Chapitre 23 - corrigé

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Cachée sous les draps de ce lit bien trop grand, les bulles du champagne me montaient à la tête. Comment cette soirée avait-elle pu virer aux désastres ainsi ? Quelle maladroite j'étais, quel malotru il était. Ma robe de chambre, qu'on m'avait prêtée, tombait lâchement sur mon corps. Je me levai pour détendre mes muscles tendus. Sur la pointe des pieds, je descendis les trois étages déserts non sans me perdre au préalable. La grande fenêtre qui me faisait face laissait apercevoir le clair de lune sur la cour enneigée. Aussi blanche que du coton, elle semblait intemporelle en ce moment. Personne d'autre ne connaîtrait ce moment, moi-même je ne le revivrai plus jamais après cet instant. Je mis des bottes de chasse trouvées dans le vestibule et sortis. Les bras étendus de part et d'autre de mon corps, je tournoyai sous les flocons, ondulai sous les étoiles. Mes pieds piétinaient la neige qui craquait sous leur poids.

Une lumière fusa d'une fenêtre à l'étage et sa silhouette se dessina derrière celle-ci. Il ouvrit le battant pour mieux m'observer de haut.

- Mais que faîtes-vous encore, bon sang ?

Je tournais encore plus vite en envoyant mes bras valser de plus bel autour de mon corps.

-Mais je danse ! Je danse Daniel, criai-je aux ténèbres la tête levée vers le ciel.

Un ange passa au milieu du silence qui s'ensuivit.

-Vous devriez retourner dans vos appartements. Surtout qu'une femme seule ne devrait pas loger chez un homme seul, et encore moins chez deux hommes seuls...

Il referma sa fenêtre mais le rideau ne retomba pas immédiatement sur le carreau.

***

Dans le carrosse, aucun son de la ville ne parvenait à nos oreilles malgré le lever du soleil. L'heure que nous devions passer ensemble dans ce petit habitacle ne pouvait se passer ainsi, cela devenait difficile de déglutir et de n'entendre que cela au point d'en devenir gênant.

-Vous êtes bien silencieux. Est-ce à propos de la veille ?

-Les commérages vont bon train ce matin, souffla-t-il la tête appuyée contre la banquette.

-Vous avez donc si peur pour votre réputation...

-Ne dîtes pas de sottises Élisabeth !

-Ah oui ? Il est donc question de vos charmants amis ? De vos connaissances féminines faussement prudes ? De votre réputation au côté d'une femme de bassesse d'âme comme moi ? M'emportai-je vexée et humiliée au plus profond de moi.

-Mais il s'agit de vous, bon dieu ! Je ne puis vous défendre afin de ne pas attiser les ragots... mais si j'avais pu ! Oh, je vous jure devant notre seigneur que je les aurai défiés un par un pour avoir osé parler de vous de la sorte ! Mais je ne pouvais pas ! Je ne pouvais pas au risque de vous compromettre !

Sa colère enveloppa tout autour d'elle tandis qu'il crachait les mots comme s'ils lui brûlaient la bouche.

-Ne comprenez-vous donc pas les enjeux ? Imaginez un seul instant que votre réputation soit entachée et cela par ma faute !

-Ne vous en faites pas pour elle, je vous rassure. Je ne suis ni une enfant ni une âme fragile.

-Je le sais bien cela... Je n'en peux plus de me disputer avec vous.

Depuis la veille, j'agissais de travers, sans réfléchir. J'oubliais les mœurs que à respecter et les règles du jeu que je contournais pour lui.

-Excusez ma mauvaise foi Daniel, je sais très bien que vous ne souhaitez que mon bien...

L'homme hantant mes pensées attrapa mon menton et planta ses yeux dans les miens.

-Vous êtes impulsive et passionnée mais vous ne pouvez vous conduire ainsi Élia. Il y a des enjeux, vous auriez pu vous compromettre et votre liberté vous serait prise...

A l'égard du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant