Six jours plus tard...
M'assurant que personne ne me voyait, je m'éloignai du feu où tout le monde était couché et me dirigeai vers le bois. Lenora était de garde pour les quelques heures de sommeil accordées par Elyon ce soir, et elle n'était pas la plus efficace. Avachie avec une certaine grâce contre un rocher recouvert de mousse, elle luttait pour garder les yeux ouverts. Comme nous tous, et ce malgré son entraînement de guerrière, elle commençait à fatiguer. Voilà une semaine que nous marchions sans nous arrêter, espérant sortir de cette forêt interminable au plus vite. Les arbres ne cessaient de défiler autour de nous, tous semblables les uns aux autres. Plusieurs fois, le fait de tourner en rond m'avait effleuré l'esprit, mais selon les garçons, nous étions sur le bon chemin. Je n'avais pas osé insister davantage, d'autant plus que le caractère d'Elyon devenait insupportable. Il ne parlait plus, sauf pour nous hurler des ordres, et se contentait d'afficher en permanence une expression maussade.
Notre conversation remontait maintenant à exactement six jours. Depuis, entre nous, c'était silence radio. Et lorsque nos regards avaient le malheur de se croiser, on détournait la tête aussitôt. Oublier. Comment oublier cette sensation incroyable qui m'avait traversée toute entière, alors que ses lèvres se mouvaient sur les miennes ? Quand il m'arrivait de repenser à ce fameux soir, mon cœur se déchirait un peu plus à chaque fois. Mais, en plus de cette souffrance, une frustration profonde s'était rajoutée : Elyon disait que nous ne pouvions pas nous aimer à cause de nos origines et de plein d'autres raisons différentes, mais pour moi, aucune d'entre elles - si elles existaient - ne pouvait tenir la route.
Secouant la tête, je chassai toutes ces pensées négatives et me focalisai sur le chemin à suivre. Il faisait nuit noire, alors le risque de se faire surprendre par une bête sauvage en était d'autant plus grand. Toutefois, je ne me faisais pas de souci : cela faisait une semaine que je m'autorisai ces petites escapades nocturnes, ne trouvant plus l'envie de dormir. Mon origine de fille de la Lune y était peut-être pour quelque chose, mais je me sentais autant éveillée la nuit que le jour : le sommeil, représentant avant pour moi une notion vitale, n'était plus qu'une option.
D'autant plus qu'à force d'arpenter cette forêt de long en large, le paysage m'était devenu familier au point d'avoir l'impression de pouvoir me repérer sans problèmes. Enfin, je ne m'éloignais pas trop tout de même, par sécurité. Une nuit, alors que je m'étais enfoncée plus profondément, je crus avoir vu une créature au pelage d'un noir bleuté. Elle avait disparu sans que j'aie eu le temps de pouvoir la détailler davantage.
Le parfum de la nuit flottait dans les airs, alors que de minuscules lucioles voletaient un peu partout. C'était magnifique. Contrairement aux premiers jours, la forêt n'avait maintenant plus rien d'effrayant ; elle avait même, de manière moindre, mais tout de même perceptible, changé d'apparence, comme si nous étions entrés dans une autre partie. Une zone plus ancestrale, plus mystérieuse et enchanteresse.
Lorsque je repérai enfin un arbre qui me plaisait, je m'arrêtai. Dans un halo bleuté et accompagné de son carquois de cuir blanc aux flèches de cristal, le Profondeanus se manifesta dans ma main.
En un éclair, le projectile alla se planter dans le tronc de l'arbre. Je souris, ravie de constater que toutes ses nuits à s'entraîner commençaient à porter leurs fruits. Saisissant une nouvelle flèche dans l'étui à mes pieds, je me préparai à tirer. Ma vue se fit plus perçante, et une seconde plus tard, la pointe de cristal s'enfonça dans l'écorce du tronc.
Je n'osai imaginer comment réagirait Elyon s'il me voyait ainsi hors du dôme de protection. Mais, après tout, il ne pouvait pas me contrôler. J'ai toujours été quelqu'un de relativement indépendant, et je comptais bien le rester.
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La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]
FantasíaElle n'est pas comme les autres. À la différence de toutes les créatures vivantes sur sa planète, Seira n'a pas de pouvoirs. Et pourtant, elle le sait. Elle le sent depuis toute petite. La magie parcourt ses veines. La traverse to...