme les deux heures qui venaient de s'écouler depuis qu'ils était dehors.
Ils restèrent à nouveau en bas de cet immeuble,ne disant toujours rien à cause d'un mélange de fatigue et d'autres émotions qui les habitaient.
Ils n'avaient aucune idée de quels mots prononcés à cet instant et avaient donc préféré faire l'impasse sur la parole,leurs regards faisant déjà une discussion.
Thomas avait beau l'observer autant qu'il voulait, il n'arriver pas à cerner l'énigme qu'était le châtain à ses yeux.
Ils restèrent ainsi,soutenant le regard de l'autre sans le dévier dans un vent glacial qui contrastait avec le jour naissant qui apportait avec lui un ciel particulièrement bleu pour un mois de Novembre.

C'est donc un simple sourire de la part de Damien qui signifiait un « au revoir » qu'ils ne souhaitent aucunement prononcé à voix haute.
Eux qui avaient eu du mal à se retrouver tout à l'heure,avaient désormais encore plus de mal à se séparer après ces deux heures d'inconscience partagées.

Le plus grand avait ensuite rapidement tourné les talons pour commencer à remonter la rue qui se gorgeait de voiture.
Thomas avait refermé la porte vitrée derrière lui mais cela ne l'empêcha pas de se retourner pour voir la silhouette de Damien qui l'éloignait à contre jour.
Il resta là,à attendre de ne distinguer qu'une brève ombre pour finalement remonter dans l'appartement.
Il passa en vitesse dans le hall et dans les escaliers,le bruit qu'il faisait n'étant qu'un détail dont il ne souciait guère.

L'appartement était encore silencieux quand il referma la porte derrière lui,ce qui était normal en week-end.
La dernière porte qu'il referma de la matinée fut celle de sa chambre.
Elle était restée comme il l'avait laissé en partant,son bureau ensevelit sous des papiers et ses volets encore ouverts, laissant sa chambre se gagner de lumière au fur et à mesure que l'heure avançait.
Il ne prit même pas la peine de les fermer pour atténuer la luminosité et encore moins de ranger ou de finir ce travail qu'il avait laisser en suspens.

De toute façon il était trop fatigué pour réfléchir à quoique ce soit et il se laissa tomber sur son matelas en soupirant de satisfaction,s'apprêtant à rejoindre les bras de Morphée d'une seconde à l'autre.
La seule chose qui l'en empêchait était son esprit enchevêtré dans un amas d'émotions.
Il lui rappelait sans cesse le dernier sourire que lui avait adressé Damien avant de partir.
C'était un de ces sourires francs et maladroits,empli de fatigue dans le même temps.
Et c'était fou à quel point ce sourire pourtant si banal pouvait rester gravé au fond de sa mémoire sans qu'il puisse s'en détacher.