J'écrasais le mégot de ma cigarette dans le cendrier prévu à cet effet. Posé sur la table basse d'un salon tiré aux quatre épingles. Tout était clean dans cette maison dont la propriétaire, Keyla, sortit de la cuisine et me sourit. La mère de Deagan, mon meilleur ami. Mon frère.Elle avait les mêmes cheveux blonds que son fils, des yeux rieurs d'un bleu électrique et un sourire enjôleur. J'avais beaucoup d'affection pour cette femme qui m'avait quasiment élevé pendant un an, après la mort de mes parents. Sans elle, comme la plupart des mecs de 21 ans orphelins, paumés et connard sur les bords, j'aurai fini en centre de réhabilitation. Peut-être même en foyer et au pire des cas, dans la rue à faire la manche. J'ai grandi sans vraiment avoir de super-héros jusqu'à ce qu'elle ait la générosité de m'accepter sous son toit.
— Ça y est, mes deux bébés quittent le nid. Mon dieu, je suis tellement fière de vous !
Ses bébés. Sans déconner, elle continuait à nous appeler comme ça, Deagan et moi. Je relevais les yeux vers elle pour l'observer. Les siens étaient baignés de larmes, sa main posée sur son cou, elle me fixait avec tendresse. Je secouais la tête, me levais et avançais pour la prendre dans mes bras.
La première fois en 365 jours.
Stupéfaite, Keyla ne bougea pas durant les premières secondes. Puis, comme je la serrais davantage contre moi, ses bras firent de même. D'abord timidement, puis elle m'enveloppa de sa chaleur rassurante. Son parfum m'envoutait, et laissait percevoir un savoureux mélange de cannelle mélangée à de la vanille.
— Tout va bien se passer, murmura-t-elle. Et tu sais qu'au moindre problème tu m'appelles. Deagan sera là pour toi aussi, ne l'oublie jamais.
Je me dégageais de son étreinte au moment où ce dernier déboula des escaliers.
— Allez une longue route nous attend ! Maman ne sois pas inquiète, je veillerai sur lui comme sur ma propre vie. Tu as ma parole.
Il me donna une de ses accolades et attrapa mon sac de voyages qui traînait dans le coin. Toutes mes affaires les plus importantes étaient entassées là-dedans. Devant mon hésitation, Deagan me poussa vers la porte d'entrée parce qu'il savait très bien que j'aurai du mal à quitter la maison sans un coup de pouce. Tout mon corps me criait de ne pas partir, de rester ici en sécurité et pourtant. La vie devait continuer.
— Soyez prudent mes garçons ! Pas de bêtises ! Attention aux fêtes et aux substances illicites ! Inutile de devenir père cette année. Attendez au moins d'avoir obtenu votre diplôme.
— Nous ne sommes plus des gamins, maman. On va gérer haut la main, pas vrai petit frère !
Deagan passa derrière moi qui fermait le coffre de la voiture, puis il ouvrit la porte côté conducteur.
— À dans un mois, maman ! Sois sage d'ici là ! Je t'aime !
Keyla lui adressa un signe de la main, tandis qu'il refermait la portière. Je restais debout, adossé contre le 4x4. Je scrutais Keyla qui faisait de même. Soudain, en langage des signes, elle me signa qu'elle m'aimait et me dit de faire attention à moi. Je lui répondis de la même façon, un sourire au coin des lèvres. Cela faisait un an que nous communiquions de cette façon. Elle avait su trouver comment me parler là où d'autres n'avait pas compris ma détresse.
Soudain, cet imbécile de Deagan klaxonna et je me dépêchais de rentrer dans sa caisse.— C'est parti mon vieux ! lança-t-il, enjoué. Putain, à nous la liberté mon frère !
Il démarra le moteur, klaxonna à nouveau bien qu'il soit 22h et mit les gaz. Je serrais les dents et les poings face au monde inconnu qui nous tendait les bras. Si Deagan rêvait depuis toujours de quitter le nid familial, mon enthousiasme s'était amoindrie depuis ce jour horrible où mes parents avaient disparu.
Deagan vivait chez sa mère tout en allant à l'université. Trois ans auparavant, nous nous étions liés d'amitié, jouant dans la même équipe de football américain. Tout allait pour le mieux, ma vie semblait comme tout étudiant, déjà tracée. Et puis il y a un an, le drame m'a frappé. Énormément de choses ont changé suite à cela. Néanmoins pour notre troisième année, Deagan et moi avons décidé de sauter le pas et prendre une chambre. C'était surtout pour lui faire plaisir et qu'il me pardonne de l'avoir autant emmerdé avec mes problèmes. Mon pote ne s'est jamais plaind mais je culpabilisais à mort alors la décision a été prise de quitter la maison. Pour un renouveau. Rencontrer du monde et tenter d'aller mieux. Du moins, en théorie.
Sans plus attendre et parce que la route allait être longue, je décidais de mettre le casque sur mes oreilles et d'écouter de la musique. Elle défilait comme le paysage noyé dans le crépuscule, me plongeant dans un monde parallèle, ce qui me fit du bien. Comme d'habitude, je fermais les yeux, me laissant bercer par le morceau plutôt dynamique. Deagan savait que dans ces moments-là il devait me foutre la paix.
J'avais besoin de ne faire qu'un avec le rythme des basses, voire du chanteur lui-même. C'était ma seule échappatoire et Dieu seul savait combien j'avais tenté d'en trouver d'autres beaucoup moins cool.
La voiture, lancée sur une rue déserte me berçait également. Pendant une heure et demie, le trajet se déroula sans encombre. Bien que Deagan aimait conduire, cela allait bientôt être mon tour de prendre le volant alors je résistais pour ne pas m'endormir. Seulement, ma journée avait été épuisante, et sans le vouloir, je tombais dans un profond sommeil.
Qui allait vite se transformer en un putain de cauchemar.
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J'espère que ce 1er chapitre vous a plu. Si oui, n'hésitez pas à laisser un petit commentaire. Ça fait toujours plaisir étant donné que je partage cette histoire avec vous. À très vite pour la suite.
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Au-delà de ton silence
RomanceJ'avais tout. Star de l'équipe de football, fils unique, des parents aimants, la vie me souriait et l'avenir semblait prometteur. Mais quand on croit briller parmi les étoiles, la chute au sol est redoutable. Il ne reste plus rien, mise à part les...