- Bonjour Monsieur le Vicomte de Nicolay. Je me baladais lorsque j'ai vu vos armoiries sur cette façade, inventai-je prise de panique. Quelle coïncidence !
Par un geste circulaire, j'englobai tout le bâtiment devant lui. Je m'attardais dessus en imaginant la moindre pièce et le moindre objet que pouvaient cacher ces murs. Je rougis légèrement quand mes pensées imaginèrent la chambre de l'homme se tenant face à moi.
- Ah... Madame de Pavonce, c'est un plaisir de vous revoir de façon aussi... soudaine.
Il portait toujours un manteau ainsi que des bottes crottées. Ses longs cheveux étaient ramenés en cette éternelle natte mais un brin décoiffés cette fois. D'où pouvait-il revenir affublé ainsi ?
- Je souhaitais vérifier qu'il s'agissait bien de votre famille, mais personne n'était présent, tentai-je de me justifier.
- Bien sur ! Pardonnez mes manières une fois de plus, souhaitez-vous vous réchauffer à l'intérieur Madame ?
Il n'avait ni ce ton chaleureux ni cet air malicieux qu'il pouvait arborer en temps normal. Il semblait même agacé, une fois la surprise passée.
- Vous avez l'air las... je ne souhaite vous déranger plus, Monsieur le Vicomte.
Je lui fis un petit sourire contraint et engageai mon départ. Je n'allais pas le supplier pour obtenir son amitié aussi nécessaire fut-elle. Arrivée à sa hauteur, il se mit en travers pour me barrer la route et enfonçait ses mains dans ses poches.
- Ne vous offusquez pas pour si peu voyons. Une mauvaise journée arrive à tout le monde, tenta-t-il d'expliquer pas plus déridé.
- Je n'aime pas vraiment votre façon de me traiter Monsieur le Vicomte. Je préfère donc prendre congé.
Alors que je n'étais pas petite, il ne prenait même pas la peine d'incliner la tête pour me parler. Il baissait simplement son regard en me surplombant de toute sa carrure ; cela lui conférait une dominance agaçante. Il se recula d'un pas et tenta une nouvelle approche en se faisant visiblement violence pour être aimable.
- Votre compagnie me serait des plus agréables afin d'oublier cette désastreuse matinée.
- Et si vous m'expliquiez déjà la-dite matinée ? Proposai-je curieuse de comprendre le changement de comportement chez cet homme.
- Nous n'en sommes pas encore aux confidences Madame. Mais nous pouvons remédier à cela très prochainement...
Il retrouva sa voix suave pour glisser ses quelques mots. Je roulai des yeux et me contentai de l'inviter sur un autre chemin.
- Je souhaitais me rendre dans une librairie.
- Et bien allons-y, proposa-t-il tout en faisant appeler son cocher et nettoyer ses chaussures.
Je fus attendrie par la gentillesse avec laquelle il traitait ses employés. Cela ressemblait presque à un respect mutuel entre homme de même rang ; ce qui était étonnant pour ce siècle. Mais cet aristocrate était atypique, en tant que femme il ne me traitait jamais comme inférieur mais comme égal pour partager ses joutes verbales. Natalia l'avait compris avant moi.
L'espace dans sa voiture semblait très étroit à cause de sa présence. Je collai mon front à la surface froide de la vitre pour calmer ma nervosité naissante.
- Vous ressemblez à une enfant qui découvre le monde, ainsi.
Sa voix rauque s'insinua jusqu'à mes oreilles mais je ne bougeais pas d'un pouce. Il ne pouvait pas savoir à quel point il avait raison. Je découvrais son monde, j'apprenais à l'aimer et je m'y plaisais plus que prévu. Une mélodie s'échappait de mes lèvres au rythme des rues qui se matérialisaient devant moi. J'étais dans un cocon assise sur ce siège moelleux, admirant le spectacle d'une vie lointaine, à l'abri de tous les regards sauf de celui d'un homme.
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A l'égard du Temps
Historical FictionQue se serait passé-t-il passé si nous étions nés à une autre époque. Qu'aurait-ce fait de vivre la Révolution ou les Années Folles ? En rêver n'est pas tout à fait pareil que de le mettre à exécution. C'est ce qui se passe lorsqu'Elia, étudiante en...