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Hannah — Chez elle, 22:09
Novembre 2013

Cela faisait plusieurs minutes qu'Hannah était là, assise sur son lit, vêtue de son training de pyjama et d'un t-shirt appartenant à son frère. Dans sa main gauche, elle tenait son téléphone, et dans l'autre ; le morceau de papier déchiré qui contenait le numéro de Sam.

Appeler? Ne pas appeler?

Elle avait envie de combattre sa timidité. Elle le devait, pour son bien, pour le bien de tous. Pour se faire aimer.

J'appelle.

Ses doigts commencèrent rapidement à tapoter l'écran, composant le numéro de la blonde, prise d'une certaine panique au fond d'elle. Qu'est-ce qu'elle allait lui dire?

La sonnerie se fit entendre dans le combiné.

Allez, réponds!

Si ça se trouve, Sam allait la trouver trop bizarre. Il fallait qu'elle soit naturelle. Mais comment? Elle ne la connaissait pas! Tellement de questions.

Ses jambes tremblaient.

C'était toujours comme ça. Chaque fois que Hannah devait passer ou prendre un coup de fil, elle était au bord de la crise de panique. Personne n'avait jamais compris pourquoi téléphoner avait toujours été une source d'angoisse pour elle.

— Allô?

Son cœur s'arrêta.

— Sam? articula Hannah, nerveusement.

— Oh, Hannah! On est samedi soir, je pensais que tu allais m'appeler hier?

Mince, elle avait complètement oublié. Une excuse, vite!

— Ouais, euh ... désolée, c'est que ... je trouvais plus mon téléphone, mon frère l'avait planqué pour me faire une blague stupide! inventa la brune.

— Ah, je vois, pas de problème! Écoute, je sais pas si t'as envie de parler de ça ou non mais ... pourquoi tu étais au bord des larmes, vendredi, aux toilettes?

Silence. C'est vrai, pourquoi? Elle-même ne savait pas. Elle supposait tout de même que la pression des cours jouait là-dessus.

— Je ... je sais pas trop. Je me sentais pas trop bien, à vrai dire.

— Raconte-moi.

La voix de Sam était rassurante, chaleureuse. Hannah avait l'impression de parler à sa mère.

— J'ai parfois l'impression d'être de trop, partout où je vais. Que tout le monde me juge, ou que tout le monde me rejette. On m'a toujours simplement considéré comme étant la « timide » du groupe, la coincée comme certains aiment dire.

Il y eut un nouveau silence. Hannah pouvait entendre Sam parler avec quelqu'un, à l'autre bout du file.

— Tu es avec quelqu'un?

— Oui, pardon, mon père est juste venu me dire bonne nuit, répondit Sam rapidement. Mais ... tu es sûre qu'il n'y a que ça? Comment tu te sens?

De nouveau, Hannah se sentit directement en confiance. Il était clair que cette fille allait devenir son amie, et qu'elle avait un réel talent pour faire en sorte que les gens se sentent bien, car il était rare que Hannah se livre d'une telle manière et d'une telle rapidité.

— Les cours, aussi, je suppose. C'est jamais facile.

— Tu es en première? demanda Sam.

— Oui. Et toi, comment ça se passe? Emménager avec Jessica n'est sans doute pas une chose facile.

Hannah se sentait mal pour Sam. Elle ne voudrait en aucun cas être à sa place. Habiter avec deux pimbêches pareilles? Non merci! Jessica avait l'équivalent de trois neurones qui consistaient à parler - beaucoup - pour ne rien dire, penser à son apparence et un dernier pour sauter sur tout ce qui bouge.

Elle frissonna.

— Ouais, c'est ... c'est difficile de se dire que je vais bientôt quitter notre chez nous. Mon père ne compte pas vendre la péniche, mais ça veut quand même dire que je ne pourrai pas revenir quand je voudrai. Et puis, Claire et Jess sont assez spéciales.

Hannah émit un petit rire.

— Tu m'étonnes! Mais pourquoi tu vas pas habiter chez ta mère, en fait? Tu as le choix, non?

Silence. Silence persistant. Mauvaise question, encore une fois. Pourquoi fallait-il qu'elle soit si embarrassante? Elle se haïssait.

— Sam? répéta Hannah, n'entendant plus rien.

— Elle est morte il y a cinq ans. Le cancer a eu raison d'elle.

Cette fois, ce fut au tour de la brune à se taire. Elle ne savait pas quoi lui répondre.

— Je suis désolée pour toi, Sam, vraiment, excuse-moi d'avoir demandé.

— Eh, t'en fais pas! Tu pouvais pas savoir! répondit immédiatement Sam, ne voulant pas alourdir l'atmosphère.

Hannah sembla réfléchir, les yeux dans le vide.

— Eh, ça te dit de venir chez moi demain? Passer un dimanche ensemble, histoire de mieux se connaître, proposa-t-elle.

— Euh, vraiment? Bien sûr, j'adorerais! Donne-moi juste ton adresse et je viendrai vers quinze heures si ça te va. Avant, je dois aller avec mon père chez l'autre pour manger.

Hannah ricana à l'entente du mot « l'autre ».

L'appel téléphonique dura encore une bonne heure, et les deux fille apprirent à se connaître un peu mieux, discutant de leur famille, leur passé, se racontant quelques anecdotes de leur enfance qui les firent bien rire, avant de finalement se quitter sur une note joyeuse.

Hannah se coucha sur son lit, remonta sa couverture jusque ses épaules et s'endormit, le sourire au visage. Elle aimait bien Sam. Elle sentait qu'elles allaient devenir très proches en un rien de temps.

» TIME | until dawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant