10- Désillusions

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Je me redressais sur mon lit, choqué par son aveu. Elle dut lire la surprise dans mes yeux car elle poursuivit :

- J'avais proposé ma candidature il y a un moment. J'attendais la réponse et elle est tombée ce matin.

Je froncais les sourcils.

- Cachée dans un bouquin ?

Anna-Beth soupira.

- Mes parents ne doivent pas être au courant. Ils veulent que je continue à aller à l'université mais moi ce n'est pas ce qui m'intéresse. De toute façon, tu n'as pas l'air de quelqu'un à qui je peux en parler.

Je ne répondis pas. Je ne voulais pas plonger dans son univers, m'intéresser à la tragédie de sa vie. J'avais déjà mon lot de conneries. Pour qui me prenait-elle, sa meilleure amie ?

- Anna-Beth, je... parle-moi simplement de l'accident. S'il te plaît.

Elle remit l'enveloppe dans le livre, et parut déçue.

- Bien sûr. Au moins, après, tu seras débarrassée de moi. Bref. O. K. Ce soir-là, je suis sortie en douce avec Cassandra pour me rendre à une fête. Sur le chemin, pendant qu'elle conduisait, on a vu ta voiture encastrée dans un poteau. Il n y avait personne aux alentours alors sans hésiter, je suis venue vers vous pendant que mon amie appelait les secours. Toi, tu étais coincé entre le corps de Deagan et le volant, à moitié conscient. Du sang s'échappait de ta tête, ton oreille et une espèce de barre en acier sortie de je ne sais où t'avait transpercé l'épaule.

Elle se leva et alla observer le mauvais temps par la fenêtre pendant que je gardais le silence. La douleur au niveau de ma clavicule, oui, je m'en souvenais encore. C'est de là que provenait ma cicatrice.

- J'ai gardé ma main appuyée sur ta blessure jusqu'à ce que les pompiers arrivent. Sans ça, d'après ce qu'ils ont dit tu aurais perdu beaucoup plus de sang.

Elle me fit face.

- Je suis désolée pour ce qui t'es arrivé. Personne ne mérite de vivre ça.

J'inspirai un bon coup, essayant de me remettre de son récit.

- Merci de m'avoir sauvé. Mais peut-être qu'il aurait fallu que je meurs ce soir-là. Au lieu de...

Je ne pus achever ma phrase, mes yeux fixant le vide. Mon heure n'était pas venue, ou c'était une simple question de temps. Le chemin de notre avenir était déjà tout tracé, seulement nous n'en connaissions pas les embûches. On ne pouvait pas éviter l'inévitable. Juste essayer de le contourner mais l'issue serait toujours la même : fatale.

- Tu as perdu tes parents, Silvàn. Je ne crois pas qu'ils souhaitent que tu les rejoignes aussi vite. Je dois m'en aller. J'espère que rendre visite à ton ami te fera du bien. Dès ce soir, ta sonnette sera installée.

Anna-Beth quitta ma chambre et je ne la retins pas. Il s'était passé trop de chose en moi l'instant où elle se trouvait ici. Mes émotions étaitent chamboulées. Je ne savais plus où j'en étais. Cela faisait un an que je n'avais pas ressenti ces sentiments.
Ça devait s'arrêter. Tout de suite. J'étais incapable d'aimer. C'était comme si j'avais érigé un mur, une sorte de carapace dont plus personne n'avait accès.
Et pourtant...

Je me ressaisie, attrapais mon fauteuil pour me hisser dessus quand le ding de l'ascenseur retentit. Les portes s'ouvrirent sur Keyla.

- On est en train de t'installer une sonnette en bas, ils viendront ensuite ici. C'est plutôt cool.

Face à mon silence, elle reprit :

- Silvàn...

Je lui signais que je ne désirais pas parler de ce qui s'était produit à table. Elle me répondit de la même façon.

Au-delà de ton silence Où les histoires vivent. Découvrez maintenant