Ils avaient roulé en silence, lui au volant et elle perdue dans ses pensées. Steve savait que lorsqu'elle était dans cet état, mieux valait laisser Natasha Romanoff seule avec elle-même. Elle parlerait lorsqu'elle en ressentirait le besoin. Et il serait là pour l'écouter. Elle le savait. Il savait qu'elle le savait. La route lui avait paru s'étirer sur une éternité, alors qu'il avait fait ce chemin mille fois avec elle sans que jamais il ne lui paraisse particulièrement long. Aujourd'hui, pourtant, il lui semblait que jamais ils ne finiraient par franchir le grillage du domaine de Charlotte Johnson.
L'allée, bordée par les arbres, lui sembla plus sombre qu'à l'habitude. Comme si la végétation était, elle aussi, en deuil. La cour, qui était habituellement remplie d'enfants qui couraient, était d'un silence absolu. Le Domaine Johnson était situé en retrait de la ville et avait été habité par la même famille depuis des générations. De territoire froid et austère, il s'était métamorphosé, ces dernières années, en maison accueillante et chaleureuse où tant d'enfants avaient eu une seconde chance. En franchissant le portail, Steve n'avait pu s'empêcher de songer à toutes ces petites vies qui avaient été brisées par Thanos. Tous ces enfants qui s'étaient, du jour au lendemain, retrouvés orphelins. Tous ces enfants qui avaient retrouvé, en un seul claquement de doigts, des parents qui leur étaient désormais étrangers. Eux avaient grandi. Eux avaient vieilli. Ces parents qui avaient laissé des gamins dans le sillage de leurs cendres avaient, pour certains, retrouvé des adolescents perturbés par leur retour. D'autres, qui avaient quitté des bambins aux couches, s'étaient retrouvés devant des enfants d'âge scolaire qui n'avaient aucun souvenir de leur famille d'avant. Oui, Steve souriait en songeant qu'ils avaient sauvé le monde et réuni tant de familles. Mais il ne pouvait s'empêcher d'avoir un pincement au cœur en pensant aux conséquences de toutes ces réunions après cinq longues années.
Le temps était gris et pluvieux, comme il l'aurait été dans un film en un tel temps de deuil. Steve gara la voiture devant l'immense résidence de pierres où un seul autre véhicule était stationné. Il eut à peine le temps de couper le contact que la porte de la résidence s'ouvrit sur une Sarah au visage déconfit. Natasha bondit hors du véhicule comme une balle et alla la retrouver au bas des escaliers et les deux femmes s'étreignirent sans un mot. Elles demeurèrent ainsi pendant un long moment, silencieuses, partageant leurs peines. Sarah relâcha son étreinte au bout de longues minutes et se détacha de son amie.
- Je suis contente de te voir, finit-elle par lui dire. J'me suis fait tellement de souci pour toi...
Steve ne pouvait voir le visage de Natasha, mais il sut qu'elle souriait. Sarah le salua finalement par-dessus l'épaule de la rouquine et tous entrèrent à l'intérieur de l'immense manoir.
- On dirait que je l'ai senti, avoua Sarah alors qu'ils marchaient dans l'immense hall d'entrée. Je n'avais aucune raison particulière pour venir la voir aujourd'hui. Depuis que les enfants ont retrouvé leurs familles, j'ai quitté le manoir et je me suis installée dans mon ancienne maison avec mon fils. C'est comme si... comme si j'avais senti, ce matin, que quelque chose ne tournait pas rond. Je suis entrée, et toute la maison était tellement silencieuse... Et je l'ai trouvée là, dans son fauteuil, son café froid près d'elle et le journal du jour tombé par terre. Les ambulanciers ont dit qu'elle n'a probablement pas souffert, elle n'a sûrement même pas réalisé que... Elle est partie, simplement. C'est tout.
Tous les trois, là, debout près du fauteuil de Charlotte, observaient l'immensité du petit salon de thé où elle aimait tant débuter ses journées.
- Elle va me manquer, finit par lâcher Natasha, mélancolique. J'aurais dû passer la voir plus souvent. Du moins, depuis le retour de tout le monde. J'aurais dû venir prendre de ses nouvelles. M'assurer qu'elle n'était pas trop seule. Qu'elle avait...
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L'Après guerre [COMPLET !]
Fanfic"Some people move on... but not us." L'univers a changé. Tout le monde a perdu. Et ceux qui restent se demandent encore si leurs vies ne se sont pas, elles aussi, envolées en poussières. Pour ceux qui ont lu mon histoire "L'entre guerres", eh bie...