Chapitre VIII

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Lancelot/Klébert


Le maître de maison posa une main amicale sur mon épaule. Il était simplement venu me demander si je manquais de quelque chose, quel qu'il soit. Je n'avais pas eu le temps de déballer « mes » affaires et ne savais donc pas si elles étaient complètes, mais une chose ne s'y trouvait pas, j'en étais certain; Une guitare, mon instrument de prédilection. Je lui fis part de ma requête, il me l'accorda mais avant de repartir vaquer à ses mystérieuses occupations il ajouta :

– J'ai pour habitude de combler les désirs de ma fille, il en sera de même avec vous.

Mon cœur se déchira. Quelle délicieuse sensation que cela devait être d'avoir un paternel prévenant et attentionné. J'acquiesçais. Mon père n'avait jamais été un modèle de vertu ; il m'avait appris à voler avant de m'apprendre à parler. Il était mort quelques années auparavant, ne laissant derrière lui qu'une guitare désaccordée. Elle était vite devenue mon gagne-pain. Un des hommes en noirs dont j'avais pu faire la connaissance durant ma tentative de fuite vint me remettre l'instrument, plus tard dans la soirée. Je caressais le bois du bout des doigts, splendide. Je remerciais le cerbère et quittait ma chambre, pressé de l'essayer. Je savais exactement où mes pas me conduisaient. J'avais remarqué un petit patio en arrivant, l'acoustique devait y être excellente. Il n'avait visiblement pas été entretenu depuis longtemps. Exactement ce qu'il me fallait, je m'y sentirais plus à l'aise que dans le sombre manoir où ne régnait ni le bruit ni la poussière. Je commençais à chanter lorsque j'entendis des pas s'approcher. Je vis deux yeux briller de malices derrière l'orange, je tressaillis ;

– Alors on s'est perdu princesse ? dis-je d'une voix mal assurée. 


Timide, elle sortit de la pénombre. 


– Ton père m'a demandé ce que je voulais en cadeau de fiançailles...

Mon cœur se serra lorsque son visage fut baigné de lumière. Quelle ironie ! Elle n'avait probablement jamais côtoyer les ténèbres comme moi je les avaient frôlées. Toute sa vie, elle n'avait eu qu'à tendre la main pour obtenir son pain, pour obtenir la reconnaissance, la richesse, le confort d'un toit et d'un père aimant. Une flamme de révolte me souleva l'estomac. Les mots déferlèrent sans que ma conscience ne puisse les contenir. La pauvre petite se laissa engloutir jusqu'aux larmes :

– Ce n'est pas un palais de glace, monsieur Klébert d'Aspermont, c'est une prison d'or, d'argent et de cristal, sa voix se brisa.


Sa voix se brisa tel du verre, je ne sais pour quelle obscure raison, mais c'est comme si le verre avait entaillé les parois de mon coeur. 


– Je veux simplement vivre s'étrangla-t-elle entre deux sanglots. 


Ma conscience refit surface et mon subconscient me fit réaliser la violence de mes paroles, que je regrettais, désormais. Ma colère s'estompa et je me penchais vers elle pour l'étreindre. Elle se laissa aller à moi et j'essuyais du pouce les larmes naissaient au coin de ses yeux. 

La prison d'or, d'argent et de cristalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant