Dans la salle de bain attenante à son ancienne chambre, Steve n'arrivait pas à détacher son regard de son propre reflet dans le miroir. Chaque fois qu'un malheur lui était arrivé, il avait tenté de relativiser en se disant que ce pourrait être pire. Que ça faisait partie de la vie. Quand sa mère était morte. Quand la guerre avait explosé. Quand Bucky était tombé de ce train. Quand il s'était réveillé après soixante-dix ans sous la glace. Quand les Avengers avaient implosé. Toujours, il avait tenté de trouver une solution, un brin de côté positif. Cette fois-ci, pourtant, il n'en arrivait à rien. Il demeurait là, silencieux et vide, à contempler sa propre image qu'il avait maintenant en horreur. C'était là le visage de celui qui avait failli, l'image d'un homme qui avait manqué à son devoir. Il devait protéger le monde. Voilà pourquoi on avait fait de lui ce qu'il était. Et il avait échoué.
Il ne la vit pas arriver mais sentit ses bras qui l'agrippaient par derrière. Depuis ce temps où il partageait sa vie et son quotidien, Steve savait que Natasha n'était pas une femme démonstrative. Mais à la sentir ainsi, l'entourer de ses bras et le serrant de toutes ses forces, sa joue scotchée entre ses omoplates, il sut que ça n'allait pas. Les nouvelles étaient mauvaises. Il ne lui parla pas, et caressa plutôt son avant-bras de sa main droite sans se retourner. Il savait qu'elle parlerait quand elle le voudrait. Quand le besoin se ferait sentir. Pour l'heure, il devinait qu'elle n'avait besoin de rien d'autre que cela. Elle. Lui. C'était tout.
Elle finit par lâcher son emprise et lui envoya trois petites tapes sur le côté de la hanche. Il savait ce que cela signifiait. Natasha Romanoff n'était pas une femme démonstrative, encore moins le genre de femme à exprimer haut et fort ses sentiments. C'était la manière qu'elle avait trouvée. C'était ainsi qu'elle procédait. Au lieu de lui lancer un « je t'aime », cette expression qui semblait chaque fois lui rouler dans la bouche et qu'elle s'était scrupuleusement empêchée de dire à voix haute devant Sam et Wanda, elle lui envoyait ces trois petites tapes délicates. Un triple tapotement de la main qui voulait maintenant pour eux tout dire. C'était un geste qui pouvait débarquer un peu n'importe quand : quand elle passait près de lui, au beau milieu du repas... Parfois c'était un simple tapotement du bout du doigt, et toujours il comprenait. Il avait fini par adopter le geste à son tour. C'était leur truc à eux, que personne d'autre ne comprenait, ni même ne remarquait.
À travers le miroir, il la vit se départir de ses vêtements et glisser sous la douche. Le bruit de l'eau qui coulait envahit la pièce. Steve laissa tomber un soupir. S'il avait fallu qu'elle soit emportée par le vent, comme Bucky, comme Sam et Wanda... Il ferma les yeux, tentant de chasser cette pensée. Sortant de la salle de bain, il entreprit de se changer et enfila un t-shirt. Les images s'accumulaient dans sa tête, et il ne pouvait s'empêcher de voir et revoir Bucky qui disparaissait, de l'entendre prononcer son nom une dernière fois alors qu'il n'arrivait pas à comprendre ce qui était en train de lui arriver. Ses jambes cédèrent, et Steve dut s'asseoir sur le rebord du lit. La tête posée entre les deux mains, coudes appuyés sur les genoux, il ne remarqua pas le silence de la douche qui avait cessé de couler. Ce fut sa voix àelle qui le tira de ses pensées.
« Hey... »
Il sentit ses doigts qui pianotaient à travers ses cheveux alors qu'il agrippait machinalement le bas de la serviette de bain dans laquelle elle était encore enroulée. Lorsqu'il osa lever les yeux vers elle, il lui vit un regard qu'il ne lui connaissait pas. Ses yeux étaient embrumés par des larmes qui semblaient vouloir y élire domicile en permanence. Elle se pencha vers lui et posa un baiser rapide sur ses lèvres, puis se dirigea vers son sac de voyage où elle fouilla à la recherche d'une tenue décente.
- On n'a pas retrouvé Nick Fury, lui annonça-t-il d'une voix grave. On n'en est pas certains, mais on croit bien qu'il a été emporté comme les autres. Maria aussi.
Il la vit hocher la tête lentement, avalant visiblement la nouvelle qui demeurait malgré tout coincée au fond de sa gorge.
- Pepper ? lui demanda-t-elle.
