Chapitre 31 - corrigé

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Sans surprise Thomas mena son équipe à la victoire bien après l'heure du dîner, seul les abandons permettaient d'avoir la place gagnante et ainsi la fin de la course. Mais ne souhaitant pas côtoyer un homme dont je connaissais le funeste destin, je priais Daniel de rentrer à la maison avant le retour des vainqueurs. Il obtempéra immédiatement s'inquiétant de la brise qui nous fouettait. De retour dans la voiture, je frictionnai mes mains l'une contre l'autre ; l'euphorie de la course retombée, chaque degré manquant était à présent ressenti. Le Vicomte s'empara de mes mains glacées et souffla délicatement dessus pour y insuffler de l'air chaud. Son sourire fit fondre mon coeur et je finis le trajet pelotonner sur ses genoux.

-Révélez-moi un autre de vos secrets.

-J'ai toujours voulu être institutrice au point que je menaçais ma soeur si elle ne jouait pas avec moi. Une fois, elle a eu l'audace de refuser alors j'ai pris toutes ses poupées auxquelles j'ai coupé les cheveux. J'ai dû lui donner les miennes...

Ma tête tressauta sur sa poitrine lorsqu'il ricana de ma réponse. Le trajet du retour était bercé par son timbre de voix mélodieux me contant un futur imaginé. Celui que nous aurions pu avoir si tout était plus simple. Il imagina aussi bien notre domaine sous le soleil couchant que mon corps qui donnait la vie à des enfants nés de nuits d'ivresse. Il était si facile de fermer les yeux et de saisir cette chance de bonheur. Mais à défaut de pouvoir créer une famille dans ce siècle que j'avais adopté, je devais m'occuper de ma famille, à mon époque. Ils avaient déjà perdu leur première fille, ils ne pourraient supporter la perte de leur dernière.

-Nous aurions un chien aussi, ajoutai-je.

-Un chien ? Quelle idée, mais si cela vous rend heureuse... nous en aurons même trois ! Je vous apprendrai à chevaucher pour parcourir les prairies à vos côtés, votre chevelure de feu s'envolera autour de votre visage et cela sera plus beau que le soleil couchant.

- Et votre chevelure de jais s'envolera autour du votre pour montrer au monde entier votre noblesse d'âme.

Un lourd soupir bomba son torse et le silence retomba dans le carrosse. Les sabots des chevaux claquèrent sur les pavés de la cour de l'Hôtel. Nous nous engouffrâmes en courant à l'abri des bourrasques et jetèrent nos capes dans l'escalier avant de les escalader aussi vite. Nos doigts entremêlés ne s'étaient pas quitter une seule fois. La porte de la bibliothèque claqua derrière notre passage et le feu fut assailli par nos corps enlacés face à lui.

Une fine pellicule recouvrait nos peaux et d'un geste je décollai une mèche collée au front de Daniel.

-Puis-je ? le questionnai-je sa natte dans la main.

Il acquiesça et je passai derrière lui pour étendre mes jambes de part et d'autre de son corps. La corde qui retenait son rideau de soie tomba sur le tapis cotonneux, et je passai mes doigts entre pour en défaire la tresse. Pour la première fois je vis ses cheveux libres. Il en était encore plus beau. Des reflets s'ajoutaient pour nuancer le noir profond qui les caractérisait. Les mèches glissaient de mes doigts comme l'aurait fait une eau précieuse, avec fluidité et rapidité tellement ils étaient soyeux. La cascade sombre dévalait son dos pour en camoufler les dizaines de petites cicatrices zébraient ses épaules. Je les embrassai chacune leur tour en sachant d'où elles provenaient. Daniel ne bougeait plus, il ne respirait plus. Et aucune ne fût oublier. Dix-sept.

-Mes cheveux me permettent de ne pas les voir tous les jours dans le miroir. Je ne les couperais jamais.

Il me tuait à petit feu par sa culpabilité, et je voulais être à ses côtés pour l'aider à supporter la douleur. Au lieu de cela, je lui rajoutais un fardeau à porter.

-Daniel, me faîtes-vous confiance ? demandai-je par dessus le crépitement de la cheminée.

Il hocha de nouveau la tête et s'autorisa à débloquer sa respiration lorsque je repassai en face de lui.

A l'égard du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant