C'était une nuit sombre. La lune était dissimulée derrière d'épais et immenses nuages noirs, et il faisait une de ces chaleurs accablantes qui pesaient sur les épaules ; une tempête approchait.
La jeune femme se détourna de la large fenêtre, qui, entrouverte, laissait s'engouffrer le vent dans la pièce et faisait s'envoler les rideaux. Elle baissa la tête, le regard tourné en direction de ses bras, dans lesquels était endormi un minuscule bébé, d'à peine deux semaines. Une fille, sa fille : Seira. Ses petits doigts, tout fripés et encore extrêmement fragiles, étaient accrochés au pendentif de diamant qu'elle portait toujours à son cou. Ses paupières, dont on voyait légèrement les fines veines violettes par leur transparence, étaient fermées et frémissaient quelque peu. Le nourrisson bougea faiblement, et enfouit sa tête dans la poitrine de sa mère. La pièce demeurait silencieuse ; seul perçait dans cette quiétude le frottement du vent contre la vitre et le tonnerre qui se rapprochait.
Puis soudain, un son strident. Un rugissement de dragon. Il semblait s'approcher à vive allure ; elle pouvait entendre le sifflement de ses ailes fendant l'air. La porte du salon s'ouvrit en grand dans un claquement sonore, dévoilant son mari qui accourait jusqu'à elle, le regard fou d'inquiétude.
— Leia, il nous a retrouvés. Il faut partir. Le bouclier ne nous protègera pas longtemps.
L'adrénaline éclata en elle et son cœur redoubla de vitesse. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais brusquement, une explosion assourdissante retentit. L'air parut briller un bref instant autour d'eux, comme si quelque chose de puissant venait d'être anéanti et que la magie du sort s'échappait. Le bouclier, le bouclier est détruit. Une seconde plus tard, une seconde déflagration eut lieu et les murs commencèrent à s'écrouler. Le bébé poussa un cri strident, et se mit à pleurer.
— Cours, enfuis-toi le plus loin possible tant qu'il est encore temps !
Des larmes fendirent les joues de la femme. Elle secoua la tête, tremblante, et serra davantage son enfant contre elle dans l'espoir de le calmer.
— Laiken... non.
— Sauve notre fille, Leia. Cours ! s'écria-t-il, alors que la pièce commençait à prendre feu. Je vais le ralentir !
Les yeux inondés de larmes, elle observa son mari intensément, une dernière fois. Ses cheveux ondulés d'un brun chocolat soutenu et brillant s'abattaient sur son front en de gracieuses boucles, et mettaient en valeur ses iris d'un ambre presque or, qui reflétaient la lumière des flammes en donnant l'impression qu'ils s'embrasaient. Sa peau mate semblait être mordorée à côté de la sienne, porcelaine, et paraissait être imprégnée des rayons du soleil, malgré la poussière qui la recouvrait. Il était aussi beau qu'au premier jour, celui où elle était tombée amoureuse de lui en sachant très bien qu'il serait le seul. Laiken.
— Je t'aime, lâcha-t-elle, s'efforçant de rester forte.
Il ne répondit rien, l'embrassant avec la passion du désespoir. Puis, les yeux humides, il lui ordonna :
— Maintenant, pars ! Ne t'inquiète pas, on se retrouvera. C'est une promesse.
Elle hocha la tête et courut vers la cuisine, en pressant sa fille en pleurs contre son sein. Posant la paume de sa main contre la pierre, le mur s'illumina et une brèche s'ouvrit sur la forêt. Derrière elle, un cri rauque résonna et elle dut fournir un effort surhumain pour ne pas se retourner. Elle concentra toute son attention sur sa fille et franchit l'ouverture. Ce qu'elle vit dehors lui coupa le souffle d'horreur ; il avait tout détruit. Le bois, les maisons, tout ; tout était en train de brûler. Les habitants se pressaient dans tous les sens en hurlant, le visage déformé par une peur profonde. Elle détourna la tête et se précipita dans la forêt. La pluie tombait maintenant avec violence, et le tonnerre n'avait jamais été aussi proche. Elle courut à en perdre haleine, le cœur au bord des lèvres, la vision brouillée par les larmes qui lui lacéraient la peau.
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La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]
FantasyElle n'est pas comme les autres. À la différence de toutes les créatures vivantes sur sa planète, Seira n'a pas de pouvoirs. Et pourtant, elle le sait. Elle le sent depuis toute petite. La magie parcourt ses veines. La traverse to...