Chapitre 22

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  26 Juillet 2019.

C'est le jour de trop.

À cause de la météo la route est impraticable, et cette étape est arrêtée en pleine foulée ; stoppant le chronomètre à l'un des cols où Julian venait de lâcher. Il était pourtant en train de rattraper tout le monde dans la descente d'après, mais cela n'a pas suffi pour qu'il garde son maillot jaune. C'est Egan Bernal qui le récupéra, sous les yeux ébahis de sa fiancée et de toute la Colombie.
Julian est pris de rage en apprenant l'arrêt de la course en plein milieu de sa descente. C'est en regagnant la voiture, arrivé dans la foule, qu'il reprend son sourire. Il se met à danser, acclamé par la foule qui entoure la voiture de la Deceuninck. On peut le voir heureux, avec des yeux d'enfants, où toute sa colère avait disparu laissant place à l'ampleur de la joie qu'il avait pu accumuler pendant ce Tour de France. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour que son naturel retrouve son corps. Et c'est pour cette folie qu'on s'était tous attachés à lui. Pour ce positif, et toute cette rage de vaincre qu'il avait encré en lui.
Il regagne son coéquipier Enric en lui sautant dessus, le sourire aux lèvres. L'ampleur de leur amitié ne pouvait guère passer inaperçue. Ils sont liés depuis un bon moment, et se battent à chaque étape, sur chaque route, pour s'élever l'un et l'autre au plus haut niveau.

Ensuite, c'est après quelques échanges avec les supporters, que tous deux rejoignent le bus de l'équipe.
Julian tombe dans mes bras.
Je peux sentir en lui toute sa déception, mais je sais qu'il garde toujours le sourire qu'importe le moment. Alors je ne remue pas le couteau dans la plaie. Ce que je fais simplement, c'est le comprendre et le soutenir ; être là pour lui ; l'accompagner dans tous ses bons ou mauvais moments, enlacée dans ses bras.

Nous avions passé la soirée à s'amuser, à rigoler et à se ressasser tous les bons moments que nous avions vécu avec ce maillot jaune.

  27 Juillet 2019.

  C'est la vingtième étape ; direction Val Thorens, avant de regagner l'avion pour la capitale.
Julian finit cinquième à cette étape, n'ayant pas pu récupérer le maillot jaune. Heureusement que ses coéquipiers furent là pour lui ; pour le porter jusqu'à la fin afin qu'il n'arrive pas un quart d'heure après le peloton.
Julian est juste exténué de cette étape ; très fatigué. Mais pour lui la vie ne s'arrête pas là. Il a toujours revendiqué que sa passion ; le cyclisme ; est juste un sport parmi tant d'autres, malgré tous les moments de joies que cela apporte.
Et comme il le dit lui-même, c'est pour ces moments de vie que Julian fait du cyclisme.

Tout le monde applaudit Julian en arrivant à Val Thorens, puis en entrant dans le bus.
On regagne alors l'aéroport pour la vingt-et-une et dernière étape.
L'ambiance est assez détendue et les coureurs en profitent pour se reposer, loin de toute pression.

On arrive à l'hôtel dans la nuit, puis je me retrouve assise aux côtés de Julian, sur le lit de notre chambre :
« - Tu vas faire quoi après le Tour ? Je lui demande.
    - J'ai prévu de passer chez mes parents, puis je pars en Corse avec Florian.
Florian est son meilleur ami d'enfance, il m'a déjà un peu parlé de lui.
    - Bon programme...
Il me regarde en souriant, me comprenant.
    - Et toi, tu comptes faire quoi ?
    - Il faut que je revoie ma famille aussi. Et après, je ne sais pas...
Il s'allonge sur le lit, la tête sur l'oreiller et les yeux pensifs, scotchés au plafond.
    - ... Je t'invite avec nous, enfin si tu le souhaites.
Je m'allonge à mon tour, sur lui, la tête collée à son torse.
    - Peut-être... Je lui déclare en lui laissant le temps de s'impatienter de ma réponse.
Il joue avec mes cheveux.
    - Si tu ne viens pas, je t'emmènerai de force et je te ligoterais. Alors après... C'est comme tu veux...
Il se met à ricaner, ce qui me fit sourire.
Je relève ma tête face à la sienne.
    - Bien sûr que je viens ! Je lui exclame en rigolant.
Nos lèvres se touchent.
    - Encore heureux...
    - Tu t'ennuierais sans moi.
    - Trooop ! Moi je vais mourir si tu n'es pas là, j'ai besoin de toi.
    - À ce point ? Je soupire.
    - À ce point !
On se regarde au plus profond des yeux, puis on explose de rire.
    - Ne fais pas l'imbécile...
    - Mais je ne fais pas l'imbécile, comme tu dis. Je suis sincère... Enfin presque !
    - Ahah. Parce qu'encore mourir je veux bien, mais toi avoir besoin de moi... Je me doutais bien que tu ne disais pas toute la vérité.
Il expire.
    - Oui, alors... En fait, c'était plutôt l'inverse !
On explose de rire, puis j'attrape sa bouche et lui fait quelques bisous.
Je sens que Julian est beaucoup plus relaxé que certains jours précédents. Je sens que toute la pression du maillot s'était en allée.
    - On fait quoi demain soir ? Je le questionne.
    - J'ai déjà demandé à des coureurs ce qu'on faisait pour la fin du Tour ; on ne sait pas encore. En tout cas ce que je sais très bien, c'est qu'on va bien arroser ça ahah ! »
Je lui exprime un regard suspect :
« - Mais on ne fera pas de conneries ! Je t'ai toi, tu me suffis amplement. Je t'aime !
Je lui délivre alors un sourire angélique, avant qu'on s'endorme.
    - Moi aussi je t'aime Julian ! »

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