Au moment où j'inspirai pour poser ma première question, le cœur battant, elle prit la parole.
— Laiken m'avait parlé d'une fille, dont il était tombé amoureux. À l'époque, Othorion, mon mari, avait d'autres projets pour lui. Il ne voulait rien entendre de divergent... Une grande dispute a éclaté entre eux et, un soir, mon fils est parti. Je ne l'ai plus jamais revu. Seize mois plus tard, j'ai senti dans ma poitrine... un vide... et j'ai su : il était mort.
Sa voix se brisa, et elle lâcha son premier sanglot. À cet instant, je ne vis plus Kalyra comme une reine, mais comme une mère aimante qui avait perdu son fils, et qui en avait énormément souffert. Je compris qu'elle ruminait cette pensée depuis longtemps déjà. Je ne sus comment réagir ; comment faisait-on pour réconforter une reine qui s'était nouvellement révélée être votre grand-mère ?
— Je me console en me disant qu'il aura vécu avec celle qu'il aime le plus longtemps possible. Qu'il ne nous a pas écoutés. Et qu'il m'a laissé quelque chose : toi. Il est vrai que, physiquement, tu ressembles de façon troublante à Leila... mais intérieurement, tu as tout de lui. Quand je te regarde, j'ai l'impression de le reconnaître en toi.
Je restai silencieuse, n'osant annoncer que ma mère m'avait dit la même chose il y a peu, alors que je me trouvais entre la vie et la mort.
— Comment... comment était-il ? demandai-je d'une petite voix, me raclant la gorge.
— Moralement, un homme bon. Et je ne te dis pas cela parce que c'était mon enfant, bien que je sois très fière de lui, mais parce que c'est vrai. Enfant, il était un garçon très sensible, qui pleurait souvent. Il détestait être seul et recherchait incessamment de l'affection. Othorion craignait qu'il ne soit un roi trop naïf, trop indulgent... Mais quand est arrivé le moment où il est monté sur le trône... (Elle sourit tristement) C'était un souverain noble, qui savait pardonner, offrir une seconde chance. Il pensait aux autres avant lui-même, et cela a payé. Je crois que mon mari n'a jamais digéré le fait qu'on lui préférait son fils !
Elle rit, et je ne pus m'empêcher de sourire.
— Quant à son apparence... Viens, je vais te montrer.
Piquée par la curiosité, je la suivis dans le couloir. On marcha quelque temps avant de se trouver dans une partie plus ancienne du château, celle que je devinai être les appartements de la Lignée. Il y avait une grande salle, sûrement la salle à manger, deux bureaux, trois salons, et deux chambres : dessus, gravés et peints avec de la dorure, des noms. Sur l'une, Kalyra & Othorion. Sur l'autre, Laiken. La vue de ce mot me prodigua une sensation étrange dans la poitrine, un peu douloureuse.
Ma grand-mère se positionna devant un imposant tableau, tout au bout du couloir qui reliait les différentes pièces entre elles. Il occupait tout le mur, son cadre doré vieilli par le temps. C'était un portrait de famille.
— Je ne suis plus venue ici depuis quelque temps, m'avoua-t-elle d'une voix émue. C'est dur... (Elle pointa le personnage central du doigt) Regarde, voilà ton père.
Voilà ton père. Pourquoi cette phrase sonna-t-elle si étrange à mes oreilles ?
C'était un homme d'apparence assez grand, même si je ne pouvais pas en être sûre du fait qu'il était assis. Deux ailes blanches jaillissaient de son dos, bien plus sculptées et musclées que celles de sa mère, derrière lui. On retrouvait un air de ressemblance assez frappant entre le père et le fils, surtout au niveau de la structure du visage et du teint de peau ; une coloration presque caramel, comme Lenora, sur une mâchoire carrée, un nez bien dessiné et deux yeux en amandes. Du reste, c'était Kalyra : des cheveux ondulés d'un brun chocolat — caractère dont j'avais moi aussi hérité — et de profonds yeux ambre. Un sourire étirait ses lèvres, le rendant encore plus jeune qu'il ne l'était réellement, dévoilant de belles dents blanches. C'est vrai qu'il avait l'air gentil. Je devais bien l'avouer, je comprenais pourquoi ma mère était tombée amoureuse de lui. En plus d'avoir un grand cœur, il était charmant.
VOUS LISEZ
La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]
FantasiaElle n'est pas comme les autres. À la différence de toutes les créatures vivantes sur sa planète, Seira n'a pas de pouvoirs. Et pourtant, elle le sait. Elle le sent depuis toute petite. La magie parcourt ses veines. La traverse to...