L'Après guerre [COMPLET !]

Chapitre 19

Il avait terminé. Il les avait toutes rapportées. Chacune des pierres de l'infini avait retrouvé sa place dans le temps et l'espace. Ainsi, la ligne du temps de chacune de ces réalités en demeurerait inchangée. Steve était satisfait : le tout s'était déroulé avec assez de facilité et désormais, son devoir était accompli. Il avait traversé le temps et l'espace beaucoup plus vite qu'il ne l'avait cru, en fait.

Seul son passage sur Vormir avait pris un peu plu de temps. En fait, il lui avait donné la nausée. Alors qu'il s'était promis de ne pas le faire, il n'avait pu s'en empêcher. Il s'était approché du bord de la falaise et avait fixé le vide devant lui. Puis avait penché la tête et avait regardé ce qu'il avait tant redouté : la hauteur de sa chute. Il avait longtemps fixé la pierre, des mètres et des mètres en dessous, et n'avait pu empêcher de laisser vagabonder son imagination. Il n'avait pu faire autrement que de la voir, probablement morte de peur, suspendue dans le vide et tenant la main de Clint, puis chutant vers sa mort qu'elle avait alors su certaine. Cette seule idée lui était insoutenable et faisait revivre en lui des souvenirs qu'il se refusait à laisser monter à la surface. Elle était en vie. Natasha allait bien. C'était tout ce qui comptait. Et pourtant, l'attrait de la falaise avait été plus fort. Il devait voir. Il avait besoin de savoir. Probablement pour mieux la comprendre. Pour savoir ce qu'elle avait dû vivre, et ce que ce sacrifice avait réellement signifié.

Chacune des pierres avait retrouvé sa place. Il était temps pour Steve de rentrer. L'idée le faisait sourire. Rentrer chez lui. Longtemps, il avait cru que « chez-lui » était synonyme d'une époque révolue. Pendant des années, rentrer à la maison voulait dire revenir aux années 40.  À la guerre.  À Peggy, surtout.  Aujourd'hui, pourtant, revenir au bercail signifiait une toute autre chose...  Et il avait décidé, avant tout, d'emprunter un autre chemin.  Il y avait de ces choix qui ne s'expliquaient pas.  Pour boucler la boucle et pour que son histoire soit enfin complète, elle devait passer par là.

Steve déboucha dans une magnifique rue de banlieue. Le New Jersey. Lorsqu'il avait fait sa rencontre, jamais il n'aurait cru qu'elle était femme à s'établir au New Jersey. Visiblement, le temps changeait les choses, mais aussi les gens. Lui le premier. La journée s'achevait. Déjà le soleil luttait pour garder sa place à l'horizon. La tranquille rue de banlieue, bordée de part et d'autre par les petits bungalows entourés d'arbres matures, grouillait encore d'activité. Des enfants qui faisaient des courses de vélo. Des gamines qui riaient en jouant à la marelle. Bientôt, les portes des maisons autour s'ouvriraient. Les mères appelleraient leurs enfants pour le repas du soir. Les lampadaires s'allumeraient et la petite vie du quartier redeviendrait tranquille et solitaire.

Ce fut la fillette qui lui confirma qu'il était au bon endroit.

Il l'aurait reconnue entre mille. Grande pour sa courte dizaine d'années de vie, ses cheveux rigoureusement nattés, elle portant une robe d'un bleu azur et des rubans dans sa tignasse soignée. Assise sur la bordure du trottoir, deux autres fillettes de son âge avec elle, elle ne porta pas attention à Steve mais éclata d'un rire cristallin qui le fit frissonner jusqu'à la moelle. Quelques secondes plus tard, deux garçons à peine plus âgés déboulèrent sur le trottoir, l'un sur une trottinette et l'autre courant derrière, bousculant quelque peu les petites filles qui se mirent à crier.

- Arrêtez ! s'exclama la brunette qui se leva d'un bond, l'air sévère. Non mais ça suffit ! Allez donc jouer plus loin !

Et les garçons, contrairement au réflexe naturel de tout garçon de cet âge, obtempérèrent sans un seul mot. Oui, songea Steve. Cette gamine avait résolument de qui tenir.

Il crut que les enfants ne le remarqueraient pas alors qu'il remontait l'allée qui menait au 12, Chestnut Lane. C'était, encore une fois, sous-estimer la fillette.