- Ça va. Elle est toujours là.
Natasha s'habilla lentement. Elle lui tournait le dos lorsqu'elle lui annonça enfin les nouvelles qu'il attendait :
« Laura et les enfants ont disparu. Clint... Je ne sais pas où est Clint, mais j'ai assez de preuves pour affirmer qu'il est encore en vie. »
Même s'il ne pouvait distinguer son visage, Steve la vit porter une main à ses yeux. Elle séchait ses larmes.
- On le retrouvera, Nat, lui dit-il en s'avançant vers elle et en posant ses mains sur ses épaules. T'inquiète pas. Où qu'il puisse être, on le trouvera.
- J'ai peur, Steve. Je suis morte de trouille, en fait. Et le pire dans tout ça, c'est pas que j'ai peur de ce qui vient d'arriver, ou de la fatalité de tout ça... J'ai peur... J'ai peur de ce qu'il pourrait faire. Après ça, s'il décidait de... je crois que je ne pourrais pas le supporter. Pas après tout ce qui vient de se passer. Je ne pourrais pas le perdre, lui aussi.
Le sanglot devint des larmes alors qu'elle vit volte-face et que Steve la prit dans ses bras. Ils demeurèrent là, tétanisés. Il en connaissait un bail sur le deuil. Il avait déjà, par le passé, perdu tous ceux qu'il aimait. Pour elle, c'était quelque chose de nouveau, tout simplement parce que pendant de nombreuses années, elle n'avait eu personne. S'attacher voulait également dire perdre, un jour ou l'autre. Et elle y était vraiment confrontée pour la première fois, alors qu'elle venait de perdre presque tout le monde en un seul coup. Comment faisait-on le deuil de la moitié de l'humanité ? Allez savoir...
- Il a tout saccagé, Steve, finit-elle par lui dire. Il a démoli toute la maison. J'ai peur de ce qu'il pourrait vouloir faire ensuite.
Steve passa un doigt sous son menton et la força à relever le visage.
- Sa réaction n'est que des plus normales, Tasha : il a perdu tout ceux qu'il aimait. Il doit surmonter tout ça. Ensuite, on le reverra.
- Et qu'est-ce qui te fait croire qu'il ne commettra pas l'irréparable ? Qu'est-ce qui te dit qu'il reviendra ?
Steve eut un sourire en coin.
- Parce qu'il lui reste une seule chose au monde. Une seule étoile pour guider son chemin à travers sa profonde nuit noire. Et elle est ici, avec moi, dans cette chambre. Tant qu'il t'aura toi, Tasha, il saura retrouver le chemin de la maison.
Natasha ferma les yeux et se hissa sur la pointe des pieds pour l'embrasser à nouveau. Le baiser, mélangé à ses propres larmes, avait un goût de sel. La suite le surprit.
- Je t'aime, Steve Rogers.
Il la serra très fort contre lui. Oui, tant qu'ils seraient tous les deux, le monde continuerait de tourner.
- Viens, lui dit-il, on a trouvé quelque chose.
Elle eut un regard interrogateur.
- J'en sais trop rien, poursuivit-il. Tu sais, moi, la technologie... C'est tout petit, et ça émet un drôle de signal sonore et lumineux. Selon Rhodey, c'est un genre de téléavertisseur.
- Un téléavertisseur ? Et en quoi est-ce que ça pourrait être d'une quelconque utilité ?
Steve haussa les épaules.
- On l'a trouvé près de la voiture dans laquelle Fury a été vu pour la dernière fois. Ça ne veut peut-être rien dire, ou...
- Ou Fury savait ce qu'il faisait.
Soudain, Natasha sentit quelque chose revenir en elle. Une chose qu'elle avait crue disparue à jamais. L'espoir.
« Montre-moi. »
* * * * *
Pas d'panique quant à la petitesse du chapitre 3 : on part pour le week-end, en famille, et j'voulais donc vous publier un petit quelque chose avant de quitter, question que vous puissiez avoir quelque chose à vous mettre sous la dent pour les prochains jours. J'ai décidé de suivre quand même un peu la trame d'Endgame... en espérant que ça vous plaira ! La suite la semaine prochaine, à mon retour ! En attendant, n'oubliez pas de m'innonder de vos commentaires ! xx
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L'Après guerre [COMPLET !]
Fanfiction"Some people move on... but not us." L'univers a changé. Tout le monde a perdu. Et ceux qui restent se demandent encore si leurs vies ne se sont pas, elles aussi, envolées en poussières. Pour ceux qui ont lu mon histoire "L'entre guerres", eh bie...