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Emily — Lycée de Nashville, jeudi 18 décembre 2013, 10:57

Tout s'était joué entre le cours d'anglais et celui d'histoire-géographie. Retour en images : au pas de course, Emily gravit les escaliers, puis remonta le couloir et stoppa devant la salle 608. Le tout, les yeux rivés sur son téléphone. Cela faisait tout de même cinquante minutes qu'elle n'avait pas checké ses messages. Là, refus de priorité, c'est la collision.

Violente mais pas douloureuse. Pas de dégâts de l'autre côté, un grand sourire avait pu le confirmer.

— Regarde où tu vas, lui conseilla le grand brun.

Puis il ajouta, ironique :

— T'es pas blessée au moins?

Non, bien sûr que non. Juste des papillons dans le bras, celui que Matt avait saisi pour l'empêcher de tomber.

— Eh, mec, si tu la lâches pas, on va être en retard! balança une voix derrière Emily.

La main se détacha, le garçon disparu et Emily resta là, bêtement, au beau milieu du couloir. Son premier réflexe fut pour son portable, qui confirma : aucune activité depuis une heure. Il fallait dire que tout le monde était en cours.

Le tout avait duré deux minutes trente. Trois peut-être. Pourtant Emily était encore toute retournée. Si la même histoire arrivait à l'une de ses amies ou dans un film, elle serait la première à ricaner de la niaiserie de la situation. Mais c'est elle qui avait ressenti ça. Et c'était la première fois. Restait juste un détail à régler : pourquoi avait-elle ressenti cela alors qu'elle était en couple avec le plus beau mec de la ville? Pourquoi avec lui?

Hannah — Lycée de Nashville

Les jours qui avaient suivi la collecte de vêtements avaient été juste fous! Il fallait dire que l'antenne de télévision locale était venue dans le lycée réaliser un reportage sur l'opération et son investigatrice. Si le proviseur avait resservi aux journalistes son ragoût, à peine réchauffé, d'élèves qui n'étaient pas des moutons, Hannah avait été beaucoup plus avare de ses mots, pour être certaine que ses phrases ne seraient pas tronquées au montage.

Certes, les jeunes entre quinze et dix-huit ans ne sont pas des adeptes des journaux télévisés régionaux, mais les faits sont là : le lendemain de la diffusion, Hannah avait eu quatre cent vingt-sept demandes d'amis supplémentaires sur sa page Facebook. Il lui fallait encore du temps pour répondre à tous : hors de question d'accepter sans avoir d'abord examiné toutes les publications sur le mur du demandeur.

Autre activité chronophage d'Hannah : rendre le bonjour à tous les inconnus qui l'avaient saluée dans les couloirs, à la cafétéria ou même dans les toilettes. Accepter de poser quelques fois pour des selfies.

Aujourd'hui, Hannah avait presque retrouvé la rassurance de l'anonymat. Beaucoup d'élèves lui souriaient encore quand ils la croisaient, mais plus personne ne s'arrêtait. Cela lui allait très bien : il n'était pas forcément souhaitable que des oreilles même bienveillantes ou admiratives entendent toutes les horreurs que sortent Emily ou Jessica quand elles commentaient.

Hannah avait aimé être cool. Et, même si elle ne souhaitait en aucun cas se retrouver de nouveau sous les flashs des téléphones, elle n'avait pas envie de revenir à sa vie d'avant.

» TIME | until dawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant