Chapitre X

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On arriva en vue de Chassade en fin d'après-midi. La ville qui était d'une taille raisonnable se tenait à l'orée d'une immense forêt. De là où nous nous trouvions, on entendait les bruits de la vie qui l'habitait ainsi que ceux des travaux en cours pour l'édification des remparts. De grands blocs de pierre étaient disposés un peu partout, ils allaient certainement servir à la construction de la base des futurs murs d'enceinte.

Le chantier employait un nombre incalculable d'ouvriers qui commençaient tout juste à s'en aller lorsque l'on arriva à l'entrée principale. On en profita donc pour se glisser parmi eux et entrer sans se faire arrêter par les sentinelles Samourats postées de part et d'autre de la future grande porte de la ville. Ainsi Chassade avait l'air d'être en pleine expansion et cette construction impressionnante allait prendre du temps, preuve que le comte ne pensait pas que la situation allait s'améliorer, ou alors il y avait une autre raison à ce chantier, masquée par celle des pillards.

Les rues de la ville étaient en terre battue, des détritus la jonchaient en de nombreux endroit. Avec la chaleur de la journée, l'odeur de décomposition qui s'en dégageait était difficile à soutenir. Je plissai le nez en me demandant combien de temps il me faudrait avant de m'y habituer.

Des enfants jouaient et couraient dans la voie principale, il y avait de l'animation, différents groupes de personnes discutaient entre elles ici et là. Tarkal m'informa qu'il savait où trouver une auberge où passer la nuit et qu'on se mettrait à la recherche de matériels et de vêtements neufs le lendemain matin. On passa devant quelques échoppes, un cordonnier, un tailleur, un forgeron, je ne perdais pas une miette de tout ce que je voyais. La plupart des maisons étaient en bois et les plus élevées ne dépassaient pas deux étages. J'observai les femmes vaquer à leurs occupations ménagères en me demandant si ma vie deviendrait un jour comme la leur et j'avoue que je n'arrivais pas à savoir si leur condition me faisait envie ou non. Je rêvais d'aventures et d'horizons lointains et non d'un mari à satisfaire et d'une maison encombrée d'enfants à entretenir même si on m'avait toujours inculqué que c'était l'unique rôle d'une femme.

– Tarkal ?

– Oui ?

– Avez-vous déjà eu vent d'histoires de femmes aventurières ?

Il eut l'air de chercher profondément dans ses souvenirs.

– Je suis désolé, mais je ne crois pas. Pourquoi ? Vous vous verriez bien parcourant le monde et accomplissant des exploits ?

Il arborait un léger sourire en coin.

– Non, pas à ce point-là, mais je n'arrive pas à m'imaginer en parfaite ménagère soumise et féconde.

– Moi non plus je ne vous imagine pas dans ce rôle. De toute façon pour l'instant la question ne se pose pas et je n'attends rien de vous en particulier, vous êtes libre de choisir la vie que vous souhaitez.

– Je sais et je vous en remercie. Mais comme vous le dites, la question ne se pose pas encore, mais ça viendra.

Sur ces mots, Tarkal nous arrêta devant une grosse bâtisse à colombages sur deux étages qui n'était autre que l'établissement respectable dont il m'avait parlé. Au rez-de-chaussée se trouvait une taverne, Tarkal attacha Ombral devant le bâtiment et on y pénétra.

Le plafond bas rendait l'endroit plutôt sombre malgré les nombreuses fenêtres à petits carreaux qui encadraient la porte. La salle principale avait l'air propre et bien tenue. Plusieurs tables occupaient l'espace, il y avait une immense cheminée au fond de la pièce dans laquelle une soupière laissait échapper de gros bouillons et où une pièce de viande rôtissait à la broche. Un jeune garçon était chargé de tourner celle-ci continuellement afin qu'elle ne grille pas trop, il avait les joues rouges et je voyais les gouttes de sueur couler de ses tempes. Un escalier plutôt massif prenait tout l'angle à côté de la cheminée et montait en colimaçon vers l'étage où devaient se trouver les chambres.

Astria Tome I MétamorphoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant