5- Connaissance

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La femme qui était assise dans la voiture posa son livre sur ses genoux et me regarda intensément. Néanmoins cela n'avait rien d'inquisiteur comme toutes les personnes dont j'avais croisées la route à l'hôpital. Elle dégageait quelque chose de différent, m'accordant une attention particulière. Comme si, dès cette première rencontre, elle cherchait à creuser au-delà de mon apparence.

— Monsieur, je m'appelle Stanford. Permettez-moi de vous offrir mon aide pour vous asseoir dans la voiture.

Je bifurquais mes yeux vers le chauffeur. Un homme robuste, aux traits durs. Des cheveux coupés en brosse à la militaire, un visage carré avec une moustache épaisse qui soulignait sa lèvre supérieure. Il en imposait largement. Ses yeux marrons me scrutaient dans l'attente de ma réponse. Je jetais un œil à Keyla qui m'encouragea d'un signe de tête.

Soudain, l'inconnue dans la voiture déclara :

— Peux-tu entrer et t'asseoir s'il te plaît. Avec la porte ouverte le chauffage s'évapore.

Elle reprit son bouquin et replongea le nez dans sa lecture comme si de rien n'était. Ne se préoccupant pas de ma réaction. J'adressais un signe de tête à Stanford qui se baissa pour me hisser sur la banquette arrière de la somptueuse berline. Je lâchais un faible "merci" à nouveau mal à l'aise, tandis qu'il refermait la portière. Ensuite il ouvrit celle de Keyla, avant d'aller plié mon fauteuil et le ranger dans le coffre.

Une fois tout le monde à bord, la mère de Deagan se tourna vers moi.

— Ne t'inquiète pas. Tout va bien se passer. Nous allons au manoir de mon amie Catherine Van Hooken. Une fois sur place, je t'expliquerai la suite des événements.

Je rejetais la tête en arrière, crevé de ma nuit dernière. Perturbé par mes cauchemars. Toujours les mêmes. La mort de mes parents, et en prime cet accident avec Deagan. Mon pote me manquait vraiment malgré les circonstances. J'avais hâte de pouvoir discuter avec lui pour tenter de comprendre son comportement.

Bref. Je soupirais et espérais qu'on ait prévenu l'inconnue assise à mes côtés que je ne parlais à personne. Faire la conversation n'était pas prévu au programme. Je posais mon front contre la vitre, tandis qu'une musique classique s'élevait dans l'habitacle. Stanford et moi n'allions définitivement pas être amis. Après tout, tant qu'on me foutait la paix, cela m'allait aussi. Il engagea une discussion avec Keyla.

Satisfait de la savoir à son aise, je fermais les yeux.

— N'aie aucune crainte. Ma famille et moi n'allons pas te faire de mal. Qui que tu sois.

J'ouvris les paupières puis fronçais les sourcils. Merde. Cette femme comptait vraiment discuter avec moi ? Je serrais les dents, puis répondis :

— Ça tombe bien, je ne suis personne.

— À mes yeux, c'est clair. Ne perturbe pas notre équilibre familial, et tout ira bien.

Elle posa son livre et se tourna complètement vers moi en me tendant sa main. Du vernis rouge recouvrait ses ongles, identique à la couleur de ses lèvres pleines.

— Je m'appelle Anna-Beth Van Hooken. Enchantée.

Elle finit par croiser les bras en constatant que je n'allais pas lui serrer la main.

— Papa et maman t'accueilliront comme il se doit. Nous possédons la plus grande propriété de New Village, à quelques kilomètres de New York. Un cadre chaleureux, avec des jardins immenses, remplis de fleurs aux couleurs magnifiques. Le week-end nous permettons aux personnes extérieures de venir visiter. Sous bonne escorte bien évidemment. Notre domaine est sensationnelle...

Au-delà de ton silence Où les histoires vivent. Découvrez maintenant